Quantcast

Sponsorisé

Interviews

22 décembre | 16h35

Cédric Messina : "Nous étions précurseurs"

Co-fondateur d’Actufoot, Cédric Messina revient sur le genèse de notre média à l’occasion de son 20e anniversaire. Aujourd’hui PDG de la start-up MyCoach, fondée en 2011, il garde un souvenir très fort des premières années d’Actufoot, qu’il nous raconte avec la même passion qu’au tout début de l’aventure.

20 ans Actufoot

Sponsorisé

Cédric, Actufoot a 20 ans, qu’est-ce cela t’inspire ?

Beaucoup de choses forcément… C’est mon premier acte entrepreneurial, une succession de projets, de progressions, d’échecs et de satisfactions. Actufoot c’était un challenge au départ. Avec Thomas Dersy, auquel j’étais associé à l’époque sur ce projet, nous sortions de la fac et nous cherchions de quelle manière entrer dans la vie active. Tout le monde nous déconseillait de le faire. Nous n’avions pas d’historique et le chiffre qu’on nous donnait alors, et que j’ai toujours eu en tête, c’est que 96% des titres de presse qui se créaient à l’époque ne passaient pas la première année. Notre idée était de monter un journal hebdo, une sorte de France Football local qui traite l’actualité du foot, des petits aux pros, en se disant que ce sport ne fait qu’un. C’était aussi une ligne éditoriale particulière, que nous avons été les premiers à décliner, bien avant So Foot par exemple, en faisant parler les ultras, les amateurs, en racontant les choses telles qu’elles sont. On était bien avant les talk shows, il n’y avait pas encore les forums et encore moins les réseaux sociaux, l’information était beaucoup plus bridée qu’aujourd’hui.

L’idée c’était d’oser. Oser écrire sans avoir appris à le faire, oser aborder football de manière plus technique, avec une approche plus « inside » que ce que l’on pouvait voir à l’époque dans Nice-Matin, d’avoir des angles de reportage nouveaux.

Quel souvenir as-tu de ce 21 décembre 2001, jour de parution du tout premier numéro d’Actufoot.06 en kiosque ?

C’était un vendredi et j’avais fait deux nuits blanches d’affilée. Le mercredi soir il y a avait eu un Nice - Strasbourg au Stade du Ray. Le Gym était au fond de seau, alors que Strasbourg était je crois en tête de la Ligue 2. Il y avait 1-1 et en toute fin de match Kaba Mané avait marqué le but du 2-1. Cette victoire avait été une bouffée d’oxygène pour l’équipe et je pense qu’elle a été fondatrice pour la suite du parcours niçois cette saison-là. Après le match nous avions tiré au sort pour savoir qui allait écrire le premier article d’Actufoot sur l’OGC Nice et c’est tombé sur moi. Je n’avais jamais écrit de ma vie, j’avais une double page à remplir en plein bouclage et je me suis lancé. Dans la foulée on a fini le montage du journal. À l’époque on devait l’enregistrer sur une disquette ! Le lendemain à 7h du matin j’ai pris la route avec cette disquette pour l’amener chez l’imprimeur dans le Var. Le soir on a récupéré les journaux pour les livrer la nuit suivante et le vendredi matin le premier Actufoot.06 était en kiosque. J’étais un peu KO ce matin-là et c’est aux nombre d’appels reçus que je me suis rendu compte que ça avait fonctionné.

Actufoot • AF06 1

Comment vous était venue l’idée de créer ce média ?

L’idée c’était d’oser. Oser écrire sans avoir appris à le faire, oser aborder football de manière plus technique, avec une approche plus « inside » que ce que l’on pouvait voir à l’époque dans Nice-Matin, d’avoir des angles de reportage nouveaux. Aujourd’hui cela paraît évident, mais à l’époque c’était une approche très différente. Pour ma part j’étais joueur amateur et aussi ultra niçois, cela m’a aidé à avoir cette vision d’un journalisme différent. Nous avons été les premiers à faire les étoiles dans les championnats amateurs de ligue et de district, à faire les « awards » du monde pro et amateur avec un ton hyper décalé, les premiers à donner la parole à ceux que tu n’entends jamais, les dirigeants, les éducateurs, les arbitres. Un peu plus tard on a créé sur Nice le Prix Educafoot qui récompensait les meilleurs éducateurs de jeunes. L’accueil que le foot azuréen nous a réservé à l’époque était fantastique.

Comment voyiez-vous l’avenir à cette époque ?

L’état d’esprit c’était « au jour le jour ». On a commencé on se disant « un hebdo chasse l’autre ». L’enjeu était de faire chaque semaine un journal de 32 pages sans jamais avoir écrit avant, sans avoir de réseau ou de relais, mais avec cette insouciance, voire cette inconscience qui fait avancer. On n’avait pas de vision sur le long terme. Au-delà du monde amateur on a vite compris que les amoureux de l’OGC Nice aimaient Actufoot et finalement on a balisé notre chemin avec l’évolution du club. On n’imaginait pas que le Gym atteindrait le niveau qui est le sien aujourd’hui comme on imaginait pas qu’Actufoot deviendrait un site web diffusé dans la France entière.

Quand tu manques de réseau et de moyens financiers, il faut compenser par les idées et la vitesse d’action ou de réaction.

Tu évoques l’OGC Nice, mais début janvier 2002, dès le deuxième numéro d’Actufoot.06, intervient le centenaire de l’AS Cannes, avec un match de gala opposant à Coubertin les meilleurs joueurs formés au club, Zidane, Viera et consorts, face au PSG de Luis Fernandez et Ronaldinho. Ce jour-là vous avez distribué gratuitement le journal au public sur le parking du stade…

Nous arrivions un peu comme des ovnis dans ce milieu journalistique très corporatiste. Nous ne faisions pas partie de la famille, nous n’en avions pas les codes. Ce jour-là on a tracté devant le stade avec nos proches et nos amis pour faire connaître le titre. C’est marrant parce qu’à l’époque les gratuits n’existaient pas. Et dans les semaines qui ont suivi on s’est rendu compte que sur les Alpes-Maritimes on réalisait régulièrement de plus grosses ventes que des références comme L’Équipe ou France Football. Malgré tout nous étions loin d’être arrivés. Actufoot.06 s’est installé progressivement, puis on a commencé à développer d’autres approches. Vers 2003-2004 nous signons avec l’OGC Nice pour faire le journal du club, « OGC Nice Mag », qui était distribué au Stade du Ray. Puis vers 2005-2006 nous signons avec l’AS Monaco pour lancer « Diagonale », le magazine officiel du club. Dans le même temps nous lançons le média sur d’autres départements. Le modèle fonctionnait

Revenons un peu en arrière, à l’été 2002, quand à peine six mois après sa création Actufoot.06 a fourni à l’OGC Nice les équipements du premier match après la remontée en Ligue 1. Peux-tu nous raconter cette histoire ?

C’est une histoire qui résume bien le développement d’Actufoot, mais aussi ma vie professionnelle qui a toujours été faite d’opportunités. Quand tu manques de réseau et de moyens financiers, il faut compenser par les idées et la vitesse d’action ou de réaction. C’est exactement ce qu’il s’est passé. Déjà avant cet évènement il y avait eu la remontée du Gym en Ligue 1 qui était inespérée quelques mois auparavant. C’était peut-être un signe pour Actufoot. Et puis il y a eu cette intersaison très particulière. La DNCG qui refuse au club son accession, puis le CNOSF qui lui permet finalement d’accéder à l’élite. Le club se retrouve alors dans une situation irréelle, il est vidé de sa sève, avec très peu de moyens, des repreneurs locaux qui viennent à son chevet et Maurice Cohen qui arrive à la présidence. Là, l’équipe doit disputer un match amical, qui je crois avait été le seul d’une préparation très mouvementée avant la reprise du championnat. À l’approche de ce match le club n’a plus d’équipementier et négocie pour en trouver un nouveau. C’est là que je vais voir les dirigeants en leur disant « on vous offre toutes les tenues pour ce match », ce qu’ils acceptent assez rapidement vu qu’ils n’avaient pas d’autre solution. À l’époque je connaissais un distributeur Errea qui était vers Vintimille, on a pris la voiture, on est allé là-bas récupérer les maillots, shorts et chaussettes. L’ensemble était tout blanc, on a fait floquer l’expression « M’en bati siu Nissart » dans le dos et Actufoot.06 sur le torse. C’est comme ça que le Gym a joué le premier match d’une nouvelle ère. Sans être sponsor officiel et sans avoir dépensé un centime on a marqué les esprits et contribué à cette « nissartitude » qui a caractérisé les années qui ont suivi, avec notamment l’instauration du chant « Nissa la Bella » au stade.

Actufoot • Nice Actufoot 2002

La remontée du Gym, la lente agonie de l’AS Cannes, l’épopée monégasque de 2004 en Champions League… Ces première années n’ont pas été avares en évènements pour le média !

Exactement. Je me souviens de cette remontée en Ligue 2 manquée au dernier match par l’AS Cannes face à Valence en 2002, de ce parcours incroyable de Monaco qui bat le Real et Chelsea avant de tomber en finale contre le Porto de Mourinho en 2004. On a vécu l’avènement de Didier Deschamps comme entraîneur presque de l’intérieur. Je pense aussi à cette finale de Coupe de la Ligue du Nice d’Antonetti en 2006, avec cette défaite contre Nancy, mais cette superbe image de voir tous ces supporters niçois au Stade de France. Ce sont des années qui resteront gravées. J’ai passé la main quelque temps après, mais cela a forcément marqué mon parcours personnel.

2006, la Coupe de la Ligue, c’est aussi l’éclosion d’un certain Hugo Lloris, dont Actufoot avait été le premier média à parler deux ou trois ans avant…

C’est vrai, il était encore au centre de formation, il jouait en 16 ans Nationaux et je crois qu’ils avaient disputé une finale du championnat de France. Hugo a toujours eu cette force de caractère qui a balisé son parcours jusqu’à aujourd’hui et cet immense champion qu’il est devenu. Depuis nous sommes restés proches, on avance ensemble avec des trajectoires parallèles. La sienne l’a mené au sommet du football mondial, magnifique !

Sponsorisé

Dans le parcours d’Actufoot il n’y a pas eu que des bons moments, comme ce jour de 2007 où le groupe Nice-Matin a lancé un magazine concurrent nommé « Foot06 »…

C’était à la fois une cicatrice, une blessure mais aussi une super opportunité de se reconstruire et de se projeter vers l’avenir. Sans vouloir passer pour un sage que je ne suis pas, je dirais que dans la vie chaque moment heureux ou malheureux est une magnifique chance d’évoluer. C’est comme cela que j’ai vu les choses en 2007. Nous étions à cette époque dans un contexte de remise en question de la presse papier traditionnelle, avec l’essor des titres gratuits, mais surtout d’Internet. De notre côté on était dans une insouciance heureuse, nous avions 35 employés avec une croissance qui n’était pas maîtrisée. Actufoot était dans 10 départements, nous avions des partenariats avec l’AS Monaco, l’OGC Nice, l’AS Saint Etienne, mais pas la structure pour assumer tout ça. Dans un moment ou l’information arrive sur Internet, avec une info plus accessible, plus rapide, nous sommes pris dans un étau et le Groupe Hersant décide de lancer le concurrent duplicata d’Actufoot.06… C’était dur à avaler sur le moment, mais ça reste un souvenir positif. Il a fallu se dresser face à l’adversité, montrer la force d’un collectif, faire évoluer le projet. Alors oui il a fallu passer par des moments difficiles, il y a eu licenciements, un pivot économique, une nouvelle projection sur l’avenir… Il m’arrive encore d’en parler et même d’en rire avec Philippe Camps. Quand je vois les excellents rapports que j’ai aujourd’hui avec Nice-Matin, je me dis qu’on peut se battre avec ses idées, avoir une réflexion digne et de l’engagement, cela finit toujours par payer.

Aujourd’hui je suis heureux de voir qu’Actufoot a su garder son âme, évoluer sur le web, se développer sur la France entière avec des stats super intéressantes.

Durant cette période compliquée, il y a eu ce fameux Actufoot rose qui a été brandit par les supporters au Stade du Ray. Forcément un moment fort non ?

Oui, nous avions décidé de vider notre sac en publiant un journal sans article, avec juste quelques éditos très personnels, un gros « Censuré » et une tête de mort sur fond rose en couverture. Au Ray la BSN avait fait une banderole « Honte au média anti niçois » et ce journal rose avait servi de tifo. C’était une réaction spontanée, rien n’avait été programmé. C’était surtout le fruit de la relation que j’ai toujours eu avec les fondateurs de la BSN et dont je partage toujours les codes « Honneur et fidélité ». Des valeurs qu’ils retrouvaient dans Actufoot et c’est pour ça qu’ils ont fait ce geste très fort pour nous soutenir. Et cela avait beaucoup fait parler. Quelques jours plus tard je me souviens que j’avais eu une « convocation » de Michel Comboul, le PDG de Nice-Matin qui m’avait demandé de venir discuter avec lui dans son bureau. À l’époque j’étais assez remonté, mais j’en garde un bon souvenir. Pour moi cela a été une prise de conscience de ce que nous avions fait les années précédentes. Lui sifflait un peu la fin de la récréation car il sentait qu’on commençait à foutre un peu le bordel et voulait éviter ça. Là il me dit « arrête ça et vient travailler chez nous ». Je lui ai naïvement répondu « je préfère mourir debout que vivre à genou ». Depuis, j’ai compris que la vie professionnelle ce n’est pas du tout cela. Je suis allé au bout de mon engagement et j’ai su qu’il fallait que je passe la main.

Actufoot • Cedric Messina Colombie

Si tu es resté actionnaire d’Actufoot, tu as en effet passé la main en 2009, puis fondé une agence de communication, Comback, la start-up MyCoach, la société KickOff Prod, la marque de parfums Okaia. Tu es également vice-président de la CCI Nice Côte d’Azur. Comment as-tu fais cette mue ?

Vers 2007, 2008, Actufoot a vécu une transformation globale. Il y a eu un passage par la presse gratuite, puis naturellement une évolution digitale et actufoot.com a vu le jour. J’ai scindé ma société en deux, une partie pour créer l’agence Comback, avec un nom qui n’a donc pas été choisi au hasard, et l’autre pour Actufoot version digitale que j’ai revendu. J’ai récemment participé à une Masterclass avec un grand patron qui expliquait que le leadership dure généralement une dizaine d’années et qu’après il faut savoir changer, évoluer. Nous faisons partie de cette génération qui va faire quatre, cinq métiers dans une vie. À l’approche de 2010, il fallait que je passe la main pour rebondir, fonctionner différemment, sauvegarder l’héritage des années précédentes et assurer la transition. C’est à ce moment-là que le projet de MyCoach a commencé à germer, puis les autres ensuite, KickOff qui qui est spécialisé dans la vidéo, les parfums Okaia et bien d’autres encore j’espère. Aujourd’hui je suis heureux de voir qu’Actufoot a su garder son âme, évoluer sur le web, se développer sur la France entière avec des stats super intéressantes.

Aujourd’hui que retiens-tu des vingt années qui sont passées ?

La grand réussite c’est de voir que nous étions précurseurs sur la ligne édito, sur la vision d’évolution du journalisme, sur la disruption, avec des prises de parles engagées, ce qui se fait aujourd’hui. Mêler journalisme et évènementiel ce n’était pas légion. Je le dis avec beaucoup de modestie, c’était un modèle avant l’heure. La véritable fierté c’est cette ligne édito locale, authentique, engagée et partisane. Cela ne se quantifie pas, c’est profond et ce qui reste au final c’est cet engagement.

Restez informé !

Inscrivez-vous à notre newsletter :