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Interviews

6 avril | 0h00

Frédéric Ménini (AS Monaco) "On a la même passion mais pas le même métier"

Philosophie de jeu, vision du métier, formation et coaching français. Frédéric Ménini, entraîneur de l'AS Monaco (R1) s'est exprimé dans la séquence coach.

15 min.
R1
Chaque mois, avec notre partenaire My Coach Football, nous partons à la rencontre d’un éducateur, du monde professionnel ou amateur. Nous donnons la parole à un coach pour connaître sa vision du football, et surtout, son avis sur le rôle et le rayonnement actuel de l’entraîneur. Philosophie de jeu, formation et coaching français : en toute transparence, ils livrent leur opinion. Entretien avec Frédéric Ménini, entraîneur de l'AS Monaco (R1).

SON IDENTITÉ DE JEU

Système de jeu préféré (3-5-2) : Je joue dans ce système depuis une quinzaine d’années. J’aime son adaptabilité qui change entre la phase offensive et défensive. Ça permet d’avoir un gros bloc défensif et inversement, une grosse armada offensive et un bloc très haut. Après je varie parfois avec d’autres systèmes, mais je joue tout le temps avec deux attaquants de pointe. Mais dans tous les cas, on peut faire n’importe quelles compositions, le plus important reste l’animation.

Coach français préféré : Je dirais Didier Deschamps. C’est un coach exemplaire qui a clairement la culture de la gagne. Il est toujours correct et il transmet de vraies valeurs à ses joueurs. J’aime aussi beaucoup la personne car j’ai eu la chance de la côtoyer avec les Barbarians. Après honnêtement, quand on voit ce qu’il a gagné dans sa carrière et ce qu’il a réalisé de partout où il est passé, c’est formidable. J’aurais pu dire Christophe Galtier mais j’ai encore en travers de la gorge l’histoire du tunnel avec Gallardo…

Coach étranger préféré : Actuellement, je choisis Niko Kovac. Je ne le connaissais pas tellement et il m’impressionne vraiment avec Monaco. Il a transcendé une équipe que je pensais moins forte que la saison passée. Mais là, on ressent clairement une envie de faire mal à l’adversaire à chaque match. On sent que c’est un vrai passionné qui transmet son amour du foot, et il est toujours très souriant. Il a aussi un gros charisme et une énorme aura dans le vestiaire. Ce qu’il a apporté à l’équipe en si peu de temps, c’est incroyable.

Principes de jeu : Je ne suis pas du tout un amoureux de la possession de balle excessive. Ça ne m’intéresse pas. Je dirais donc que le plus important dans mon style de jeu, c’est la transition. Qu’elle soit offensive ou défensive. Je pense que dès que l’équipe peut faire mal à l’adversaire, elle doit le faire et ne pas rentrer dans une possession stérile en attendant la faille ou l’erreur. Ça demande beaucoup d’efforts, mais ça permet de garder un rythme et une vitesse dans le jeu, et c’est primordial.

SA VISION DU MÉTIER

Comment vous définiriez-vous en tant que coach ?

Déjà, je pense que je suis très imaginatif et je déteste tomber dans la redondance. J’adore organiser des sorties, des activités pour toujours être proche de mes joueurs. Je veux inculquer la solidarité d’équipe en premier lieu. Après, je suis quelqu’un de très rigoureux et presque énervant sur ce qui est hygiène de vie et respect des règles… Pour moi, il faut que tout soit parfait et aucun écart n’est permis. Je suis aussi très tenace et je veux à tout prix atteindre mes objectifs, mais cela passe aussi par l’entourage. Depuis le départ, je me suis toujours entouré de personnes de confiance qui m’ont apporté dans tous les domaines et c’est ce qui a fait mon parcours. Pour finir, je pourrais me définir comme rigide mais aussi déconneur.

« À la base, je ne me voyais pas entraîner une équipe. »

Vous avez entraîné à presque tous les niveaux. Comment a évolué votre vision du poste d’entraîneur au fil des années ?

Depuis mes débuts au FC Beausoleil, le métier de coach a beaucoup évolué. Par la formation, le travail et les expériences, j’ai commencé à me forger une vraie identité qui doit clairement se ressentir aujourd’hui. Après comme on dit « l’appétit vient en mangeant ». Donc, je me suis nourri des victoires et des défaites pour grandir et atteindre le stade où j’en suis aujourd’hui. Ce qui est sûr, c’est que dès le départ, mon souhait était d’arriver jusqu’au monde Sénior et il n’y a que par l’évolution de notre vision du métier que l’on peut réussir. Ce qui a surtout évolué au fil des années, c’est ma passion. À la base, je ne me voyais pas entraîner une équipe. J’étais sûrement obnubilé par le terrain en tant que joueur. Comme quoi, avec le temps les opinions et les ambitions changent.

Selon vous, est-ce qu’un coach amateur et professionnel ont le même métier ?

Je ne pense pas. Déjà, on n’a pas le même salaire (rires) et pas un groupe professionnel sous nos ordres donc ça fait déjà beaucoup. Au niveau professionnel, le coach est aussi sacrément entouré. Il a aussi tout un processus autour de lui qui permet de faire la « synthèse » de tout le travail mis en place par les différents acteurs. En amateur, le coach doit gérer les aléas de la vie et la vie hors foot, ce que ne fait pas un coach en pro. Et encore, j’ai de la chance d’être dirigé par un club professionnel : l’AS Monaco. En pro, il y a aussi tout ce qui est gestion de l’image, maîtrise de la communication et la pression autour. Il ne faut pas l’oublier. Chaque rôle a ses contraintes. On a la même passion mais pas le même métier.

« Pourquoi recommencer totalement un championnat où tout reste à jouer ? »

Justement, comment fait-on en cette période pour garder son groupe sur les bons rails ?

Notre référent, David Le Goff est tout le temps bluffé par mon groupe et me dit « c’est merveilleux ». J’ai une grande chance, c’est d’avoir un groupe très jeune (18 à 24 ans). Ils vivent par le foot et sont plus qu’impliqués, donc c’est plus facile. Après, on essaye surtout de faire extérioriser le manque de compétition en faisant des séances très axées sur la compétition. Comme je l’ai dit, on fait également beaucoup de sorties padel, tennis… et on essaye aussi de rester très proche d’eux en les appelant très régulièrement.

Quel est votre avis sur la saison blanche ?

Disons que la saison blanche était inévitable, mais plutôt que de repartir à zéro, j’aurais bien aimé reprendre à la 6e journée. On va tous rester au même niveau, la plupart des effectifs seront les mêmes, donc pourquoi recommencer totalement un championnat où tout reste à jouer ? Chaque équipe garderait ses points et la compétitivité serait présente. Année exceptionnelle pourrait rimer avec décision exceptionnelle. Ça aurait réduit notre saison et laisser de la place aux Coupes et à la récupération.

Pensez-vous que ces décisions viennent d’un manque de considération du foot amateur en France ?

Non pas du tout. Je ne suis pas de cet avis et je trouve que tout le monde fait beaucoup d’efforts pour le foot amateur. Malgré tout, je trouve que les instances font du bon travail et que pour du « foot amateur », c’est très professionnalisé. Faut aussi se mettre à leur place. Ils sont dans la difficulté de devoir prendre des décisions contraignantes à vivre pour nous. Après, ce qui me fait rire, c’est que tout le monde défend ses propres intérêts et tout le monde prêche pour sa paroisse. Quand je vois certains acteurs dire que certaines décisions sont bonnes, il y a juste à regarder le classement de leurs équipes.

LA FRANCE

Quel regard portez-vous sur les coaches français ?

C’est difficile à dire car il y a des bons comme des mauvais. Après, on reste une référence mondialement. Il n’y a qu’à voir dans les autres championnats et les autres continents, il y a souvent un coach français. Je pense que tout cela est aussi dû aux très bonnes formations proposées dans le pays.

« Les coaches doivent être formés et non formatés. »

Justement, que pensez-vous de la manière de former les coaches en France ?

Elle est très poussée et je dirais même un peu trop. Mais on a quand même l’une des meilleures manières méthodes. Il faut juste une chose. Les coaches doivent être formés et non formatés. C’est-à-dire, qu’il faut apprendre les méthodes et les appliquer à nos propres idées de jeu. Les formations sont très qualitatives et c’est une chance. Mais je trouve qu’à un moment, certaines catégories de coaches amateurs sont coincées. Il faudrait notamment être plus souple dans certains domaines pour laisser sa chance à tout le monde.

Est-ce pour cela que les coaches amateurs n’ont pas assez leurs chances dans le monde professionnel ?

Non je ne pense pas. Il n’y a que par la formation qu’un coach amateur peut atteindre le Graal. Mais à un moment quand on veut passer certains diplômes, il faut avoir jouer un nombre de matches à un niveau professionnel. Donc, si ces formations ne sont pas acquises, ou on ne peut y avoir accès, c’est logiquement plus difficile d’accéder au monde pro. Je pense qu’il faudrait faciliter la manière d’acquérir des diplômes pour que plus de gens aient leur chance d’entraîner au plus haut niveau.

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