Dans la famille Izeghouine, je demande le père et le fils. Tous deux
anciens joueurs, tous deux entraîneurs dans des clubs du Nord aujourd'hui.
Passionnés de football et de coaching, Lies et son fils Mehdi se sont
livrés sur leur parcours et leur philosophie footballistique lors d'une
interview croisée.Beaucoup de vocations naissent ainsi : un père emmène son fils en tribunes,
sur un terrain, et l’initie à sa passion. Le fils, dans un processus
d’identification parentale, s’inspire de la figure paternelle. Il
s’intéresse au passe-temps de son géniteur, et, parfois, cherche à
l’imiter. C’est de cette manière que Mehdi Izeghouine a découvert le
football : au travers de son père, entraîneur de Mouvaux – actuellement en
Régional 3 -, avec qui il se rendait à quasiment chaque entraînement.
Aujourd’hui entraîneur en Régional 1 à Wasquehal, le fils a « dépassé » le
père selon les dires de l’aîné. Pour Actufoot 59, ils se racontent.Comment avez-vous découvert le football ?Mehdi : Mon père est arrivé d’Algérie à 22 ans, après avoir joué quelques années
en pro. Il s’est installé dans le Nord, s’est marié, a débuté sa carrière
d’entraîneur, et tous les soirs d’entraînement on l’accompagnait, avec mes
deux frères, sur les terrains.Lies : J’ai commencé le football à 4 ans, en Algérie. J’y ai joué en jeunes, puis
quelques années en D2, au GSEB Elbiar jusqu’à 21 ans, avant de débarquer en
France à 22 ans. J’ai démarré à Tourcoing avec des copains, puis au cours
de la saison 1980-1981, le président de Mouvaux, Claude Lerouge, m’a
contacté. Il m’a embauché dans son imprimerie, m’a proposé un projet
sportif qui m’a plu et je les ai rejoints. Avec Mouvaux, on a connu cinq
montées en cinq ans !Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir entraîneur ?Mehdi : J’ai toujours eu cette réflexion en moi, cette vocation de partager ma
passion avec les jeunes. En même temps, à partir du moment où notre père
est 24h/24 plongé dans le football, ça se fait naturellement. Alors j’ai
passé mes diplômes et je suis devenu éducateur. J’ai commencé à 17 ans à
Mouvaux, récupéré le poste d’adjoint il y a deux ans en CFA2, puis, par la
force des choses, j’ai été promu entraîneur de l’équipe 1.Lies : Ma carrière d’entraîneur a démarré au cours de la saison 90-91, lors de
laquelle j’étais joueur et capitaine de l’équipe de Mouvaux. En décembre,
le club s’est retrouvé sans entraîneur et sans président. La personne qui a
repris le club m’a proposé de reprendre les seniors. C’était un sacré
challenge pour moi parce que j’étais entraîneur des cadets. Aujourd’hui je
vis ma 35e année en tant qu’entraîneur de Mouvaux. Je suis le coach avec la
plus grande longévité dans notre Ligue. Mouvaux est mon club de cœur, ils
m’ont beaucoup aidé, donc je ne peux pas les laisser tomber.Avez-vous déjà envisagé une collaboration père-fils sur un banc ?Mehdi : J’avoue ne pas trop y penser. Mais si l’occasion se présente ce serait
avec plaisir. En tout cas on a toujours beaucoup échangé au sujet du
football. Quand j’ai passé mes diplômes on parlait beaucoup foot. Et
aujourd’hui encore, on mange foot, on dort foot, y compris pendant les
repas de famille (rires). Il nous a initié à cette pratique mes frères et
moi et je l’en remercie. J’espère tenir aussi longtemps que lui sur les
bancs. Mais je suis sûr d’une chose : il doit avoir son secret.Lies : Plus aujourd’hui non. J’ai 64 ans et la relève est assurée. Il le prouve à Wasquehal. C’est vrai que j’ai eu du mal quand il est parti du domicile familial. A
l’époque il n’était pas marié et je me faisais du souci pour lui. Mais ma
femme me répétait qu’il fallait le laisser voler de ses propres ailes, que
c’était pour son bien. Et je le vois aujourd’hui : il est en train de
réussir.« Je lui ai inculqué les valeurs humaines, il a rajouté sa patte
d’entraîneur »Lies Izeghouine, à propos de son fils MehdiQuelles sont les plus grandes qualités de votre père/fils en tant
qu’entraîneur ?Mehdi : Je dirais la proximité avec ses joueurs. Mon père est quelqu’un qui est
beaucoup à l’écoute. Il créé un groupe, une famille, et tire le meilleur de
chacun. Il a toujours aidé ses joueurs. Il y a un aspect humain fort au
sein de son équipe.Lies : Je pense qu’il a un don : celui d’analyser un match et d’en changer sa
physionomie à n’importe quel moment. Il a toujours eu ça dans le sang, même
en tant que joueur. A l’époque où il jouait à Mouvaux, il lui arrivait de
débriefer une rencontre en rentrant à la maison le soir. Certains
adversaires mes disaient « ton fils c’est un phénomène ». Je lui ai
inculqué les valeurs humaines. Il a rajouté sa patte d’entraîneur avec les
diplômes qu’il a passés.Quelle caractéristiques aimeriez-vous prendre de l’autre ?Mehdi : Mon père a beaucoup de charisme et un gros tempérament. J’en ai aussi,
mais moins. S’il a tenu aussi longtemps ça vient en partie de là. Donc je
dirais ça.Lies : Quand Mehdi a débuté en tant qu’entraîneur, il était un peu stressé.
Aujourd’hui, il aborde ses matches avec beaucoup d’humilité. Et malgré ses
12 points d’avance en championnat, il reste très humble. Il ne fanfaronne
jamais. Je pense qu’il a trouvé l’alchimie avec son groupe.Vous êtes vous déjà affrontés ?Mehdi : On s’est déjà affrontés trois ou quatre fois en amical. C’est toujours
sympa. Et souvent, quand ça arrive, on débriefe le match ensemble. Ca
permet de passer du temps ensemble, parce qu’on n’en a pas toujours la
possibilité. Une année on a failli se croiser en Coupe de France. Ce n’est
pas arrivé, mais j’espère que cela arrivera une prochaine fois.Lies : A chaque fois que je l’affronte, j’en retire des choses positives ; pour
moi, pour l’équipe. On en apprend beaucoup. Parce que Wasquehal est une
équipe qui n’a quasiment aucune faiblesse. C’est une machine, et quand elle
se met en route, elle est très difficile à arrêter. Du gardien jusqu’à
l’attaquant et même les remplaçants : ils sont complets. Alors est-ce que
ça vient de son travail ou des qualités individuelles du groupe ? Je pense
que c’est un ensemble.Lequel de vous deux est le meilleur entraîneur ?Mehdi : Ah, c’est lui, y a pas photo ! On ne peut pas comparer sur les
performances et les résultats. Sur l’aspect humain c’est un exemple. Il est
très reconnu dans le milieu.Lies : Je suis fier de ce qu’il a accompli, et aujourd’hui je crois qu’il m’a
dépassé. Je lui souhaite d’aller encore plus haut. De mon côté, je ne suis
qu’un petit entraîneur à Mouvaux. Il a pris des choses de moi et y a
rajouté son intelligence de jeu. Depuis tout petit c’est un génie, dans
tout ce qu’il fait. Il réussit tout ce qu’il entreprend. Pour moi c’est une
grande fierté.Propos recueillis par Harry Hozé