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Interviews

8 mai | 0h00

Anthony Losilla (VfL Bochum) : « C'est la chance de ma vie, de ma carrière »

Mené par le Français Anthony Losilla, le VfL Bochum est en passe de retrouver l'élite allemande dix ans après sa descente en Bundesliga 2. Capitaine du club qu'il a rejoint en 2014, le milieu formé à l'ASSE est également à trois matches d'une montée unique, qui pourrait lui permettre à 35 ans d'évoluer pour la première fois de sa carrière en D1.

EXPAT ASSE Anthony Losilla

La Bundesliga vous tend les bras à trois journées de la fin (Bochum est leader) pour la première fois depuis 2012 et votre arrivée en Allemagne. Qu’est-ce que cela fait d’en être aussi proche ?

Je n’ai pas fait une croix sur la possibilité de jouer en Bundesliga mais au vu de mon âge, les chances diminuent au fur et à mesure des années passées dans le football. On a vécu des dernières saisons plutôt difficiles, notamment la dernière ce qui explique que personne ne nous imaginait faire une telle année. C’est quelque chose de fantastique et je le vis très bien. J’ai envie de vous dire que c’est la chance de ma carrière au sein d’un club où je termine ma septième saison. C’est à la fois de l’excitation et de l’impatience que l’on ressent tous mais l’objectif n’est pas encore atteint. Il nous faut encore quelques points pour y arriver.

On ne veut pas vous porter la poisse, mais vous allez affronter trois adversaires relativement mal classés pour conclure le Championnat.

C'est ce que beaucoup de personnes disent, qu'on a un calendrier favorable avec deux matches à la maison. Dans le contexte actuel, jouer à domicile est différent mais ça reste un avantage car nous avons nos repères sur notre terrain. Nos prochains adversaires sont en bas de tableau mais il ne faut pas oublier qu'à part Nuremberg à l'extérieur, nos deux rencontres à Bochum seront contre des équipes qui joueront leur maintien. Pour nous qui sommes une équipe joueuse, ce n'est jamais facile d'affronter des clubs qui ont besoin de points et qui évoluent dans une configuration défensive. On a notre destin entre nos mains mais on peut avoir des problèmes donc on se doit de faire le travail. On a quelques jeunes joueurs dans l'équipe et des plus expérimentés, il faut voir comment on peut jouer sous la pression. On le saura bientôt. (sourires).

J'ai dit à mon directeur sportif qu'il pourrait déchirer mon contrat pour la deuxième division si on n'y arrivait pas

Anthony Losilla

Est-ce envisageable dans votre esprit, celui de vos coéquipiers et du club, de ne pas grimper en Bundesliga ?

Sincèrement non. Dans notre position actuelle, ce serait une très grosse déception. Je dirais même... (il coupe et reprend). Hier (lire mercredi), j'ai dit à mon directeur sportif qu'il pourrait déchirer mon contrat pour la deuxième division si on n'y arrivait pas (il est sous contrat jusqu'en 2022). Et que j'arrêterai ma carrière derrière. Je lui ai dit un peu en rigolant mais quelque part j'y pense aussi.

Ce serait vraiment dur de vous en remettre ?

Avec la saison que l'on fait et là où on en est maintenant, je pense que ce serait très difficile de s'en remettre pour beaucoup d'entre nous. C'est la chance de notre vie, de notre carrière. Il reste trois matches à gagner et il faut faire le boulot.

Vous expliquiez tout l'heure que les observateurs ne vous attendaient pas vraiment à cette position en fin de saison. Où se situe Bochum en termes de budget et d'ambitions par rapport aux autres cylindrées de deuxième division ?

La saison dernière, on a eu des débuts très compliqués et on s'est retrouvés dans le bas de tableau. On a ensuite été la meilleure équipe sur la deuxième phase donc on a bien terminé la saison malgré la crise du coronavirus. Ce retour en forme laissait présager une bonne saison 2020/2021 mais de là à être où nous en sommes... Il y a des budgets comme Hambourg, Hanovre qui sont bien supérieurs aux nôtres. On a réussi à créer cet esprit d'équipe qui nous amène jusqu'ici tout en proposant un jeu attractif. C'est une bonne surprise.

Que représenterait, à 35 ans, l'opportunité de jouer en Bundesliga ?

J'ai prolongé mon contrat d'un an cette année et ça fait plusieurs saisons qu'on procède comme ça. Bon, j'ai toujours fait des années pleines dans mon club mais je ne m'imaginais plus à un moment donné jouer en première division. Le faire à 35 ans, dans un championnat fantastique comme la Bundesliga, ce serait le point culminant de ma carrière. Je me le souhaite sincèrement parce que j'ai beaucoup fait pour en arriver là et je n'ai pas toujours été récompensé, à des moments charnières, par rapport à des performances que j'ai pu faire. Comme on dit, le travail paie et quelque part, ça me récompenserait pour ma carrière.

De la Bundesliga, vous en avez eu un avant goût cette saison lorsque le RB Leipzig s'est dressé sur votre route en Coupe d'Allemagne (défaite 4-0).

On a eu plusieurs aventures ces dernières années contre des clubs de Bundesliga. L'année dernière, on a failli créer l'exploit contre le Bayern en s'inclinant dans les dernières minutes. Leipzig, c'était un contexte particulier parce que le coach avait pris le parti de faire un petit peu tourner l'effectif. Déjà, jouer Leipzig sur sa pelouse avec une équipe complète c'est très compliqué, alors là... Je ne dis pas que les remplaçants n'ont pas fait le travail mais la tâche était d'autant plus difficile. Notre priorité est le championnat et avec le recul on peut dire que c'était un bon choix de notre entraîneur. Mais c'est clair que ce sont toujours des matches intéressants à jouer parce qu'on voit ce qu'est le plus haut niveau. On a pu se mesurer à des joueurs fantastiques et si ça ne s'est pas très bien passé pour nous, il y a des circonstances atténuantes comme je vous l'ai expliqué.

Quand on parle de Goretzka, c'est l'enfant du club même s'il est parti très tôt

Racontez-nous votre ascension à Bochum, de votre arrivée en 2014 jusqu'à en devenir le capitaine de l'équipe ?

L'ancien capitaine qui était là depuis tout jeune a raccroché les crampons l'année dernière, donc je suis le plus ancien de par mon âge et ma longévité au club. Je dis depuis quelques temps que mon souhait est de terminer ma carrière ici même si ce genre de discours se voit de moins en moins dans le foot actuel, avec des joueurs qui font deux, trois ans et qui s'en vont. C'est un club qui m'a fait confiance même si au départ, il n'était pas mon premier choix. Ils ont beaucoup insisté pour me faire signer puis une fois là, j'y ai fait ma place. J'ai vu beaucoup de joueurs partir, Bochum a été un tremplin pour certains mais moi, j'ai toujours prolongé mon contrat assez rapidement. J'ai vite eu la confiance de tout le monde et l'environnement me plaît. C'est vrai que je fais un peu partie des meubles ici (sourires) et on discute déjà d'une éventuelle reconversion après ma carrière. C'est quelque chose que je peux envisager. Mes enfants ont grandi ici, ma femme est là, je suis capitaine et j'ai loupé très peu de matches en sept ans. C'est quelque chose d'important pour un joueur. Moi, j'aime le jeu donc tant que je pourrai jouer je le ferai et pour la suite, on verra après.

Né à Bochum et formé au club, Leon Goretzka est-il considéré comme une star locale ?

Bien sûr, quand on parle de Goretzka, c'est l'enfant du club même s'il est parti très tôt. Il a commencé à jouer chez les pros la saison où je suis arrivé en Allemagne au Dynamo Dresde, on voyait déjà qu'il avait énormément de talent et il a fini par exploser. Même s'il n'a pas joué longtemps à Bochum, il reste une fierté pour le club, comme Gundögan qui est également passé ici. Je pense que c'est toujours intéressant en termes de formation de voir ses joueurs réussir au plus haut niveau.

En retrouvant les compositions de Bochum-Dynamo Dresde au début de la saison 2012-2013, on s'est aperçu que vous aviez fait même fait vos débuts respectifs face-à-face

C'est ça, je disputais mon premier match en Allemagne avec le Dynamo et lui ses premières minutes professionnelles en Bundesliga avec Bochum (Bochum avait gagné et Goretzka avait marqué). De mémoire, il a rejoint Schalke dès la saison suivante tellement il avait de talent. Il connait encore des gens du club donc il vient de temps en temps sur les installations. On a eu l'occasion de se croiser, c'est quelqu'un qui a les pieds sur terre malgré son immense carrière et son talent. Et c'est toujours agréable de voir que des joueurs humbles existent encore.

Des émissaires du Dynamo étaient venus me voir jusque pendant mes vacances à Cannes

Quand on regarde votre parcours français, on note des passages en National à l'AS Cannes (2006-2008) et au Paris FC (2008-2010) ainsi qu'en Ligue 2 à Laval (2010-2012). C'est finalement outre-Rhin que vous effectuez la quasi-intégralité de votre carrière professionnelle

Je ne vais pas dire que j'ai perdu du temps mais quand j'ai signé pro à Saint-Etienne pour un an... Je savais que moi, le natif du pays, je n'avais pas vraiment la confiance du club. J'étais très content d'y signer à l'époque mais Elie Baup n'a pas été conservé et lorsque le nouvel entraîneur est arrivé (Ivan Hasek), j'ai été tout de suite prêté. J'ai commencé en National à Cannes puis à Paris et à un moment donné, tu arrives à un âge où tu as envie de jouer plus haut. J'ai passé deux saisons au Stade Lavallois, un beau petit tremplin pour moi. Le club voulait que je prolonge mais j'ai eu quelques sollicitations en Ligue 2 et en Ligue 1 puis le Dynamo Dresde est venu et j'ai dû refuser au moins cinq fois avant d'accepter d'y aller. Je voulais rester en France et découvrir la Ligue 1 mais ça a mis beaucoup de temps à réagir. Des émissaires du Dynamo étaient venus me voir jusque pendant mes vacances à Cannes. Ils ont vraiment montré qu'ils me voulaient et l'engouement autour du foot allemand m'a poussé à y aller. Aujourd'hui, je peux dire que c'est certainement le meilleur choix de ma carrière. (sourires).

Vous pensiez y faire l'essentiel de votre parcours ?

Pas du tout. Comme je disais, je voulais voir autre chose et le Dynamo Dresde pouvait aussi représenter un tremplin à l'époque. Sincèrement, je suis tombé amoureux de ce championnat très attractif et offensif. En plus, la qualité de vie ici est top et avec ma famille, on s'est tout de suite plu en Allemagne. Même lorsque je suis descendu avec Dresde, je n'avais plus de contrat pour la troisième division et j'ai eu quelques propositions pour revenir en France (Sochaux, Angers) mais je voulais rester ici. C'est comme ça que je suis arrivé à Bochum.

En tant que joueur expatrié, estimez-vous avoir pu faire votre carrière plus sereinement ?

Oui, même si les médias sont aussi hyper présents en Allemagne. Du point de vue de la France, c'est clair que je n'ai pas ressenti de pression mais ici que ce soit les journaux, la télé ou la radio, l'engouement autour du foot est assez incroyable. Ce qui m'a un peu aidé en tant que Français au début, c'est que je ne faisais pas trop attention aux médias. J'ai pu faire mon petit bout de chemin tranquillement. On ne me connait pas en France mais ayant fait toute ma carrière en Allemagne, je me suis fait un petit nom ici. Je suis ravi de mon choix parce que je ne suis pas certain que j'aurais fait un parcours comme celui-là en France, avec autant de temps de jeu et de plaisir. J'ai trouvé en Allemagne ce que je cherchais, dans des stades pleins tous les week-ends même en deuxième division, sauf cette année évidemment. On joue au foot aussi pour le spectacle et la ferveur en Allemagne est incomparable.

CV Anthony Losilla : Né le 10 mars 1986 à Firminy (Loire, 42). Poste : milieu défensif. Parcours jeune : Pont-Salomon (Haute-Loire), FCO Firminy (Loire), ASSE (1994-2006). Parcours pro : AS Cannes (2006-2008), Paris FC (2008-2010), Stade Lavallois (2010-2012), Dynamo Dresde (2012-2014), VfL Bochum depuis 2014.

Recueillis par Thomas Gucciardi

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