Dans un football où, désormais, tout va plus vite que la vitesse de la lumière, il faudrait qu'on ne soit plus estomaqué par les trajectoires prises par certains footballeurs. Il n'empêche que celle d'Amine Salama, 21 ans, a de quoi laisser bouche-bée. Recruté par le SCO d'Angers, bien que le club n'ait pas encore officialisé l'opération, après seulement trois mois à Dunkerque et 5 petits matches de Ligue 2 dans les jambes, l'attaquant connait une ascension supersonique. En décembre 2021, il ne jouait encore qu'en Régional 1 au FC Montrouge, le club qui l'a accueilli après un passage au CA Paris et l'a formé depuis les U10 jusqu'à son incorporation en équipe seniors il y a deux saisons. "Je l'ai tout de suite intégré au vu de son potentiel. Il était l'un des plus jeunes attaquants de mon effectif mais il s'est exprimé et a fait sa place rapidement, témoigne Stéphane Bourdil, son ancien entraîneur en région parisienne. En plus d'être attachant, travailleur et de savoir où il veut aller, Amine a de grosses qualités individuelles, est décisif dans le dernier geste. Il n'a pas peur du duel, sait éliminer et s'appuie sur une très grosse frappe de balle."

Un essai concluant au bout de deux jours à Dunkerque

"Toutes proportions gardées, c'est un profil à la Ibrahimovic, ose de son côté Salomon Kashala, à l'origine de son recrutement à Dunkerque. Dans l'élite régionale francilienne qui regorge de bons joueurs dont certains sont forcément passés entre les mailles des filets, le profil de Salama n'est pas passé inaperçu. "On cherchait un buteur pour notre réserve qui ait un profil un peu hybride, doté d'une certaine maturité et qui avait déjà une expérience seniors afin de pouvoir être prêt tout de suite, continue le recruteur de l'USLD. Cet habitué du scouting sur la région parisienne s'est alors rendu sur place pour observer lui-même le joueur qui l'a séduit. "J'ai pris des renseignements puis on l'a fait venir en essai. Il est très grand, va très vite tout en étant technique et ambidextre. C'est un profil rare". Après des tests qui dureront deux jours, la direction du club de Ligue 2 valide à l'unanimité son recrutement. Amine Salama signe une licence amateur avec la promesse orale de signer un contrat professionnel dès lors qu'il intègrera le groupe de Romain Revelli. Une condition chère au FC Montrouge, d'accord pour valider la mutation mais soucieux de le faire dans un réel intérêt sportif pour son joueur. Autant garder Salama pour aider le club dans sa lutte pour l'accession en N3 si c'était pour qu'il joue six mois en R1 à Dunkerque. Une vision compréhensible.

5 matches de Ligue 2 ont suffi à Angers

Après des débuts remarqués avec la R1 du club nordiste, Salama suit rapidement le chemin qui lui a été présenté au moment de sa signature. Intégré aux séances du groupe professionnel, il fête et se fait remarquer dès ses premières minutes en Ligue 2 contre le Paris FC en janvier puis se retrouve à enchaîner quatre matches dont trois titularisations sur le front de l'attaque maritime aux côtés du capitaine Malik Tchokounté. "On savait qu'il allait exploser chez nous mais pas aussi tôt", admet Kashala. Ses qualités naturelles de puissance et de vitesse entrevues dans l'antichambre tapent ainsi dans l'oeil d'Angers. Rapidement informé que le joueur est peu protégé contractuellement parlant et est déjà libre de négocier pour son avenir, le SCO attaque le dossier. Dunkerque, qui avait proposé un premier contrat pro à sa trouvaille, n'a pas pu lutter face au bail de quatre saisons et aux conditions proposées par le pensionnaire de Ligue 1. "Avec du recul, je me dis qu’après le Paris FC, c’était déjà mort. il a dû être proposé de partout. Je pense que l’entourage, car le joueur n’a pas l’air de décider de grand-chose, n’a pas été respectueux non plus, regrettait Romain Revelli, un brin fataliste cette semaine dans la Voix du Nord. C’est comme ça, c’est la vie. Sportivement, tu n’a plus le joueur, tu l’as lancé, il aurait pu encore nous aider."

Le goût est d'autant plus amer que l'USLD est le seul club à être passé à l'action pour faire signer Salama quelques mois après sa grave blessure au genou qui avait refroidi Le Havre. Pas abattu, le Parisien de naissance a fait ce qu'il fallait pour retrouver l'étendue de ses capacités, comme l'explique Stéphane Bourdil : "Il réalisait un début de saison positif et se rapprochait du niveau incroyable qu'il avait l'année dernière. Sur sa gestion, j'y ai été progressivement pour pas qu'il n'y ait de rechute. Mais il faut aussi avoir une force de caractère énorme pour revenir comme Amine l'a fait, il a mis les moyens humains et financiers pour revenir à son niveau." Etincelant avec Montrouge, très prometteur avec Dunkerque où il n'a pas joué les deux derniers matches après "avoir eu une semaine compliquée en termes de contrat et de discussions" dixit Revelli, l'attaquant dunkerquois découvrira, en principe, la Ligue 1 avec Angers la saison prochaine. "Son ambition l'amènera au plus haut possible", estime le coach Bourdil fier d'avoir accompagné un jeune du FC Montrouge vers le haut niveau. Amine, c'est un exemple pour les jeunes de Montrouge. Il va donner de l'espoir à ceux qui restent fidèles. Leur donner la chance en équipe première sur un bon niveau régional, c'est une politique qu'on me demande de mener." avance-t-il. A Dunkerque, privé d'une potentielle indemnité de transfert qui aurait récompensé son travail efficace de scouting, la politique sportive ne déviera pas non plus. "Notre projet ne s'arrête pas là, souligne Salomon Kashala. On fait de la post formation, notre vocation n'est pas de les garder dix ans." Il n'empêche que la gestion d'Amine Salama devrait servir d'expérience à l'USL Dunkerque pour mieux se protéger dans le futur.

Thomas Gucciardi