Scène cocasse dimanche 24 octobre dans l’Essonne. Il est approximativement 15 heures quand, dans l’enceinte du Stade Pierre Mollet, située au 11 rue Jules Ferry à Yerres, et recouverte ce jour-là du halo d’un ciel bleu grec, une délégation de l’US Créteil-Lusitanos, club de National, vient d’arriver. Rui Pataca, manager général du club, et Emmanuel Da Costa, le coach des béliers, sont présents au bord du terrain. Ce dernier est aussi accompagné de son fils, sweat gris sur le dos. Sur la pelouse, le club de Val Yerres Crosne AF reçoit Courbevoie Sports, dans le cadre de la quatrième journée de la poule B de Régional 2. Mais ce qu’il se passe sur le pré est alors relativement anecdotique, tout comme le résultat de la partie (un nul 1-1). Un parfum étrange flotte dans l’air, celui d’une attente difficilement contenue.

De dos, une silhouette éminemment célèbre du football hexagonal s’agite dans son survêtement bleu, aux couleurs de Courbevoie. Brahim Hemdani, ex-capitaine de l’Olympique de Marseille, notamment lors de l’épopée du club en Coupe de l'UEFA 2004, est depuis l’été 2020 l’entraîneur des visiteurs. Et le tirage, ou le destin serait-on tenté de dire, a fait que ce dimanche Créteil défie Courbevoie à l’occasion du sixième tour de la Coupe de France. Arash Derambarsh, adjoint au Maire à Courbevoie et vice-président du club, déverse sans barrage son enthousiasme : « C’est un événement à l’échelle de la ville ! C’est historique. C’est la première fois que nous recevons un club de National (…) Il ne faut pas se prendre la tête, il faut juste jouer ce match à 400% ! Pas avant, pas après, mais le jour J. »

Derambarsh poursuit : « Ce qui est amusant, c’est que leur équipe 3 est en Régional 2… Du coup, je les ai chambrés : vous venez superviser l’équivalent de votre équipe 3 ? » En clair, Créteil ne compte rien laisser au hasard. Pour éviter une mauvaise surprise, comme il en arrive souvent dans cette compétition. De son côté, Courbevoie s’organise. On y promet « une très grande fête », une « forte mobilisation », on prédit même « un match historique » ! Hormis peut-être Brahim Hemdani, qui garde un calme olympien. La force de l’expérience ? Probablement. L’ancien de l’OM et des Glasgow Rangers s’autorise quand même une pointe d’humour acide : « On n’a pas été performant quand ils venus nous superviser, ça a dû les rassurer… »

L’homme est exigeant. Pas étonnant au regard de sa carrière. « J’ai dit aux joueurs lors des tours précédents, que je ne nous ai pas trouvés suffisamment productifs, que ça ne me plaisait pas en termes de contenu ce que l’on avait proposé, que si c’était pour passer des tours contre des équipes inférieures ça ne m’intéressait pas, que je préférais tomber sur un gros morceau. J’ai été servi avec Créteil… Le résultat m’importe peu, c’est surtout le contenu. On doit grandement s’améliorer dans l’optique du championnat qui reste l’objectif majeur cette saison. Cela va être une superbe expérience pour les joueurs, ils retiendront forcément beaucoup de choses pour la suite de leur carrière. Et puis avec l’effervescence, cela sera aussi une superbe expérience pour l’environnement externe. »

Retrouvailles entre Hemdani et Da Costa

Pour ajouter de la couleur à cette affiche qui n’en manque déjà pas, Brahim Hemdani croisera sur le banc d’en face Emmanuel Da Costa. Une vieille connaissance. « On s’est croisé très furtivement à Cannes, quand on était joueurs. Il avait beaucoup de qualités et une technique très intéressante… Depuis il a fait son bout de chemin. Et il s’est lancé dans ce métier d’entraîneur avec de la réussite. J’ai pu discuter longuement avec lui et c’est quelqu’un qui a la tête sur les épaules, qui ne met pas la charrue avant les bœufs et surtout, qui a conscience des possibilités mais aussi des limites de son effectif. Je pense qu’aujourd’hui être pragmatique reste une qualité fondamentale dans cette fonction d’entraîneur… »

Lui aussi l’est, pragmatique. Hemdani sait que la confrontation est déséquilibrée. La préparation estivale de son équipe a été tronquée par certains aléas d’un club amateur, et son groupe manque encore de « consistance et de constance » dans ses productions. Ce qui s’explique notamment par le renouvellement d’effectif important opéré cet été, avec l’arrivée de profils « moins athlétiques et plus porté sur le ballon ». Un changement de philosophie également accompagné d’outils, comme du matériel vidéo pour filmer les matches. Courbevoie est donc entre de bonnes mains. Reste que ce dimanche, c’est une montagne qui se tiendra sur son chemin.

Augustin Delaporte