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Interviews

25 février | 17h23

Camille Amar : « Manita, un club de foot nouvelle génération »

Même si le foot féminin se démocratise de plus en plus, il y a encore beaucoup de progrès à faire. Partant de ce constat, Camille Amar a fondé il y a deux ans Manita, un club de foot nouvelle génération, véritable plateforme permettant à la gente féminine de se retrouver autour du ballon rond. Entretien avec une femme qui fait évoluer les choses. 

FOOTBALL FÉMININ Manita

Camille Amar, avant de parler de Manita, pourriez-vous vous présenter ?

Je suis Camille Amar et j’ai 29 ans. Avant l’aventure Manita, j’ai fait des études de droit pendant 8 ans, et je me destinais donc à une carrière d’avocate en droit du numérique. J’ai obtenu le barreau et mon capa, mais juste avant de porter la robe, j’ai décidé de créer Manita et de me concentrer sur cette activité.

Comment vous est venue l’idée de Manita ?

Personnellement, je n'avais jamais pratiqué le football étant jeune, ce qui est dingue car c’est un sport exceptionnel, et ce n’est pas pour rien que c’est le plus populaire du monde. J’ai commencé un peu par hasard dans mon ancienne entreprise. Ils avaient une équipe masculine mais avaient vraiment beaucoup de mal à trouver des joueurs, ils m’ont donc proposé de les rejoindre car j’étais quelqu’un de sportif et que je n’avais pas peur de me lancer dans une nouvelle aventure. En fait, je me suis retrouvé au bon endroit au bon moment. Et en me retrouvant sur le terrain, j’ai eu une révélation et je me suis dis qu’il y avait un vrai problème avec le message que la société renvoie avec la pratique du football.

Actufoot • Manita

Manita allie flexibilité et simplicité, et permet à ses adhérentes de pouvoir jouer au football lorsqu'elles le souhaitent et là où elles veulent

C'est-à-dire ?

Il y a beaucoup de contraintes et énormément de barrières qui séparent les femmes de la pratique du foot, à commencer par le fait que beaucoup d’entre nous sont débutantes. Pour arriver dans une structure traditionnelle, cela fait donc un peu peur. Par exemple, personnellement, j’ai appelé un club lorsque j’ai commencé à vouloir passer à la vitesse supérieure, et celui-ci m’a répondu qu’il fallait venir faire des tests. Ce qui était un problème car moi, je n’étais pas prête à faire des tests, je connaissais même les résultats de ceux-ci puisque je venais simplement de commencer la pratique.

D’autre part, il y a un deuxième problème lié à l’emploi du temps. J’avais du fait de mes études, un programme qui ne me permettait pas d’être disponible à la fois pour les entraînements et pour les matches, en gros de suivre le rythme d’un club traditionnel. Du coup, la question s’est posée naturellement à moi à un moment, et vu que j’avais très envie de faire du foot, je me suis demandée quel format pourrait convenir le mieux aux femmes comme moi ? Et c’est pour cela que Manita a été créé …

Chez Manita, on a le droit de débuter, on a le droit d’être mauvaise et même de rester mauvaise 

Camille Amar, fondatrice de Manita

Alors, en quoi consiste Manita justement ?

On se décrit tout d’abord comme un club de foot nouvelle génération, dédié aux femmes. On mise au maximum sur la flexibilité pour démocratiser le foot loisir féminin et la pratique féminine du football en général. Cette flexibilité passe par plusieurs niveaux de jeu, de très débutants à très confirmés (de niveau 1 à niveau 4). Mais aussi, par plusieurs lieux dans la région parisienne pour que chaque femme puisse jouer en bas de chez elle ou de son travail. On n’oublie pas non plus les questions d’emploi du temps, donc on retrouve plusieurs créneaux variés, car toutes les femmes ne sont pas disponibles au même moment.

Comment cela se passe t-il concrètement ?

C’est très simple, les femmes vont sur la plateforme https://www.manita.club, et peuvent alors s’inscrire aux matches et aux entraînements qui les intéressent. Une fois cela fait, elles n’ont plus qu’à venir. La flexibilité se mêle ainsi à la simplicité, mais pas que, et c’est notre deuxième grand axe, il faut savoir qu’on met en avant l’aspect bienveillant et le fait d’être ouvert à toutes. Chez Manita, on a le droit de débuter, on a le droit d’être mauvaise et on a même le droit de rester mauvaise. En fin de compte, on est vraiment là pour partager, découvrir ce sport et faire des rencontres. Le but c’est de créer une vraie communauté,

Il n'y a donc pas de compétition ?

Le but c’est de développer la pratique du foot mais pas que. On veut aussi permettre à des femmes qui ont un très bon niveau de pouvoir continuer à jouer, alors même qu’elles n’ont pas le temps d’être dans un club. On a énormément d’anciennes adhérentes de club, même des pro ou semi pro qui viennent jouer sur nos évènements car c’est hyper flexible. Mais c’est vrai que dans tous les cas, il y a dans le foot un aspect compétitif, qu’on ne peut pas nier. C’est pour cela d’ailleurs qu’on regroupe les filles autour de tournois, et l’année prochaine on espère pouvoir monter une Ligue. L’idée c’est donc bien de faire aussi de la compétition mais dans une bonne ambiance et un esprit de partage.

Le but c’est d’aller voir les entreprises et de permettre aux salariées de jouer au foot (..) offrir aux femmes cette possibilité là

Camille Amar, au sujet de la collaboration avec les entreprises, grand projet de Manita.

Combien comptez-vous d'adhérentes actuellement ?

Aujourd’hui, on a plus de 500 joueuses qui sont venues jouer sur les pelouses de Manita depuis sa création sur la région Ile de France. On parle de femmes de 18 ans et plus, mais rien n’exclut qu’on puisse développer le modèle pour les plus jeunes par la suite.

On vous trouve uniquement en région parisienne ?

On a déjà fait quelques petits événements à Lyon, qui est un petit peu notre deuxième base, ce qui est forcément symbolique au niveau du foot féminin. On va continuer à développer cela mais ça se fait petit à petit. Il y a déjà énormément de travail à ratisser sur la région parisienne, je préfère faire les choses bien et chaque chose en son temps, plutôt que de bâcler ici et passer sur une ouverture complète à Lyon.

Justement, quels sont les futurs projets de Manita ?

Manita est à la base une plateforme de mise en relation, un club de foot 2.0, mais c’est aussi aujourd’hui une start-up qui travaille avec des entreprises. Le but c’est donc d’aller les voir et de permettre de faire jouer les salariées, car on a remarqué que la plupart des entreprises ont une équipe masculine mais que très peu seulement ont une équipe féminine. D’ailleurs, de manière générale, très peu ont des femmes qui jouent au foot. L’idée c’est de leur offrir cette possibilité là. On a donc beaucoup développé la partie B to B du projet afin d’aller travailler avec ces entreprises et de créer des rencontres amicales et même des ligues inter-entreprises.

L’objectif est que toutes les femmes se mettent au football, que cela ne soit plus un sujet, négativement ou positivement perçu. 

Camille Amar, qui a la volonté de démocratiser au maximum la pratique du football féminin

Avez-vous une ambassadrice ?

En réalité, toutes les joueuses de Manita sont nos ambassadrices car elles portent beaucoup le projet. Manita se base énormément sur le bouche à oreille et sur la satisfaction des femmes qui viennent ici, et qui du coup en parlent autour d’elles. Mais on n’a pas encore d’ambassadrice et j’essaye d’ailleurs de travailler en ce moment sur cette partie là afin de donner encore plus de poids et de visibilité au projet.

Avez-vous eu des retours de la FFF concernant ce projet ?

Pas mal de personnes là bas on eu connaissance du projet et trouvent qu’il est super sympa et que c’est une bonne initiative. Mais pour le moment, on n’a pas encore trouvé l’axe qui va faire qu’on va pouvoir travailler ensemble. Mais j’essaye de travailler justement sur ce sujet là, car ce sera hyper intéressant pour nous, mais je pense pour la FFF aussi, de travailler main dans la main sur le développement de la pratique.

Avec un projet qui se développe à vitesse grand V, on est en droit d'imaginer un jour une Manita Europa League ?

Alors là, c’est envisagé dans mon imaginaire … Mais on m’en a beaucoup parlé, je sais qu’il y avait par exemple en Angleterre des choses qui ressemblent à cette organisation et j’ai eu des contacts en Espagne avec des retours dithyrambiques sur ce projet. La France n’est pas la seule nation où le foot féminin doit et peut se développer encore plus. Donc oui, ce serait juste génial et super intéressant que ça se développe dans d’autres pays le plus vite possible, mais pour le moment c’est vrai que je ne veux pas brûler les étapes.

Actufoot • Manita 2

Que peut-on vous souhaiter pour 2022 ?

Tout d’abord, qu’il n’y ai pas de crises qui reviennent frapper Manita et de manière générale l’économie, même si en ce moment les nouvelles du monde ne sont pas au beau fixe. Sinon, mon objectif est que toutes les femmes se mettent au football et que demain, cela soit normal pour une femme de faire du foot. Que cela ne soit plus un sujet, négativement ou positivement perçu. Et plus concrètement, j’espère pouvoir au plus vite développer la partie avec les entreprises afin de permettre à Manita de se développer financièrement et d’avoir plus de moyens pour développer la communauté, tous nos outils, notre visibilité et tout le reste …

Propos recueillis par Reynald Trunsard

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