Né d'une mère japonaise et d'un père sierra-léonais, Alpha Kubota a découvert le football au Japon. C'est là-bas qu'il apprend les bases de ce sport qui l'a toujours passionné. Le natif de Tokyo a évolué pendant sa jeunesse à Tokyo Verdy, l'un des clubs importants de la mégalopole japonaise. Il évoluait dans un niveau comparable au U17 et U19 nationaux. Néanmoins, selon lui, le football est assez différent qu'en France : "Le football japonais me fait beaucoup plus penser à celui qu’on peut voir en Espagne, avec de la technique et énormément de jeu avec ballon. Il y a moins de physique par rapport en France."

Très reconnaissant de ce que son pays d'origine lui a apporté au-delà d'une culture footballistique différente, il n'en serait peut-être pas où il est aujourd'hui : "Le football japonais m’a beaucoup apporté en termes de technique que ce soit dans la justesse des dribbles ou des passes. L’endurance est également une dominante importante au Japon, on court énormément. Et maintenant grâce à cela, je n'ai aucun mal à courir pendant 90 minutes sur une rencontre."

Ses premiers pas en France

Après dix-huit années passées dans l'Empire du soleil levant, Kubota a décidé de quitter son pays de toujours pour découvrir un pays européen : "Je suis venu en France grâce à mon oncle, Iya Traoré, un freestyler assez connu qui connaît bien le football ici. Il est notamment en partenariat avec les Girondins de Bordeaux où j’ai donc pu signer." Alpha est d'ailleurs parti car le football français l'attirait beaucoup et également car il était victime de racisme au Japon..

À son arrivée en France, il a eu besoin d'un grand temps d'adaptation que ce soit au niveau la langue où il ne parlait pas un mot de français mais également sur la différence de football : "Quand je suis arrivé en France, j’étais très fin donc à chaque contact, j’avais énormément de mal." Malgré ses qualités de vitesse et de dribble, les Girondins de Bordeaux ont fait le choix de ne pas le garder après un prêt en région parisienne à Drancy.

Signature avortée au FC Lorient

Après une saison du côté de Drancy, il décide de s'engager pour le FC Montceau Bourgogne. A l'été 2018, dans la lancée d'une superbe deuxième partie de saison, il tape dans l'œil du FC Lorient. Après plusieurs échanges avec le club professionnel, il parvient à effectuer la reprise avec les Merlus. Ce dernier était tout proche de signer un contrat sauf que tout ne s'est pas passé comme prévu : "Tout se déroulait pour le mieux, mon ancien agent m’avait même confirmé que je devais signer mon contrat. Malheureusement, à cette époque-là, j’étais naïf et maladroit. Je parlais dans le même temps à un autre agent qui pouvait me faire signer à Cholet en National. Au final, je n'ai signé dans aucun des deux clubs, et je ne travaille plus avec ces deux agents."

Cette non-signature a beaucoup impacté le joueur pendant un long moment. Avec le recul, il prend cet échec comme une leçon. Cela lui a permis de grandir et de pouvoir s'épanouir dans son futur club, le SAS Épinal.

Une progression fulgurante à Épinal

Après un match contre le FC Montceau, Xaxier Collin (sans club actuellement) alors entraîneur du SAS Épinal à l'époque découvre les qualités d'Alpha Kubota et n'hésite pas à le faire signer : "Je l'ai fait venir à Épinal, car j'avais directement cerné que c'était un joueur avec un gros potentiel. Ses qualités de vitesse et de percussion m'ont vraiment intéressé. Il a eu quelques problèmes d'adaptation dû à l'exigence du niveau. Il a besoin d’être secoué par moment, puis j'étais assez dur avec lui. J'ai vu rapidement la marge de progression du joueur et j’avais l’intime conviction qu’il pouvait toujours faire mieux. Au final, après deux saisons dans les Vosges et malgré des prestations quelque peu irrégulières, c'est un joueur qui nous a beaucoup apporté et qui a énormément progressé au sein du club. "

Les propos de l'ancien coach d'Orléans (N1) coïncident avec ceux du principal intéressé. Ce dernier considère Épinal comme le club qu'il l'a le plus fait progresser et là où il s'est vraiment adapté au football français. Il est d'ailleurs très reconnaissant de l'apport de Xavier Collin à son égard : "Je suis conscient de ce qu'il a pu m'apporter, c'est un acteur majeur de ma progression. ll a beaucoup insisté sur le fait d’exploiter au mieux toutes mes qualités notamment ma vitesse et mes dribbles. Il m’a aidé également à m’améliorer dans mon placement, qui est différent de celui que j’ai pu connaître au Japon."

Décisif plus d'un match sur deux avec Saint-Priest

En pleine bourre après son départ d'Épinal, Alpha a pris la direction de Sedan, où il aurait pu réaliser la meilleure saison de carrière si le Covid-19 ne s'était pas emmêlé. À la suite de cela, il est donc parti du club ardennais où il a connu une période compliquée puisqu'il était sans club. Il a confié avoir beaucoup pris en maturité et progressé mentalement à ce moment-là. Après un passage de six mois en Saône-et-Loire à Louhans-Cuiseaux, l’attaquant japonais s’est engagé à l’AS Saint-Priest en janvier 2022. Un an après son arrivée au club, le voilà épanoui et de plus en plus complet sous les ordres de Lionel Bah : "Il m'a apporté ce côté finition et comment être dangereux dans mes appels, dans mes décalages,… Grâce à lui, je suis devenu plus décisif même si je dois encore progresser sur cet aspect", décrit celui qui a été décisif à 19 reprises en 32 matches (5 buts, 14 offrandes) sous le maillot rhodanien et brigue un second titre consécutif de meilleur passeur du groupe C.

Le coach de Saint-Priest confie son bonheur de pouvoir s'appuyer sur son profil dans ses rangs mais le pense encore capable de plus : "Alpha peut évoluer à droite comme à gauche offensivement. Il a cette faculté de provoquer et de faire mal aux adversaires. C'est un joueur important de notre effectif, mais qui pourrait être encore plus performant s'il était plus décisif et plus tueur devant le but."

Un "prime" toujours pas atteint

Alpha Kubota est conscient qu'il doit encore travailler pour atteindre son meilleur niveau. Selon lui, sa marge de progression n'est pas encore terminée. Ce dernier espère pouvoir évoluer plus haut que le National 2 et se sent d'ailleurs prêt à l'issue de la saison 2022-2023 à pouvoir enfin gravir ce cap. Xavier Collin considère qu'il a les capacités pour performer à l'étage supérieur : "Alpha est un potentiel énorme. S'il arrive à être encore plus régulier et à gagner en constance, je suis persuadé qu'il peut franchir un palier. Il doit vraiment être exigeant avec lui-même et prendre conscience de ses qualités et du haut niveau. Personnellement, j'ai toujours cru en lui et il est nécessaire pour sa carrière qu’il puisse se confronter au niveau supérieur. Maintenant, reste à trouver un projet cohérent qui lui permettra de poursuivre sa progression."

Un dribbleur né et un joueur attachant

Capable d'évoluer sur tout le flanc droit et gauche, le San-Priot brille dans les championnats français depuis plusieurs années par sa qualité principale à savoir le dribble. Il s'inspire de joueurs comme Neymar, Rafael Leão ou encore Eden Hazard lorsqu'il était à Chelsea. Il les regarde beaucoup pour leur sens du dribble, leur capacité à déborder et leurs qualités de percussion. L'ailier japonais est également doté d'une belle qualité de frappe, ce qui lui permet d'être plutôt adroit dans l’exercice des coups francs directs.

Xavier Collin fait l'éloge de toutes ses qualités : "Alpha, c'est un potentiel énorme, un milieu offensif gauche, très intéressant quand il rentre sur son pied-droit. Il est capable de casser les lignes, de marquer des buts, de servir ses coéquipiers et de faire des différences. Il est très polyvalent puisqu'il jouait également piston par moment. C'est également un joueur doté de grandes qualités athlétiques." Collin comme Bah sont en phase sur le fait que Kubota est un superbe joueur à entraîner, toujours souriant et qui ne rechigne jamais au travail. Il est selon leurs mots, un homme attachant qui respire la joie de vivre et qui met la joie de vivre dans un groupe.

Propos recueillis par Paul Durel