31 mai | 14h31
De l'Amiens SC à l'Irlande, le parcours sinueux d'Elie-Gael N'Zeyi
Formé à Amiens où il a côtoyé Gaël Kakuta et Tanguy Ndombele en équipe première, Elie-Gael N'Zeyi n'a pas suivi une trajectoire linéaire à cause de mauvais choix de carrière et de blessures à répétition. Signataire de son premier contrat pro en Slovaquie, le milieu défensif français (24 ans) s'épanouit enfin en Irlande au Finn Harps FC (D1).
Qu'est-ce qu'il t'a manqué pour ne pas signer pro à Amiens, où tu avais pourtant fait toutes tes classes ?
J'ai effectué la reprise avec le groupe pro lorsque l'ASC est remonté en Ligue 1 (mai 2017, ndlr). A ce moment-là, tout se passait bien. J'étais l'enfant du club et je m'entraînais avec des joueurs comme Gaël Kakuta, Tanguy Ndombele. Moi, j'avais envie de réussir et je pensais percer après Tanguy mais ça ne s'est pas passé comme prévu. Je devais signer pro et entre temps, des agents m'ont traqué. J'ai fini par quitter Amiens, là où je jouais depuis mes 13 ans, car les négociations ont trop traîné.
Comment, alors que tu es aux portes de l'équipe première d'un club de Ligue 1, te retrouves-tu à Bastia-Borgo en National 2 (ex-CFA) en 2018 ?
En fait, mon agent de l'époque me met la pression pour que je signe au Gazélec Ajaccio (L2) avant mon départ en vacances. Il me dit que tout est ficelé, je reçois mon billet d'avion, le pré-contrat et quand j'arrive là-bas, c'est un test. Il y a au moins 25 joueurs. J'y reste plus d'un mois et au fur et à mesure que le temps passe, je n'ai pas de nouvelles du club. Je ne comprends pas. Au final, j'apprends que le coach Albert Cartier avait déjà un milieu de terrain dans le viseur et que moi, j'étais là seulement pour dépanner si celui qu'il voulait ne signait pas. Quand il a donné son accord, j'ai eu un échange avec le directeur sportif qui m'explique que le club veut absolument me garder. Sauf qu'ils n'ont pas de réserve et ne peuvent pas me garantir du temps de jeu. Il me propose d'aller à Bastia-Borgo qui jouait en CFA. Dans ma tête, c'était mort. Je voulais jouer en Ligue 1 et le minimum, c'était National. Là, on me parlait de CFA... A la fin, l'agent qui m'a un peu intoxiqué m'a fait comprendre qu'il n'avait pas grand-chose pour moi et qu'il valait mieux que j'y aille.
Regrettes-tu ce choix ?
C'était contre ma volonté pour être très honnête. J'y suis allé parce qu'on m'a fait comprendre que je n'avais pas d'autres solutions. Peu de temps après mon arrivée, je connais la première grosse blessure de ma carrière, une déchirure qui m'éloigne plus de deux mois des terrains. Quand je reviens, je rechute. Mentalement, c'est compliqué. J'arrive quand même à faire quelques bouts de matches en fin de saison et on réussit à décrocher la montée en National. J'étais un peu le chouchou du président et mes conseillers de l'époque me disaient que j'allais prolonger. Finalement, je n'ai plus eu de nouvelles de mes agents avec lesquels j'avais signé un contrat de trois ans. A l'été 2019, je me retrouve sans club donc je signe à Evreux en N3 pas trop loin de chez moi. J'avais besoin d'argent et je me posais des questions par rapport au foot et à ma carrière
Je pensais vraiment dire stop parce je me battais contre mon propre corps
En 2017, Elie-Gael Nzeyi tapait à la porte des pros à l'Amiens SC mais a finalement quitté son club formateur pour la Corse. (Crédit photo : ASC).
Lesquelles ?
J'ai ressenti du dégout. Je me disais que j'avais du potentiel mais que j'avais fait confiance aux mauvaises personnes. Et puis il y avait les blessures... C'est un tout qui fait que je me suis lassé. Quand Christophe Taine m'appelle en 2019-2020, c'est l'année du covid. On a tous les deux un fort caractère mais j'accepte d'y aller (à Evreux, ndlr). Lors d'un match de Coupe de France, je prends un mauvais tacle sur la cheville. Diagnostic : rupture des ligaments. A ce moment-là, je pensais vraiment dire stop parce je me battais contre mon propre corps. C'est difficile à accepter car j'ai toujours été professionnel et sérieux dans le travail invisible depuis mes 19 ans.
Comment as-tu reprise le dessus mentalement ?
Ma famille m'a évidemment beaucoup aidé et ma rencontre avec Axel Bossekota, un joueur qui a pas mal bourlingué, a beaucoup compté pour moi. Il m'a pris sous son aile et m'a dit qu'avec mes qualités, c'était fini d'aller jouer en N2 ou N3. Je comprends que le football est un état d'esprit. En plus, j'étais trop braqué sur les divisions françaises alors que jouer au foot, on peut le faire partout dans le monde. Avec Axel, on s'est entraîné ensemble à fond pendant plusieurs mois et je suis même retourné à Amiens dans les bureaux. On a discuté avec John Williams pour voir s'ils pouvaient me reprendre car le club était en Ligue 2. Il y avait moins de concurrence mais ils n'ont pas accepté.
Après une saison en N3 et six mois sans club, pourquoi rejoindre la Slovaquie ?
Ma devise, c'était pro ou rien. Un contact me parle d'un club en Slovaquie qui recherche un milieu de mon profil. On lui envoie ma vidéo et il est intéressé. Ca c'est fait en 72h. Quand je regarde l'effectif, je vois qu'un ami formé au Havre (David Bangala) évolue là-bas. Je l'appelle et il m'explique comment ça se passe à Pohronie. Au final, ce fut une belle et une mauvaise expérience à la fois. Belle car j'y ai signé mon premier contrat professionnel mais tout n'a pas été si rose. Au début, je n'avais pas ma chance.
Ma devise, c'était pro ou rien
As-tu exprimé ton mécontentement ?
J'ai demandé au coach pourquoi je ne jouais pas alors que l'équipe n'avait pas de bons résultats. Après ma démarche, il m'annonce qu'il va me faire démarrer le match suivant. Finalement, je suis sur le banc mais lors de mon entrée, je fais une passe décisive et derrière, j'ai commencé à enchaîner. Jusqu'à ce que les blessures me rattrapent une nouvelle fois. Tout le monde était déçu et on m'a envoyé à Bratislava voir un grand médecin. En rentrant, l'entraîneur me dit que je ne vais m'entraîner que le jeudi et jouer le week-end si l'équipe est dans le besoin et en fonction du contexte.
Un gros risque...
Je rentre sans m'échauffer, je joue avec le frein à main, c'était compliqué à gérer. J'ai tenu comme ça jusqu'au maintien. Mais vers la fin de saison, les cadres ont commencé à se plaindre parce que je jouais alors que je ne m'entraînais quasiment pas. L'entraîneur a retourné sa veste et ça a un peu pété. J'avais accepté de jouer blessé et au final, on me l'a fait à l'envers. C'est le négatif de cette expérience. Encore aujourd'hui, je reçois des messages de fans qui me demandent pourquoi je ne suis pas resté.
Après une demie-saison à Pohronie, te revoilà sans club pendant six mois.
Avec tout ce que j'ai vécu, je savais que j'allais retrouver un club. Je ne savais pas où ni comment mais j'en étais convaincu. Mon cousin et ancien pro, Titi Buengo, m'a permis de garder la forme avec l'US Camon. Ensuite, un agent s'est intéressé à moi et m'a proposé plusieurs destinations comme la Suède. Entre temps, je suis parti en Roumanie dans l'un des clubs historiques du pays (Astra Giurgiu) mais je n'y ai pas signé. Les conditions étaient horribles.
C'est-à-dire ?
Le logement était hyper humide, il n'y avait même pas d'eau chaude ! Tu ne peux même pas vivre, dormir décemment. Le souci, c'est que dans ce bâtiment qui servait de mise au vert, des joueurs acceptaient d'y séjourner. Je ne sais pas comment ils faisaient. Derrière, le directeur sportif m'appelle, me propose un contrat et me dit que le club va me loger à l'hôtel. Sauf qu'on me demande de le dire à personne ! Mais comment je peux garder ça secret ? C'était impossible car on était tous au même endroit. J'ai bloqué tout le monde sur Whatsapp et je suis rentré en France. J'ai l'impression que certains joueurs français ne se respectent plus. Parce qu'ils n'ont pas de club, ils sont prêts à accepter parfois des conditions de vie indécentes.
Je n'ai pas mis une croix sur la France mais les pays anglophones sont faits pour moi
Pour le coup, tu fais un bon choix puisque l'Irlande vient à toi en février 2022.
C'est toujours via un agent. Je me renseigne un peu, je regarde les clubs, Shamrock Rovers, ça me parle. Je suis venu faire des tests à Finn Harps et au bout de quatre jours, c'était plié. Ici, les conditions de vie et financières sont bonnes. Personnellement, je fais une bonne saison mais collectivement c'est un peu plus compliqué. C'est dommage car je trouve qu'on a une bonne équipe.
Selon toi, c'est possible de t'installer durablement en Irlande ?
Je ne me projette plus autant qu'avant. Je suis ici et sous contrat jusqu'en novembre, le coach me fait confiance et les fans m'apprécient. Si le club a une proposition pour moi cet été, il faudra que les deux parties s'entendent sinon on verra dans quelques mois. Je me plais en Irlande et la mentalité du pays me correspond.
Réussir en France n'est donc pas spécialement une ambition ?
Je n'ai pas mis une croix sur la France mais les pays anglophones sont faits pour moi. Ce sont des championnats où il faut des qualités de joueur box-to-box et aimer le duel. Il faut être capable de mettre de l'agressivité et de l'intensité à chaque fois que tu es sur le terrain. Ici, on joue parfois le lundi et le vendredi et jouer de manière aussi rapprochée, c'est la première fois que ça m'arrive. La D1 Irlandaise, c'est un bon niveau. Les joueurs qui disent préférer jouer en National, je ne les comprends pas !
🔀MERCATO
— Football Irlandais 🇮🇪 (@Footballirlande) February 16, 2022
🇫🇷Arrivée d'un nouveau francais dans notre championnat🇮🇪.
🔥Le milieu de terrain Élie Gaël N’Zeyi Kibonge signe avec Finn Harps, en provenance de Pohronie🇸🇰.
Ancien du centre de formation de Amiens, le joueur de 24 ans est aussi passé par Bastia-Borgo et Évreux 27 pic.twitter.com/tcDb2GpRGM
Propos recueillis par Thomas Gucciardi
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