Employé chez Scania en CDI à Angers, football amateur jusqu'en National 3,
Fernandy Mendy a quitté les Pays de la Loire pour vivre son rêve de
footballeur professionnel du côté de l'Ecosse à Raith Rovers. Récemment
sélectionné avec la Guinée-Bissau, celui qui a grandi à Saint-Nazaire
continue son incroyable ascension. Entretien !Fernandy, vous évoluez en Ecosse, du côté de Raith Rovers. Que
connaissiez-vous de cet environnement avant d’y mettre les pieds ?Pour tout vous dire, je ne savais même pas où ça se situait sur une carte.
Je ne connaissais que les kilts (rires) ! Au début, quand on m’a annoncé
l’Ecosse pour mon essai, j’ai juste cherché à savoir où ça se trouvait. Par
la suite, j’étais plus inquiet pour mon niveau d’anglais (rires).
Footballistiquement parlant, en revanche, je partais vraiment sans prise de
tête. Soit ça passe, soit ça ne passe pas !Cette barrière de la langue vous a freiné pendant combien de temps ?Ça a été dur la première année, c’était un peu de la découverte. Ma fille
s’est bien intégrée car elle va à la crèche. Notre fils est trop jeune pour
y aller et en plus, ça coûte très cher ! Ma femme, qui s’en occupe pour
l’instant, est de nature hyperactive, donc c’est compliqué pour elle de
rester à la maison même si elle prend des cours également. De mon côté, ça
devient de plus en plus simple car je suis toujours avec les gens à
l’extérieur.Vous avez connu un prêt la saison dernière. Est-ce que ça a facilité votre
intégration ?Je pense que c’est ce qui m’a aidé à m’adapter plus rapidement. J’avais
besoin de changer, de voir autre chose. J’ai rencontré quelqu’un qui
parlait français, j’ai demandé à avoir des cours avec le club et ils se
sont arrangés avec un sponsor pour que ma demande puisse être exaucée. Ils
avaient vraiment envie de me rendre ce service pour me faciliter la vie.Comment caractériseriez-vous ce monde professionnel dans lequel vous
évoluez désormais ?Je l’avais déjà un peu découvert quand je suis passé au SCO. J’en avais
aussi beaucoup entendu parler mais maintenant, je le vis de l’intérieur.
Quand tu es jeune, en centre de formation, tu as moins de responsabilités
au moment où tu intègres le groupe pro. Quand ça devient ton métier, tu
sais que tu as des obligations et que tu te dois de bien faire. Là, oui, tu
as la pression des responsabilités.Il y a encore quelques mois, vous étiez employé de l’usine Scania à Angers,
aujourd’hui vous vivez du football. Quel est votre ressenti ?Effectivement, j’étais en CDI chez Scania à Angers et ça change l’usine. Je
n’ai pas la vie d’un citoyen lambda et je me lève le matin pour faire ce
que je kiffe. J’ai l’impression d’aller faire un football avec les copains
et d’être payé pour ça. Maintenant il y a quand même une réalité, c’est
très contraignant, notamment en termes de temps et il faut surtout être
fort mentalement car il faut savoir accepter quand les choses vont moins
bien !Vous avez inscrit il y a quelques mois votre premier but sous les couleurs
de Raith Rovers. Là aussi, ça peut être un déclic ?Oui, c’était en octobre dernier. C’était une super expérience et je suis
très content ! C’est la récompense de tout ce que j’ai accompli et c’est
également une satisfaction personnelle car je me remets tout le temps en
question, sur plein de choses. Je suis très perfectionniste avec moi même !
Tout le groupe, mis à part le gardien, est venu me féliciter ce jour-là car
ils savent ce que je donne depuis des années et le voient désormais au
quotidien.La mentalité du football amateur, cette dalle que j’ai, si tu l’adaptes à
la rigueur du monde pro, c’est ça la clé de la réussiteFernandy MendyDu coup, vous estimez être dans votre « plan de carrière » ?Pour l’instant, je continue ma progression mais je ne fais pas de plans. En
revenant à Raith cette année, je savais que je n’allais pas avoir beaucoup
de temps de jeu des suites de mon prêt l’an dernier et avec une hiérarchie
déjà en place. C’est ça le football, c’est parfois compliqué de changer le
cours des choses quand les mecs devant font le taf. Je m’attendais à jouer
un peu plus, ça ne s’est pas fait et je l’accepte.Le football amateur joue certainement un rôle dans l’appréciation de votre
parcours…Le football amateur, c’est l’école du football. C’est là où tu apprends à
devenir un homme. Quand tu travailles, que tu as des responsabilités et que
tu veux pratiquer ta passion, il faut savoir concilier les deux. La
mentalité du football amateur, cette dalle que j’ai, si tu l’adaptes à la
rigueur du monde pro, c’est ça la clé de la réussite ! J’ai également puisé
cette force et ces valeurs au sein de ma famille. En tant que fils ainé,
j’ai la responsabilité des autres et mon objectif premier, c’est d’inspirer
les miens plutôt que de briller.Justement, vos rencontres sont-elles diffusées ?Quelques rencontres de deuxième division peuvent être retransmises.
D’ailleurs, notre prochain match contre Heart le sera. Ça a dû nous arriver
trois ou quatre fois cette saison !Qu’en est-il des infrastructures dont vous bénéficiez ?Il y a un gros écart avec les écuries de première division (Celtic,
Rangers) qui ont des infrastructures de qualité. On a un terrain
synthétique mais quand les conditions météorologiques ne le permettent pas,
on doit s’adapter. Grâce au réseau de notre manager, il nous arrive de
pouvoir accéder aux salles couvertes de certains clubs aux moyens plus
conséquents.Si Raith Rovers évolue en deuxième division, c’est un club qui a aussi son
passé. Racontez-nous cette anecdote dont tout le monde parle concernant le
Bayern Munich ?C’est une rencontre qui date de 1994 (rires) ! Ici, ils aiment bien refaire
l’anniversaire du club. Raith Rovers gagnait 1-0 à la mi-temps lors du
match aller et ils en ont fait tout un culte. Ils ont même une salle dédiée
à cet événement. J’en entends parler tout le temps et ça va rester pendant
des années. C’est arrivé quand je suis né et c’est une fierté pour eux
depuis.Au delà de cette pandémie de Covid, quelle est l’ambiance que vous
retrouvez tous les weekends en tant que joueur ?J’ai connu un peu ça l’année dernière. Ici, c’est particulier parce qu’ils
supportent le club de leur ville. Tu peux être supporter du Celtic, des
Rangers mais tu donneras toujours de ton temps pour le club de ta ville.
C’est un attachement assez particulier mais les stades sont pleins. Ils
sont hyper fiers : par exemple, ils peuvent se tatouer les noms des joueurs
sur leurs bras (rires) !Je joue juste au foot et je cherche à faire les choses bien, que n’importe
qui aurait pu faireFernandy MendyAvec la Covid et les restrictions au Royaume-Uni, vous sentez-vous isolé ?Personne peut venir nous voir car il faut une raison « valable ». C’est
clair qu’on ressent ce manque de la famille, voir tout le monde quand on
veut… ça pourrait améliorer notre quotidien ! Mes enfants grandissent et si
dans un avenir proche, je peux les mettre à l’école française ici, ça
serait top pour moi. Et si on doit rentrer en France, il faut qu’ils
puissent poursuivre les études…Votre entourage a du vous soutenir dans la quête de vos nouveaux défis ?On s’appelle tous les jours ! Avec ma famille, mes potes, la famille de
femme. Nous ne passons pas une journée sans avoir de leurs nouvelles. Nos
entourages respectives vivent en Pays de la Loire, entre Saint-Nazaire et
Saint-André des Eaux. Plusieurs générations se succèdent et on est les
seuls qui vivent à l’étranger. Ils sont présents pour nous malgré tout !Aujourd’hui, vous avez réalisé un autre rêve : porter les couleurs de votre
pays d’origine. Est-ce un aboutissement ?C’est une fierté, une immense fierté. L’impression d’avoir franchi un cap
car c’est ça le sommet d’une carrière. La plupart des joueurs que je
connais préfèrent jouer en sélection. Je ne sais pas ce que c’est la Ligue
des Champions mais je préfère représenter famille, mes amis et proches.
J’arrive à un âge où je me dois d’être au top de ma carrière et c’est
magnifique ce qu’il m’arrive. Par contre, je n’aime forcément pas la
célébrité et la lumière. Je joue juste au foot et je cherche à faire les
choses bien, que n’importe qui aurait pu faire ! Je me vois comme quelqu’un
de banal et j’ai surtout galéré donc je sais que ça peut aller très vite.
Du jour au lendemain !Crédit photo : FERNANDY MENDYJoel Penet