Quantcast
News

30 septembre | 16h20

AS Courdimanche : Un esprit sain dans un club sain

Alors que le petit club du Val d’Oise (D3) jouera le plus grand match de son histoire ce dimanche face à l’US Lusitanos (N2) à l’occasion du 4eme tour de la Coupe de France, Actufoot est partie à la rencontre de ceux qui le font. Plongée au cœur d’un club qui rêve de l’impossible. (Crédit Photo : AS Courdimanche)

COUPE DE FRANCE US Lusitanos N2 COUPE DE FRANCE IDF AS Courdimanche

« C’est la première fois dans l’histoire du club qu’on arrive si haut. Tout le monde est content, on a reçu les maillots, on est prêt pour faire le miracle. » Jean-François Mellul, le président du club de l’AS Courdimanche, petite ville de 6000 habitants du Val-d’Oise est aux anges en cette fin de mois de septembre, il faut dire que l’évènement est beau, un quatrième tour de Coupe de France, record du club, qui plus est face à un nom reconnu du football francilien, en la personne de l’US Lusitanos (N2). De quoi faire venir pas mal de monde au stade et, hasard du calendrier, inaugurer pour l’occasion le tout nouveau synthétique : « Je pense qu’on aura du monde dimanche, c’est un bel événement qui peut apporter de la visibilité car tout le monde va avoir un oeil sur nous. On va demander aux petits du club de venir, il y aura une forme de fierté. La seule chose qu’on à dit aux joueurs c’est de se battre avec leurs armes et de sortir fier de ce qu’ils auront fait. » Être fier et ne rien regretter, c’est le même message que veut faire passer le capitaine de l’équipe fanion, Zachary Mellul, qui n’est nul autre que le fils du président : « C’est une très grosse affiche, on est content car c’est très rare qu’on affronte une équipe de ce gabarit, il y aura surement tous Courdimanche qui va venir voir le match. C’est un bel évènement pour inaugurer notre nouveau synthétique, on est tous surmotivé et on va laisser la vie sur le terrain, s' il le faut. »




Pour en arriver là, l’AS Courdimanche a bénéficié certes d’un petit peu de chance aux tirages, en affrontant aucune équipe évoluant au-dessus d’eux, mais a impressionné lors de ses prestations. Après un premier tour passé avec succès face à l’AJ Mezieres 3 buts à 2 au terme d’un match serré, les troupes du coach Idrissa Coulibaly n’ont laissé aucune chance aux clubs du FC Porcheville (D5) et des Enfants de Passy (D3), atomisés respectivement 7-0 et 7-3. Patron des médiateurs dans la ville de Cergy, le coach qui est présent au club depuis une quinzaine d’années, met en avant la forme de son équipe, qui vient de s’imposer en championnat 6 buts à 1, sur le terrain de l’ES Frettoise : « On est sur une superbe dynamique avec un seul match perdu sur cinq pour l’instant. C’est un groupe qui se connaît bien et qui a été amélioré pendant l’été par mes soins car je savais ce qui me manquait par rapport à l’année dernière, la mayonnaise a pris assez vite, après il est vrai que ça manque un peu d’expérience mais c’est à moi de leur en apporter. » Pour ce match que tout le monde veut jouer, même ceux de l’équipe B, dixit l’entraîneur hilare. Ce grand fan de Bielsa, Ancelotti et Blanc, ne fait pas les choses à moitié et se prépare comme pourrait le faire ses collègues du niveau national : « On travaille beaucoup sur tout ce qui est placement tactique, pressing collectif, défensif. Je sais que c’est une équipe qui va avoir la possession du ballon et le faire circuler. Face à une telle formation, les exploits individuels ne sont pas la solution, c’est le collectif qui prime, la solidarité, bloc médian, bas, haut. »

Un club qui met le respect au premier plan

Encore plus que le challenge sportif, ce dimanche l’AS Courdimanche a l’occasion de faire parler de lui au sens large du terme. Pour le président, qui a débuté en prenant en main des débutants en 1998 lorsque son fils a voulu suivre les pas de Zidane et consorts, c’est l’occasion de mettre un peu en lumière le travail effectué : « On est un petit club de 400-450 licenciés avant Covid, qui se retrouve au milieu de grand clubs comme Cergy, Saint-Ouen l’Aumône, Sannois-Saint-Gratien, qui nous prennent nos meilleurs joueurs régulièrement. Mais on a du succès, on refuse systématiquement du monde, on a une politique de pouvoir récupérer tous les déçus des grands clubs, et ce n’est pas péjoratif. On a plutôt une politique familiale mais compétitive, ce qu’on veut par-dessus tout, c’est que ça fonctionne bien, que les enfants et les joueurs soient contents. » Avec une philosophie qui met en avant des équipes générationnelles, de manière à ce que tout ce beau petit monde se suivent jusqu’aux seniors, dont la meilleure preuve est l’équipe de ce dimanche. Le club peut se féliciter de voir environ 80% des joueurs décidant d’aller tenter leur chance ailleurs, revenir à Courdimanche dans les trois ans maximum, preuve du bien être que l’on trouve ici.

Mais en premier lieu, l’objectif de Jean-François Mellul, c’est d’avoir un club sain. Pour celui qui décrit le football comme le plus beau des sports, il est primordiale de respecter les règles du savoir vivre ensemble : « Je suis extrêmement sévère sur le comportement en général et d’ailleurs le club a reçu régulièrement le trophée du Fair-Play car chez nous il n'y a pas de bagarre, pas d’histoires et que les parents se tiennent bien. Le gamin qui vient créer une histoire parce qu'il n’est pas content de l’arbitre, en général il n’est pas là pour longtemps. » Il poursuit en expliquant son fonctionnement : « On fait des réunions tous les mois avec les dirigeants, la plupart des équipes sont suivies par des bénévoles et on répète systématiquement, inlassablement que le comportement des dirigeants, coaches, va faire que les gamins sont bien ou pas bien. Il n'y a pas de secret, à partir du moment où l’adulte est bien, les gamins vont suivre. C’est du mimétisme, un entraîneur qui passe son temps à hurler sur les joueurs ou l’arbitre, il ne fait pas long feu chez nous. » Cette politique sévère qui a pu faire des dégâts sur le plan sportif, en se forçant à se séparer d’éléments forts mais qui n'adhèrent pas à cette vision, a eu du mal à passer auprès de certains, mais pas auprès du coach des seniors Idrissa Coulibaly : « Quand je suis arrivé, on était en D4, on travaillé pour monter jusqu’en D1. Mais des soucis de comportement en interne ont fait que le président a dû faire un tri. Pour avoir une belle équipe, il faut avoir une belle mentalité, des joueurs respectueux, envers le staff et tout le monde qui bossent pour eux. Cela choque beaucoup de gens mais pas moi, j’ai dû faire passer le message à certains, mais tout va bien maintenant. »

Des stages organisés avec le Real Madrid


Preuve de la volonté de faire progresser le club : sa communication, qui n’a rien à envier à celles de certains clubs de R1 ou même de N3. Réseaux sociaux, site internet, les adhérents sont chouchoutés à Courdimanche : « C’est important d’avoir un suivi, car la communication se fait maintenant comme ça, tout n’est pas encore comme on le voudrait mais ça se fait gentiment », précise le président. Traiter un club de D3 comme le pourrait être un club de N3, ne pas faire de distinction et offrir le meilleur traitement possible à ses adhérents et permettre aux jeunes de rêver. Cela pourrait être la devise de Courdimanche, qui essaye par tous les moyens de se distinguer, comme par exemple avec les stages organisés via le Real Madrid. Là encore, le président explique : « Ce sont des stages qui ont lieu depuis des années à travers la France, nos dirigeants en ont eu connaissance et ils se sont renseignés. On avait déjà été sélectionné il y a 3 ans et cet été ils nous ont encore choisis pour en organiser un. N’importe qui peut s’inscrire, on a même eu deux gamins qui venaient de Marseille parmi les 35 de la promotion. C’est organisé par le Real qui amène le matériel et cela dure une semaine, nous on trouve une solution pour la nourriture, le terrain et bien entendu nos éducateurs en font partie. » Conscient qu’il ne faut pas s’arrêter là, le club organise également en parallèle des stages lors de chaque vacances scolaires, par ses propres moyens. Cette envie d’apporter du rêve aux plus jeunes et démunis, on la retrouve également chez l'entraîneur Idrissa Coulibaly, qui de par son métier est confronté aux incertitudes de toute une génération : « A la base j’étais animateur. Je travaille beaucoup avec les jeunes, des petits jusqu’aux 17-30 ans, sur tout ce qui est accompagnement de projets de jeunes. C’est mon quotidien de travailler avec eux, de les aider à s’en sortir, que ce soit par le sport, la musique, ou bien entendu par les études. Tout ce que je veux leur apprendre c’est que quand on veut quelque chose, il faut travailler pour y arriver. J’essaye d’en récupérer beaucoup qui ont du talent mais qui laissent passer l’opportunité. »

Comme le coach aime le préciser, la passion permet aussi de s’en sortir et cela au club et à la mairie de Courdimanche, on l’a bien compris. Cette dernière n’a d’ailleurs pas hésité pour construire un deuxième terrain qui a coûté 1.2 millions d’euros, au plus grand plaisir de Jean-François Mellul : « La mairie nous avait fait une promesse qu’on allait avoir un deuxième terrain parce qu'on avait besoin de places avec 22 équipes sur un seul et maintenant c’est chose faite. On a une mairie qui nous suit bien, qui nous aide du mieux qu’elle peut, elle nous écoute. C’est formidable. Ils ont conscience que le foot a aussi une valeur sociale, beaucoup de gamins qui trainaient sont maintenant chez nous, on a même mis en place en collaboration des fonds spéciaux afin de payer quelques licences aux plus démunis. » Ce dimanche, c’est donc un peu plus qu’un simple match de foot pour toute la ville, qui plus est dans une année si incertaine que celle-ci, marquée par l’arrivée du pass sanitaire chez les moins de 18 ans. Un évènement que redoute le président : « Malgré le fait d’avoir baissé les licences de 25% depuis deux ans, et de n’avoir jamais arrêté les entraînements, l’arrivée du pass sanitaire nous a fait perdre deux équipes B (U14 et U16) car pour beaucoup de gamins, les parents ne veulent pas qu'ils se fassent vacciner. On a quand même réussi à avoir des équipes dans toutes les catégories, mais je ne sais pas ce qui va se passer, on leur explique gentiment, mais c’est très compliqué. »

Un défi sportif

Le sport restant le sport, ce dimanche il y aura un match qui se fera à 11 contre 11. Avec seulement deux entraînements par semaine et sept divisions d’écart en sa défaveur, bien entendu Courdimanche ne part pas favori, mais pour l’enfant du club, présent depuis 23 ans, Zachary Mellul, rien n’est impossible : « De base notre objectif, c’était de passer le troisième tour pour obtenir les maillots, car cela n’avait jamais été fait, maintenant c’est que du bonus et même si on sait très bien que cela va être dur, ce n’est pas impossible non plus. » Cet informaticien de 29 ans, admiratif du génie de Zidane et du professionnalisme de Cristiano Ronaldo, est loin de prendre le foot à la légère, il a d’ailleurs fait un essai en régional à Cergy cet été durant 2-3 mois, une belle expérience qui pourrait le faire aller plus haut dans un futur proche : « Je ne me ferme aucune porte et même si je sais très bien que je ne jouerais jamais en pro, je continue à m'entraîner comme si je pouvais avoir une chance plus tard, je fais tout pour être au maximum de mes capacités, en m’entraînant à côté. Je fais en sorte de pouvoir tenir tête aux petits jeunes, en voyant Cristiano Ronaldo, ça donne envie et ça m’a toujours motivé à ne pas me laisser aller. Je suis un compétiteur. » Ce latéral gauche, ex-ailier reconverti, qui monte beaucoup grâce à une bonne vitesse et un bon cardio, aime tout donner pour son équipe à l’image d’un groupe de joueurs à la parfaite alchimie, dont beaucoup méritent d’aller plus haut selon lui.

Pour l’entraîneur, qui a passé sa jeunesse au Matra Racing, jouant jusqu’en DH et participant même à plusieurs tournois internationaux, il est primordial de ne pas se tromper d’objectif. D’ailleurs, ce fervent adepte de l’attaque placée craint quelque peu l’après Coupe de France en cas de mauvaise performance : « Comment encaisser une lourde défaite ? Il faut que je les prépare à ça car par la suite il y aura aussi le championnat et la Coupe du Val d’Oise. L’objectif c’est de monter en D2, c’est jouable avec le groupe que l’on a. Ce que je crains un peu c’est la suite au cas où l’on prend un gros score en Coupe de France, la coupe c’est du bonus pour prouver qu’on a un bon niveau. » Le coach s’attend à une équipe des Lusitanos motivée comme jamais avec des joueurs qui vont vouloir se montrer : « Ils vont certainement mettre des joueurs qui ont des choses à prouver et préserver certains joueurs pour le championnat. Ils vont mixer un peu avec des joueurs confirmés et des joueurs qui doivent confirmer et souvent ces derniers ont quelque chose à jouer. Mais les miens sont motivés, cela va se jouer tactiquement et c’est à moi de gérer ça et de trouver des combines à mettre en place. J’espère qu’on va réussir ce tout et qu’on va atteindre tous nos objectifs. » Du côté du président, on est plus mesuré, même si on espère secrètement : « J’y crois sans y croire. On a regardé un peu les vidéos de notre adversaire, c’est du costaud. Mais on a beaucoup de jeunes qui sont pleins d’avenir … » Du côté de son fils, qui a pu bénéficier des conseils de son beau frère, Antoine Mazure, qui joue en D1 au Luxembourg actuellement, mais qui a partagé le quotidien de joueurs de Lusitanos comme Ibrahima Touré, alors qu’il évoluait à Yzeure (N2) ou Bourges (N3), on s’essaye même à un pronostique : « Que le meilleur gagne, mais pourquoi pas un 2 buts à 1, avec le but de la victoire à la 89eme », avant d’ajouter plein de tendresse : « Mon père a toujours voulu un club respectueux, fair-play, avec des ambitions et j’aimerais bien gagner pour lui. »


Un succès serait un exploit immense, mais sa victoire, l’AS Courdimanche l’a en quelque sorte déjà remportée, en permettant à ses adhérents d’évoluer dans un club sain, mettant en avant les valeurs que devraient être celles de tous les clubs de football à travers la France. Place maintenant au football et à la fête qui, il n'y à pas de doute, sera belle ce dimanche du côté de Courdimanche.

Reynald Trunsard

Restez informé !

Inscrivez-vous à notre newsletter :