Quantcast
Interviews

11 février | 8h10

David Guion (Reims) : "Je me cultive mais je ne crois pas trop au mimétisme"

Ses principes de jeu, le métier d'entraîneur, le foot amateur, Boulaye Dia... David Guion s'est confié en exclu pour Actufoot dans la "Séquence Coach".

LIGUE 1 REIMS

Actufoot relance la Séquence Coach ! (En partenariat avec My Coach Football), nous partons une fois par mois à la rencontre d’un entraîneur du monde professionnel. Nous lui donnons la parole pour connaître sa vision du football, et surtout, son avis sur le rôle et le rayonnement actuel de l’entraîneur. Philosophie de jeu, formation et coaching français : en toute transparence, ils livrent leur opinion, et parfois leur critique. C'est David Guion, l'entraîneur principal du Stade de Reims (Ligue 1), qui s'est livré pour cette première de l'année 2021.

Son identité de jeu

Quel est votre système de jeu préférentiel et pourquoi ?

Dans un premier temps, je parlerai surtout de personnalité et de caractère dans le jeu. C’est ça qui doit déjà transpirer dans l’identité, les valeurs qu’on va mettre dans notre projet. Le choix des joueurs est important, il faut vraiment qu’il y ait des caractéristiques prépondérantes autour de leur personnalité pour aller là où on veut aller. Les garçons doivent être dans l’engagement, la réflexion et la lucidité, cela facilite ensuite la mise en place d’un schéma.

Et en termes d'organisation tactique ?

L'idée c'est d'y apporter sa structure car on sait bien que tout est modulable. Aujourd'hui, on est beaucoup sur des systèmes hybrides et c'est pour cela qu'il est difficile de retenir tel ou tel système. Moi, j'aime bien défendre en 4-4-2 parce qu'il donne une meilleure rationalisation du terrain et plus de repères aux joueurs en termes d'occupation. Il est bien pour défendre mais pour attaquer, on s'aperçoit qu'il y a des manques quelque part. J'en reviens aux modèles hybrides, avec des joueurs qui vont ressortir le ballon à trois et des éléments beaucoup plus haut dans les couloirs. On cherche toujours à avoir une bonne occupation du terrain avec une bonne ressortie de balle sur la largeur, en trouvant des excentrés faux-pieds à l'intérieur.

C'est ce que vous apporte le système 4-1-4-1 pour lequel vous optez régulièrement ?

Je l'utilise parce qu'il colle bien aux caractéristiques de mes joueurs. Il m'amène plus de tenue de balle sur le plan offensif, les relayeurs doivent être les dépositaires du jeu.

Le coach français qui vous a inspiré ou vous inspire actuellement ?

Je me nourris, je me cultive, je lis beaucoup de choses qui viennent des entraîneurs. Selon moi, ce qui est important est d'être soi-même et je ne crois pas trop au mimétisme. Par contre, je picore, je copie, je regarde des vidéos, les matches etc. J'observe les sorties de balles ou un milieu de terrain qui va se déformer. Mon idée est toujours de rester avec ma personnalité. Il y a plein de bons entraîneurs français mais chacun a ses caractéristiques, ce qui n'empêche pas de prendre un petit peu chez chacun d'entre eux.

Et à l'étranger ?

Je vais peut-être aller chercher de la rigueur tactique chez un entraîneur italien, le plaisir de jouer et la possession du ballon en Espagne et l'agressivité et l'intensité en Angleterre. Encore une fois, je peux m'inspirer des particularités des championnats, des entraîneurs et de leur philosophie pour travailler ensuite avec mon équipe.

Le métier d'entraîneur

Définissez-vous dans la gestion d'un groupe.

Je pars du principe que les garçons doivent s'épanouir dans un cadre strict. Au début c'est beaucoup de travail mais mon idée est de responsabiliser les joueurs parce que sur le terrain, c'est eux qui décident. Ils doivent être capables de répondre à beaucoup de questions et c'est pour cela que j'attache cette importance à la responsabilisation du groupe dans mon management.

Quelle importance à la causerie dans l'avant-match ?

C'est un moment unique entre ses joueurs et soi-même pour faire passer son message. C'est aussi un moment assez solennel, on doit faire passer de par notre ton ce que l'on attend du match dans l'état d'esprit. La causerie est une mise en confiance, elle est essentielle et toujours positive. Je ne parle que de nous, jamais de l'adversaire sauf pour rappeler le plan de jeu en deux minutes. Enfin, il y a toujours une valorisation de mon équipe.

Y en a-t-il une qui vous a marqué en tant que joueur ? Une dont vous vous souvenez particulièrement dans la peau de l'entraîneur ?

Pas spécialement mais j'aime bien quand je réussis, et je l'ai fait très peu de fois, à faire participer mes joueurs aux causeries, à les rendre acteurs. Je trouve ça très intéressant que eux aussi s'imprègnent du contexte du match. Quand ça arrive et qu'ils sortent les bons mots c'est une très bonne préparation parce qu'ils savent encore mieux le soir pourquoi ils sont là.

C'est vous qui leur demandez d'interagir ou ce sont vos joueurs qui prennent la parole d'eux-mêmes ?

J'ai fait les deux. J'ai sorti des mots-clés en faisant un brainstorming très rapide de dix-douze minutes, je les ai aussi laissés entre joueurs en leur donnant l'équipe et c'est tout. On l'a également fait de façon interactive avec des images. Ces causeries sont rares mais elles ont toujours eu de bons échos.

Qu’en est-il de la gestion des retards à Reims ?

On est dans ce qu'on disait tout à l'heure au niveau du management. C'est à dire qu'on définit les règles ensemble dès le départ. Je les laisse choisir la façon dont ils veulent procéder, ils me présentent leur projet avec les règles et les amendes et moi je valide ou je rajoute en apportant ma touche finale. C'est ensuite accepté par tout le monde et je nomme toujours des responsables pour faire appliquer ces règles-là.

Quel rapport avez-vous avec ceux qui dépassent le poids voulu après les fêtes notamment ?

Depuis quelques années on met une amende financière aux joueurs qui prennent plus d'un kilo.

L'apprentissage du français pour les étrangers, une règle d'or ?

A Reims, on met les étrangers dans des conditions d'apprentissage avec un prof tout de suite. Evidemment, certains sont plus assidus que d'autres. Toutes mes causeries, mes discours se font en français et la partie technique et mes projets de jeu sont traduits en anglais.

Quel type de joueur étiez-vous à l’entraînement ?

J'étais un défenseur de devoir, rigoureux et qui appliquait à la lettre et du mieux possible ce que me demandait mon entraîneur. Je n'avais pas de qualités techniques qui me permettaient d'avoir de la créativité donc je bonifiais au maximum mes qualités, ça m'a permis de faire une carrière de quinze ans. J'ai très vite compris où étaient mes qualités et mes défauts et j'ai optimisé mon potentiel.

Le foot amateur, Boulaye Dia...

Lors de la saison 2010/2011, vous réalisiez une incroyable épopée avec Chambéry en Coupe de France, en éliminant successivement Monaco, Brest et Sochaux. Que vous reste-t-il de cette expérience dix ans après ?

C'était ma première expérience en amateur, je n'ai fait qu'une année et j'ai été gâté puisqu'on a réussi cet exploit en Coupe de France. On a aussi été champion de France de CFA 2, j'en garde un souvenir extraordinaire parce que je suis très attaché au vécu, aux émotions et au partage. A travers cette saison à Chambéry, on a connu et partagé des moments exceptionnels avec beaucoup de gens. On les a rendus heureux et c'est pour ça que je fais ce métier, c'est pareil en pro. La particularité au niveau amateur était qu'il y avait une proximité encore plus forte de par l'environnement et ça reste évidemment des souvenirs inoubliables.

Quelle influence a eu le foot amateur dans votre approche du métier, votre façon de voir le football ?

Ca m'a convaincu que cette proximité, ce rapport humain et ces échanges et je le vois parce que je le vis actuellement à Reims, on peut les mettre en place dans un club professionnel, au sein d'un groupe avec lequel on a un bon feeling, une bonne dynamique. Je crois que ce n'est pas seulement parce qu'on est en amateur qu'on peut créer une bonne ambiance, une bonne cohésion et une excellente dynamique de groupe. L'aventure à Chambéry m'a permis de mettre toute ma méthodologie en place mais j'ai démarré avec les mêmes principes ici auprès de l'équipe professionnelle. Bien sûr les contenus sont différents parce que j'ai plus de moyens pour les mettre en place mais l'idée de fond est vraiment la même.

Ce monde amateur continue de vous apporter presque chaque semaine, lorsque Boulaye Dia fait trembler les filets.

De par mon parcours, de ce que je sais et observe à droite à gauche, beaucoup de garçons ont du talent dans les divisions inférieures. On le voit tous les ans et c'est vrai que le parcours de Boulaye me permet de bien appréhender le joueur qui vient du monde amateur. Je sais d'où il vient, qu'il faisait trois, quatre entraînements à 19h dans la nuit et le froid pour rentrer chez lui à 22h30. Je sais ce qu'il a vécu et ces garçons ont vraiment du mérite de s'accrocher pour attendre leur chance. A travers lui, je vois aussi l'importance de garder de l'humilité parce qu'il n'oublie pas d'où il arrive. Mon parcours me permet aussi d'aider les joueurs comme Boulaye.

Comment jugez-vous sa progression ? Jusqu'où peut-il aller ?

Je pense qu'il faut qu'il continue à se construire, c'est sa deuxième saison pratiquement en tant que titulaire. Il n'a pas eu de formation et je pense qu'il a franchi une première étape qui est de jouer régulièrement dans un club de Ligue 1. Il s'est aussi fait un corps d'athlète et ça n'a pas été facile. Maintenant, je pense qu'il peut aller chercher un club européen qui lui permettrait de poursuivre sa progression.

Recueillis par Thomas Gucciardi

Restez informé !

Inscrivez-vous à notre newsletter :