Au-delà de l'aspect purement sportif, la période de confinement que nous
vivons actuellement, cumulée à la suspension (et le possible arrêt) des
compétitions, implique de nombreuses problématiques souvent difficiles à
gérer pour les clubs de football amateur. Les domaines économique et social
sont au cœur des préoccupations de leurs dirigeants. Y compris lorsqu'il
s'agit de petites structures tapies dans l'ombre des plus grandes
institutions évoluant sur le plan national ou régional. Pour Actufoot.com,
quatre présidents de clubs évoluant en D7 ont fait part de leurs
inquiétudes en cette période de crise.Ils s’appellent Yves, Emmanuel, Jonathan ou Kévin, et eux aussi sont
passionnés de football. Eux aussi consentent des efforts, tout au long de
l’année, pour permettre à leur club de perdurer. Ils sont président du SC
Achicourt Football, du FC Conti Boulogne, de l’ES Helesmoise ou de l’AS
Andres, et tous sont confrontés à des problématiques, parfois similaires,
parfois différentes, liées à la suspension des championnats. Parce que la
crise sanitaire qui frappe notre pays ne touche pas seulement les clubs de
niveau national ou régional, mais aussi des plus petites structures, ne
regroupant que quelques dizaines de licenciés et dont l’équipe une évolue
en D7, soit la 15e division du football français.Pour beaucoup d’entre eux, l’aspect social est l’un des domaines les plus
fortement impactés par ce confinement. A Achicourt, commune de tout juste 8
000 habitants située dans le Pas-de-Calais, « le club du village est à l’arrêt total ». Pour son équipe senior, mais surtout pour ses plus jeunes licenciés, « c’est une petite catastrophe » qui s’est abattue sur cette institution qui ne compte que quatre équipes. « Avec ce confinement, c’est un véritable problème de mixité sociale auquel
il faut faire face, souffle le président Yves Thibaut. Déjà que les enfants ne peuvent pas aller à l’école, ils sont également
privés de football. Or, pour eux, le foot est un pilier de la vie en
société. Chaque mercredi et chaque week-end, nos jeunes se retrouvaient et
s’amusaient ensemble. Aujourd’hui, ils risquent d’être confrontés à un
manque total de repères. »En plus du social, la questions des financesMême son de cloche à une centaine de kilomètres de là. Dans l’ombre du
mastodonte qu’est l’US Boulogne Côte d’Opale, le FC Conti Boulogne, avec
ses cinq équipes, souffre lui aussi du manque de liant social causé par le
confinement. « Il faut savoir que le Conti est une famille. Je dirais même un mini
centre social, présente Emmanuel Descharles. Le club house est ouvert tous les jours de la semaine, et on reçoit
souvent des personnes le matin à qui on sert le café et avec qui on
discute. » Mais depuis l’annonce du Président de la République faite le lundi 16
mars, ces retrouvailles quotidiennes sont devenues impossibles. Les
sympathisants du Conti ne se voient plus, si ce n’est de temps en temps,
par pur hasard, dans des commerces. « L’autre jour, j’ai croisé un parent d’un jeune joueur à la pharmacie. Il
me disait que son fils ne cessait de lui demander quand le foot
reprendrait », raconte celui qui est aussi médiateur social et travaille avec des jeunes
de quartier.Et comme si cela n’était pas suffisant, une autre problématique est venue
s’ajouter à la première rencontrée par le FC Conti. Rétrogradé
administrativement par choix, le club boulonnais s’est donné trois saisons
pour mener à bien son projet : celui de repartir de zéro et se
restructurer. Après deux années au terme desquelles il leur était
impossible de monter en division supérieure, cette année semblait être la
bonne. « Depuis deux, trois saisons, sans vouloir paraître prétentieux, on survole
le championnat. On a fini les deux derniers exercices avec +30 ou +40 en
différence de buts », poursuit-il. Au 16 mars, après cinq journées disputées, le FC Conti
présentait un bilan de 4 victoires pour 1 défaite et 34 buts inscrits pour
3 encaissés. Autant dire que l’accession en D6 semblait largement à leur
portée. En tout cas, jusqu’à ce que la suspension de tous les championnats amateurs ne soit prononcée par Noël Le Graët.« Nous comptions sur les recettes de buvettes pour pouvoir survivre dans ce
monde où seuls les gros existent »Jonathan Guepratte, président de l'ES
HelesmoisePour eux, comme pour les autres, il a fallu composer avec. Avec cette
coupure nette, et avec les entrées d’argent qui ont, dès lors, été
momentanément stoppées. « Économiquement, cette fin de saison s’annonce très compliquée. Nous
comptions sur les recettes de buvettes pour pouvoir survivre dans ce monde
où seuls les gros existent », pose Jonathan Guepratte, à la tête de l’ES Helesmoise, club du 59 qui ne
compte qu’une seule équipe. Pourtant, ce président le sait, il va devoir
faire une croix sur cette source potentielle de revenus. Le repas de fin de
saison, prévu à la fin du mois de juin, sera sans doute, lui aussi, annulé.
Au total c’est un manque à gagner de près de 800 euros auquel va devoir
faire face le dirigeant nordiste. « C’est une perte très sèche car nous bénéficions d’une subvention de 1 100
euros de la mairie et nous planchons, chaque année, sur un bénéfice de 2
000 euros », déplore-t-il.Le calcul est vite fait : les recettes qui auraient dû être comptabilisées
cette saison seront proche du néant. A Achicourt, c’est à peine mieux. « En plus des 10 000 euros de subventions que nous percevons, nous
atteignons généralement 20 000 euros de ressources propres, via les
tournois, les soirées, les licences et les autres activités. Dans notre
malheur, une éclaircie : le tournoi en salle que nous organisons chaque
année avait lieu cette année en février. On pourra finir la saison sans
trop de problème, mais heureusement que l’on ne fonctionne qu’à partir de
bénévolat », se réjouit Yves Thibaut.Tous n’ont pas la même chanceA la tête de l’AS de Andres, Kévin Towmsend, lui, n’a pas la même chance. « Nous sommes un tout nouveau club, créé cette année seulement. Donc on
démarre avec très peu de moyens », annonce-t-il. En plus des 2500 euros de subvention versés par la mairie
et des recettes propres liées aux licences et ventes de calendriers, Kévin
Towmsend comptait sur les tournois organisés au printemps pour refaire des
jeux de maillots, tout neufs. Il va devoir faire sans, puisque « aujourd’hui, le club ne gagne rien ». Désormais, l’objectif, pour ces présidents de clubs de D7, est de faire
en sorte de ne pas tout perdre.Harry Hozé