18 février | 16h05
Antonio Tavares : « On me connaît plus au niveau du football en Guinée Équatoriale qu’en France »
De Champion de Guinée Équatoriale à entraîneur du Val Yerres en Régional 2, l'ancien footballeur professionnel Antonio Tavares a connu maintes aventures au cours de sa carrière. De son passage en Italie où il a joué avec Patrice Évra en passant par sa vision des nouvelles générations, l'ex international mauritanien se confie sur son riche parcours.
Antonio Tavares possède une expérience très variée acquise tout au long de sa carrière, aussi bien en tant que joueur qu'en tant qu'entraîneur. Âgé aujourd'hui de 46 ans, il est passé par de nombreux pays très différents. Au cours de sa carrière de joueur, le milieu de terrain porte notamment les couleurs du Paris FC, de l'US Créteil Lusitanos ou encore de Saint-Maur Lusitanos. Il compte 35 matchs de Ligue 2. Il passe également par le club de Série C italienne SC Marsala, où il évolue avec Patrice Évra durant la saison 1998-1999. Le natif de Villeneuve-Saint-Georges compte six sélections avec la Mauritanie. En tant qu'entraîneur, il s'engage en 2018 avec le Cano Sport Academy en Guinée-Équatoriale et remporte le championnat national en 2019. Après un peu moins d'un an passé dans le centre ouest de l'Afrique avec un bilan plus que satisfaisant, il revient en Île-de-France, dans l'Essonne où il entraîne actuellement le Val Yerres Crosne en Régional 2.
Comment passe-t-on d’entraîneur en Guinée Équatoriale (Cano Sport Académy) à Val Yerres ?
Ce sont plus les circonstances. Je suis parti en Guinée parce qu’on me l’a proposé. Je sortais d’une expérience de directeur sportif au Créteil Lusitanos. Je me suis retrouvé en fin de saison sans club après le changement de direction. Très vite, on m'a proposé la Guinée Équatoriale. C’est venu de Gérard Russo que j’ai connu en tant qu’intendant de la sélection mauritanienne quand j’étais joueur. Il me contacte et me parle du projet pour reprendre le Cano Sport Académy, et veut savoir si cela m’intéresse. L’équipe vient de monter en Ligue 1. J’étais dans un moment d’attente, c’est pour cela que je me suis retrouvé là-bas. On me connaît plus au niveau du football en Guinée Équatoriale qu’en France. C’était une vraie réussite. Après, il y a des conditions de vie difficiles, et la famille qui n’est pas là. Donc, je n’étais pas parti pour y faire plusieurs années, mais pour vivre cette expérience sur un an. Quand je suis revenu j’ai eu l’opportunité d’être directeur sportif à Orly. Je suis de là-bas et j’ai accepté. J’ai eu le coup de fil de Frédéric Pereira, président des Gobelins. Il était à quatre défaites en quatre matchs et il a insisté. Je me suis donc dit que même si c’était en ligue, j’acceptais. Il n’y a pas eu circonstances particulières, mais seulement les propositions que j’ai eu qui m’ont plu.
Que retenez-vous principalement de votre expérience en tant qu’entraîneur en Afrique ?
Plein de choses, c’était très riche. Personnellement, je me suis toujours beaucoup intéressé aux autres cultures. J’avais déjà cette faculté à m’adapter lorsque j’arrive quelque part. Donc la première chose que j’ai faite a été de devenir Guinéen en Guinée. C’est le secret. Après, ce qui est intéressant au niveau du foot, c’est le rapport avec les joueurs. C’est un pays très militaire, les joueurs sont des soldats. Au bout d’un mois je leur disais « Les gars, ça se passe très bien, vous êtes tout le temps à 100%. On est compétitifs. Souriez à l’entraînement ». Ils avaient une rigueur qui change du contexte qui est le nôtre en France. C’est culturel. C’étaient des garçons, les meilleurs jeunes du pays, qui avaient tous l’ambition d’aller jouer en Europe. Et il y en a certains d’ailleurs qui ont signé dans des clubs professionnels, notamment à Nantes. Santiago Bocari Eneme qui a joué la CAN. J’avais trois joueurs de l’Academy à la CAN. Ils ont fait un tournoi exceptionnel. Cette ambition plus leurs habitudes. Les petits de l’école de foot que j’entraînais le samedi étaient pareils. C’étaient des enfants qui ne mangeaient pas de la journée et qui s’entraînaient deux fois par jour avant le match du dimanche. Le football en Guinée Équatoriale n’a pas été une priorité les années d’avant, mais ça se développe. Ce sont des joueurs très disciplinés, à l’écoute et qui ont envie de progresser. Donc c’est très facile pour un entraîneur quand tu as des joueurs qui sont à 100% dans ce que tu leur demande. L’essentiel du travail que j’ai fait était d’essayer de mettre en place une psychologie d'entraînement qui corresponde au football moderne que l’on a en Europe. Ici c’est très bon techniquement, en plus c’est la culture espagnole, Real Madrid, Barcelone, ce sont leurs clubs. Tu fais un taureau, tu ne sors pas du milieu. Par contre, ils n'étaient pas pragmatiques dans leur jeu. La transition à la perte et à la récupération du ballon n’est pas vraiment travaillée là-bas. Au bout de trois semaines, un mois à faire des séances où on travaillait pour accélérer le jeu et mettre du rythme, on battait tout le monde. On avait la qualité des meilleurs jeunes du pays plus l’intensité dans le jeu. On a su très vite être au-dessus en championnat, malgré des équipes très expérimentées.
À cette époque, je ne me disais pas qu’il allait finir latéral gauche de Manchester et gagner la Coupe d’Europe
Antonio Tavares
Antinio Tavares compte six sélection avec la Mauritanie entre 2002 et 2003
Vous avez défendu les couleurs de la Mauritanie, vous suivez toujours de près l’équipe nationale ?
Bien sûr. Je suis en contact avec les anciens joueurs et avec Mustapha qui avait repris la sélection à l’époque. Un homme très compétent avec une culture extraordinaire et qui recevait France Foot depuis des années. Il s'est intéressé au football étranger. Après notre arrivée entre 2002 et 2004, il y a eu un certain développement. Quand on a gagné notre premier match contre le Zimbabwe, ça faisait onze an que l’on n'avait pas gagné un match international. Ils ont construit un synthétique, parce que les terrains en herbe, ça reste compliqué.D'ailleurs, le football africain gagnera une grande compétition internationale le jour où l’on pourra former des gamins. Il y a peu d’écoles de foot, tu t’entraînes sur des terrains où c’est très difficile de développer la technique et la motricité fine pour avoir les bases. C’est ce qu’ils ont fait en mettant un synthé sur un des terrains principaux. Aujourd'hui, même si cette CAN a été difficile, ce n’est plus la Mauritanie de 2002.
Au cours de votre carrière vous avez côtoyé de nombreux coéquipiers, y en a t'ils parmi eux qui vous ont marqué ?
On va dire Évra qui en plus a une histoire en France. Je l’ai côtoyé à ses débuts, il venait d’arriver en Italie à 18 ans à Marsala. Je l’ai vu commencer à grandir. Tu sentais déjà une maturité, une détermination pour y arriver. Même si honnêtement à cette époque, je ne me disais pas qu’il allait finir latéral gauche de Manchester et gagner la Coupe d’Europe. J’ai une petite anecdote. Les premiers jours quand je suis arrivé, je n’avais pas mon appartement. Je suis resté trois ou quatre jours chez lui alors qu’il n’était pas obligé. Il m’a proposé, au lieu que je dorme au pensionnat avec les petits joueurs locaux. Je ne garde que de bons souvenirs de lui. Maintenant quand j’entends des gens le critiquer, je prends naturellement sa défense pour toutes ces raisons. Je l’ai toujours soutenu. Après ça m’est surtout arrivé d’affronter de très grands joueurs, Ronaldinho avec Créteil contre le PSG. J’ai joué contre Drogba sur un match amical avec la Côte d’Ivoire à l’époque. J’ai eu cette chance de me confronter en tant que joueur à ce qui se faisait de meilleur à l’époque. J’ai connu également Jorge Placido en fin de carrière avec les Lusitanos, il avait gagné la Coupe du Monde ces clubs avec Porto. Un homme exceptionnel.
J’ai eu d’autres contacts, au Mali, au Sénégal. Mais bon… c’était un peu bancal
Antonio Tavares
En France, Antonio Tavares a évolué sous les couleurs de Saint-Maur Lusitanos de 1999 à 2002, et de l'US Créteil Lusitanos entre 2003 et 2005 où il y a notamment disputé 35 matchs de Ligue 2
Aujourd’hui vous dirigez une équipe très jeune, quel regard portez-vous sur les nouvelles générations de footballeurs notamment en France ?
C’est souvent une question à laquelle j’essaie de répondre. J’y ai beaucoup réfléchi. J'entraîne depuis que j’ai 17 ans. J’ai été éducateur tout en étant joueur. J’ai vu plusieurs générations. Effectivement il y a une évolution, pas forcément au sens positif. C’est plus de l'ordre de la société. Le football est le sport le plus populaire, il a toujours été à l’image de la société. Quand tu vas vers une société plus individualisée, un monde de loisirs et de désir immédiat, le rapport au travail change. Je ne dis pas que c'était mieux avant, je dis juste que l’on savait qu’il fallait des étapes pour atteindre un objectif. Un jeune que tu vas entraîner une semaine en sénior alors qu’il est en U18, pour lui, il doit jouer en première. Quand j’étais jeune, il m’arrivait de m’échauffer une heure et demi pratiquement, pour ne jamais rentrer et jouer avec la réserve le lendemain. Aujourd’hui, quand j’envoie des jeunes s’échauffer, au bout de cinq minutes, ils sont arrêtés. Il y a cette impatience. C’est général, bien sûr qu’il y a des garçons qui comprennent, mais tu en as moins. Le plaisir immédiat a remplacé l’esprit de sacrifice pour caricaturer. Il y a aussi d’autres problèmes, les agents et pseudo agents qui débarquent dans les stades dès les U10/U11. Ils sont aux bords des terrains, ils parlent aux parents. Le dernier point est le respect vis-à-vis de l’ordre, il y a des joueurs qui ne viennent pas à l’entraînement et qui ne préviennent pas. C’était quelque chose d’inimaginable pour nous à l’époque.
Un autre projet en Afrique est-il envisageable pour la suite de votre carrière ?
Oui. En Guinée Équatoriale, on me proposait de rester. Mais comme il y avait la Ligue des Champions de la CAF, et que je ne me voyais pas encore plus d’un an là-bas, je ne pouvais pas leur faire ça. J’ai eu d’autres contacts, au Mali, au Sénégal. Mais bon… c’était un peu bancal. Aujourd’hui, avec l’âge, je serais prêt à repartir là-bas ou ailleurs, mais avec un projet solide, que ce soit au niveau sportif et économique aussi. Ce n’est pas comme si tu partais en Italie ou en Belgique, tu es loin, il faut que tu t’y retrouves. Aujourd’hui, je suis partagé entre le fait d’être très bien où je suis et mes ambitions. J’ai le projet d’aller passer mon dernier diplôme d’entraîneur. J’ai l’ambition de le faire au Portugal, car en France c’est très compliqué si tu n’as pas cinq-cent matchs de D1. J’ai toujours dans un coin de ma tête le fait d’entraîner une équipe en haut niveau. Aujourd’hui, c’est l’histoire de réseau et d’opportunité. Quand tu n’as pas le diplôme c’est difficile. Mais je ne me donne pas d’ultimatum, ça peut être dans un an ou dans deux ans. Mais actuellement je suis aussi heureux au VYCAF et dans l’idéal je veux le laisser plus haut que quand j’ai récupéré l’équipe. Et pour aller côtoyer de nouveau le haut niveau, j’attends le bon moment.
Elie Rollé
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