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Portraits

4 mars | 10h07

Acharnement et compétence, l’ascension fulgurante de Romain Peyrusqué (Paris FC)

Au Paris FC (L2) depuis cinq saisons maintenant, Romain Peyrusqué est à 25 ans, le plus jeune entraîneur adjoint d’Europe. Portrait de celui qui a tout pour devenir le nouveau Julian Nagelsmann à la française. (Crédit Photos : PFC)

PARIS FC PORTRAIT Paris fc L2

Les aficionados de Charléty et du groupe ADP - Centre d’entraînement du Paris FC, le connaissent déjà très bien. Il faut dire qu’on remarque facilement Romain Peyrusqué, tant il est partout, toujours à la recherche d’un système tactique ou d’un détail, en réalité de tout ce qui pourra faire la différence lors du prochain match et ramener la victoire, seule chose qui importe à ses yeux. Adjoint de Thierry Laurey, il est arrivé au sein du club parisien en 2017, à seulement 19 ans, après avoir fait ses gammes en Normandie. Dans un premier temps au sein d’équipes de jeunes, tout en passant ses diplômes d'entraîneur, puis dès 18 ans, en étant analyste vidéo pour le Quevilly Rouen Métropole d’Emmanuel Da Costa en N1. Une réussite puisque le club monte en L2. Romain lui prend la direction d’un autre promu de l’antichambre de la L1, le Paris FC au côté de Fabien Mercadal.

Un début de carrière fulgurant, qui va se poursuivre sur le même rythme. Cependant, cela ne doit rien au hasard. Le jeune technicien est un bourreau de travail et ne s’en cache pas : « Je partais de zéro et j’avais une grande ambition. Il a donc fallu travailler plus que les autres, on ne m’a pas aidé, j’ai du aller taper à la porte et en casser certaines. Cela n’a pas été évident, il y a eu beaucoup de travail et aujourd’hui j’en souffre un peu car j’ai des arythmies cardiaques, à cause de tout le temps passé à travailler et boire du café. D’ailleurs, mon médecin m’a dit de me calmer, mais j’ai du mal », nous explique t-il avec un sourire.

Actufoot • Romain Peyrusqué PFC 2

Bourreau de travail, Romain Peyrusqué est aujourd'hui l'un des hommes forts du PFC

Mecha Bazdarevic, qui a travaillé avec Romain 18 mois au Paris FC, est beaucoup plus sérieux concernant ce point précis : « Il travaille beaucoup trop, le football c’est très important mais il faut avoir une coupure pour profiter de la vie. Il aime la vie, mais il ne doit pas oublier de la vivre », nous explique-t-il, avant de poursuivre : « Il ne sortait jamais et quand par exemple on allait au resto et que l’on discutait, il était presque tout le temps dans le foot, il me posait des questions sur mon expérience. On avait vraiment un échange qui était important pour moi car c’est quelqu’un qui ne dit pas des conneries. »

Avec un don certain pour débusquer les talents, le coach bosnien n’a d’ailleurs pas mis longtemps avant de repérer les capacités hors du commun du jeune Peyrusqué, et très vite alors que celui-ci travaillait principalement comme à Quevilly dans l’observation et l’analyse vidéos des adversaires, il n’a pas hésité à lui accorder plus de poids dans son staff : « Au bout de quelques semaines je me suis rendu compte que ce gamin était très passionné par le football, qu’il avait une très bonne vision et surtout une compétence qui allait au delà de son champ d’action et des vidéos. » Dans un PFC qui de surcroît n’avait pas les mêmes moyens, les deux hommes se sont rapprochés et se sont jetés ensemble dans le travail. « C’est quelqu’un de très frais, moderne, en parfaite adéquation avec son époque, j’ai tout fait pour qu’il devienne entraîneur adjoint à part entière », n’oublie pas Bazdarevic.

Le petit déclic est arrivé lorsque j’ai lu un livre sur José Mourinho (...) Je me suis vu en lui, j’ai trouvé ça juste 

Romain Peyrusqué qui nous explique comment un détour à la FNAC avec sa mère a changé sa vie alors qu'il n'avait que 16 ans.

A l’âge où la plupart des jeunes pensent à aller faire la fête et profiter de la vie, Romain Peyrusqué s’est tourné vers le travail, sans répit. Mais d'où vient cette envie d’entraîner qui semble tout emporter sur son passage. La réponse est toute simple, d’une après midi à la FNAC avec sa mère alors que celle-ci voulait absolument que son fils se tourne vers les livres pour améliorer son élocution. « Le petit déclic est arrivé lorsque j’ai lu un livre sur José Mourinho, c’est d’ailleurs le premier que j’ai lu de ma vie, car ceux de l’école ou que ma mère m’imposait, je ne les lisais jamais. Ce fut un véritable coup de foudre, je m’en souviendrai toute ma vie. »

Romain a tout juste 16 ans et son destin bascule. Il poursuit, continuant de se remémorer ce jour qui a tout changé : « Il faut que j'invite à dîner l’écrivain, car cela m’a vraiment inspiré et changé ma vie. Mourinho, l’un des plus grands entraîneurs, n’a jamais été footballeur professionnel, j’ai ainsi découvert que footballeur et entraîneur ce sont deux métiers différents. Je me suis vu en lui, j’ai trouvé ça juste », analyse t-il avant de citer un autre grand coach qui n’a jamais été joueur pro, Arrigo Sacchi : « Je ne crois pas qu’il faut avoir été cheval pour devenir jockey. » Quoi de plus juste.

Tout ce que l’entraîneur doit gérer je trouve ça stimulant au point de vue intellectuel et personnellement j’ai besoin d’être stimulé pour m’épanouir

Romain Peyrusqué, coach adjoint du PFC (L2), est à la recherche constante de nouvelles méthodologies de travail

C’est décidé donc. Le jeune Romain sera entraîneur de football. Un monde qu’il a découvert que très récemment car à la base le garçon est plutôt rugby. Mais un cancer d’une rareté incroyable l’atteint alors qu’il n’a que 14 ans, et va bouleverser son destin, et ses rêves de ballon ovale. Il a d’ailleurs puisé sa force dans cette épreuve mais aussi auprès d’une mère qui lui a transmis cet esprit de travail et de persévérance qui fait la différence. « Je viens d’un milieu assez modeste et sans travail vous ne réussissez pas », confie t-il tout simplement. Très vite, il a estimé qu’il n’avait pas le potentiel pour aller haut en tant que joueur, il fait donc all-in sur le poste d’entraîneur pour reprendre un terme de poker. D’ailleurs, ce poste lui convient bien mieux, c’est celui-ci qui le fait vibrer : « La réflexion, le travail d’esprit derrière le job d’entraîneur. Tout ce que l’entraîneur doit gérer je trouve ça stimulant au point de vue intellectuel et personnellement j’ai besoin d’être stimulé pour m’épanouir. J’ai trouvé du plaisir et du bonheur là-dedans. »

Le voilà donc partie dans l’inconnu, lui qui veut toujours faire les choses en grand, se voit entraîneur dès ses 16 ans. Mais la difficulté est là dès le début, personne autour de Romain n’aime le sport, venant d’une famille modeste du Sud Ouest de la France, il n’a aucun réseau et va devoir trouver les solutions par lui même afin de croire en ses rêves et atteindre ses objectifs : « Cela n’a pas été facile, il a fallu faire preuve de qualités d’adaptation, pas vouloir tout tout de suite, être patient tout en s’engageant énormément en même temps. L’idée est de développer des compétences, du savoir-faire. Un club s’attend à avoir de la compétence et de la performance. A partir du moment ou vous répondez à ces critères là, vous vous donnez le maximum de chance pour entrer dans la structure et vous imposer à terme. »

Actufoot • Romain Peyrusqué PFC 3

Romain Peyrusqué n'a que 25 ans, mais pour les joueurs du PFC cela ne fait aucune différence.

Cette compétence, c’est la clé au cœur du parcours de Romain. Un leitmotiv dont il ne déroge jamais. Alors que l’on pourrait penser que sa jeunesse soit un frein au sein d’un groupe de joueur pro, il s’affirme en écoutant les bonnes paroles de ses ainées (Fabien Mercadal, Stéphane Gilli) qui lui expliquent qu’auprès des joueurs ce n’est pas l’autorité de l’âge ou l’autorité par la peur qui fait la différence, mais bien l’autorité de compétence. Un discours approuvé par le jeune coach : « A partir du moment où les joueurs constatent que vos remarques, analyses, sont pertinentes il vous suivent et vous font confiance. » Mecha Bazdarevic, met également en avant cette qualité présente chez son ancien protégé : « C’est quelqu’un de passionné, volontaire, avec l’envie d’apprendre. Il faut qu’il reste comme il est actuellement car c’est un gentil garçon, qui reste dans le partage. Il fait un bon boulot, possède la générosité, la fidélité et surtout la compétence pour le poste, l’entraîneur qui a Romain dans son staff, il ne peut qu’être très content. »

C’est un garçon généreux et qui est toujours prêt à servir le staff et les joueurs. Il va faire une grande carrière, je pense qu’il en a toutes les compétences

Mecha Bazdarevic ne tarit pas d'éloges sur celui qui a été son adjoint pendant 18 mois au PFC.

Cette compétence qu’il a acquis à force d’abnégation, de travail et de détermination, celui qui a des journées très chargées, imposées par un club en pleine mutation, aime la faire évoluer avec le temps. En recherche permanente d’innovation, il veut sans cesse avoir un coup d’avance : « Je suis très axé sur la méthodologie, créer des process innovants qui permettent d’améliorer l’efficacité de l’équipe. A la fois sur le recrutement mais aussi dans le management de l’équipe au quotidien. J’ai vraiment une vision de performance. Il faut qu’on soit performant, qu’on gagne des matches. C’est cela qui m’anime. Réfléchir, me stimuler intellectuellement pour trouver les meilleures méthodes innovantes et révolutionnaire pour faire en sorte qu’on puisse encore gagner plus de matches. »

Alors qu’il aime par-dessus tout être au quotidien avec l’équipe et travailler avec ses joueurs, il n’apprécie pas trop la lumière. Pourtant, plus sa carrière avance, plus il risque d’avoir les projecteurs braqués sur lui. Romain Peyrusqué est intelligent, il sait ce qu’il fait, et il peut en être fier. Ne pas l’être serait arrogant d’ailleurs : « J’ai de la gratitude pour le moment présent parce que je sais apprécier les choses, j’ai la chance d’avoir pu travailler avec de nombreux grands entraîneurs et j’ai beaucoup appris à leur côté, ainsi qu’au côté des DS Frédéric Hébert et Pierre Dréossi. Je nourris cependant une ambition, j’ai envie d’avancer, j’ai encore des choses à faire », nous déclare t-il, avant d’expliquer un peu plus sa pensée : « Pouvoir mettre mes idées en place un jour, c’est quelque chose qui me branche, qui m’inspire. Sur le plan tactique, humain, managérial. Après j’ignore et je ne sais pas quand cela prendra forme, ça peut arriver tôt ou prendre du temps, ce n’est pas le plus important. »

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Autorité de compétence, au coeur du travail de Romain Peyrusqué

En tout cas, Mecha Bazdarevic n’a aucun doute sur le futur succès de Romain le jour où celui-ci décidera de faire le grand saut : « C’est un garçon généreux et qui est toujours prêt à servir le staff et les joueurs. Il va faire une grande carrière, je pense qu’il en a toutes les compétences mais après est-ce que c’est son souhait. Il a déjà 5 années derrière lui, à 25 ans c’est énorme, pourtant il ne faut pas aller trop vite, mais si un jour il le veut, il le pourra. »

En attendant ce futur qui est pour l’heure toujours hypothétique, la mission de Romain Peyrusqué et de l’ensemble du staff de Thierry Laurey est de permettre au Paris Football Club de monter en L1 en fin de saison. A douze journées de la fin, ils sont en deuxième position avec trois points d’avance sur le troisième. De quoi envisager un beau cadeau en fin de saison et découvrir les pelouses de L1 la saison prochaine. A 25 ans, Romain Peyrusqué pourra démonter une fois de plus que le temps est un concept dont les lois varient énormément en fonction de tout à chacun. Et qu’en véritable homme pressé, mais qui ne brûle jamais les étapes, il n’a vraiment aucune raison, lui, de prendre son temps.

Reynald Trunsard

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