30 octobre | 10h59
G. A. Innocent : « Si c’était à refaire, je referais tout pareil »
À 21 ans, Graigy Adams Innocent a déjà connu trois pays différents, il a fait des essais en République tchèque, évoluer en Pologne ou encore connu la banqueroute avec un club espagnol. Tout ça parce que, comme il le dit lui-même : il « toujours voulu faire du foot ».
Salut Graigy, t’as commencé où le foot ?
Je suis né à Clichy, mais je vis à Saint-Denis. J’ai toujours habité et grandi là-bas, donc logiquement j’ai commencé le foot à Saint-Denis, au Saint-Denis US. J’ai fait une seule année. J’avais cinq ans et demi. Mon père est ancien footballeur… À l’époque il jouait en PH (ex-R3) à l’ES Parisienne, et il m’a mis dans le foot tout petit. J’ai commencé à 4 ans et on m’a inscrit au SDUS, entre 5 et 6 ans. Après, je suis allé au Paris FC.
Ça s’est fait comment avec le PFC ?
J’étais jeune, je ne m’en rappelle pas, et puis on ne m’a pas vraiment raconté comment ça s’est fait. On m’a juste dit : tu vas faire des détections pour aller au Paris FC. Je les ai faites et ça a marché. Je suis ensuite resté là-bas de mes 8 à mes 14 ans… Jusqu’à qu’un malentendu entre mon père et un éducateur ne mette fin à l’aventure. Derrière, on a accepté une proposition de Créteil, qui s’intéressait déjà à moi depuis un moment. J’ai démarré en U15 DH, puis je suis passé en U17 DH, U19 DH … avant de partir à Meudon.
Pourquoi ?
Un ami, que j’ai connu en U17 à Créteil, est passé par Meudon l’année précédente, et, au bout d’un mois, il a signé à Sochaux. On se connait très bien tous les deux et il me conseille de faire la même chose : venir à Meudon une année, faire une bonne saison, et essayer d’accrocher quelque chose dans les environs. Parce que Meudon à cette époque-là, avec les U19, ils avaient beaucoup de partenariats. Des moyens pour trouver un club professionnel. Alors je pars à Meudon... Mais c’est un échec total ! J’ai peu de temps de jeu, je me blesse, aux adducteurs, aux ischios, … (soupir) Du coup, après 4 mois je reviens à Créteil, en 19 DH…
Mais tu ne vas pas y rester longtemps.
Je m’attendais à quelque chose … On avait eu des discussions avec la direction du club et je devais intégrer le groupe de National 3. J’avais fait des entraînements… Je m’entraînais régulièrement avec le groupe de N3 quand j’étais en 19, j’ai aussi fait une dizaine d’entrainements avec la N1, le samedi matin et parfois en semaine, et du coup, oui, je m’attendais à intégrer au minimum le groupe de N3. Mais ça ne s’est pas fait. Ils ne m’ont rien proposé à part d’intégrer les U20, une catégorie créée à cette époque-là. Ça ne m’intéressait pas. J’avais aussi envie d’ailleurs. Un ami m’a alors proposé d’aller en Espagne et je lui ai dit : "pourquoi pas !" Et c’est comme ça que je me suis retrouvé à faire des essais à droite à gauche en Espagne. J’avais 18 ans. Mais ça ne me faisait pas peur (de partir à l’étranger, NDLR), car j’ai toujours voulu faire du foot, je suis un peu casse-cou, je suis quelqu’un qui prend des décisions spontanées ! Et là je me dis : "pourquoi ne pas tester quelque chose ? Je suis encore jeune ! On ne sait jamais. Et si ça ne marche pas, au pire des cas, je reviens !"
Ça se passe comment en Espagne ?
J’ai fait un essai au Rayo Vallecano et un autre à l’AD Alcorcon. Le plus concluant a été celui d’Alcorcon. J’y suis allé pour un essai d’une semaine, j’étais avec l’équipe U23, ça se passait pas mal, mais le coach me fait comprendre au bout d’un moment que je ne suis pas dans ses plans. Je ne corresponds pas au profil de jeu. A ce moment-là je joue sur un côté, je suis un ailier un peu puissant, qui prend la profondeur, pas tellement un milieu de terrain comme il recherche. On m’envoie ensuite dans une équipe avec qui ils ont un partenariat : le Club Deportivo Proas, une équipe de Tercera División (quatrième division espagnole, NDLR). Je reste avec eux jusqu’en janvier, j’alterne avec l’équipe 2, mais l’opportunité dont on m’avait parlé, à savoir d’avoir une possibilité de revenir à Alcorcon, ne se présente pas. Et niveau financier, ça devient compliqué. J’étais logé dans une résidence à côté, à las Rosas, mais une fois les courses faites, il ne me restait rien. Donc j’ai décidé de retourner à Paris.
Pas pour longtemps, là encore.
C’est vrai. J’ai d’abord eu une touche avec Ivry par l’intermédiaire de mon ancien coach en U19 R1 à Créteil, Mohamed Tazamoucht, mais c’était pour la R2… Je me suis entraîné un temps avec eux, puis il y a eu le Covid… L’été qui suit, un ami me branche avec le coach de la R1 de le Mée-sur-Seine, dans le 77, et j’y vais. Je signe là-bas, je rentre dans le groupe, et je démarre la saison 2020-21 au Mée. J’y suis resté jusqu’à décembre, et rebelote avec l’arrêt des compétitions (en octobre, NDLR). On ne faisait plus rien. On avait entrainement seulement le samedi matin… Heureusement, en décembre, j’ai une offre pour jouer en Pologne, à Lada Bilgoraj (4ème division, NDLR). Ils jouaient pendant le covid là-bas, alors j’ai accepté. Je ne voulais pas perdre le rythme, après la saison galère avec l’arrêt des compétitions. Ça peut vite mal tourner…
On fait toute la préparation… sauf que le club fait banqueroute lors du premier match de championnat.
Graigy Adams Innocent
C’est un dépaysement total à ton arrivée ?
C’est clair. En arrivant, je me suis dit : "woh !" Aux entraînements, je ne comprenais rien, tout était différent. Rien que la langue c’est hyper difficile, ce n’est pas comme l’Anglais ou l’Espagnol ! Mais j’ai habité une maison avec deux Brésiliens et un Anglais, et au final ça s’est super bien passé. J’en retire que du positif. J’ai fait six mois là-bas, de janvier jusqu’à la fin de la saison, ça se passait bien au niveau individuel, sauf qu’en termes de résultats on finit derniers du championnat. J’arrive dans une équipe déjà presque condamnée avec, je crois, six points à la mi-saison… une équipe en crise. Je marque 12 buts et donne 5 passes décisives, en alternant entre l’aile gauche et la pointe d’un 4-2-3-1, mais le club descend. On me propose un renouvellement de contrat, pour une année de plus, mais je mets en stand-by…
Tu repars donc avec ton baluchon ?
C’est un peu ça (rires). Je fais des essais à droite, à gauche, en République tchèque notamment, et au final je reviens en Espagne, parce que je commence à bien connaître, et je signe à La Roda, en Tercera. On fait toute la préparation… sauf que le club fait banqueroute lors du premier match de championnat. On se présente au match, mais on nous dit que l’on ne peut pas jouer à cause d’un problème administratif, parce que des joueurs n’ont pas été payés l’année d’avant. Trois matches de championnat passent, en laissant les points à l’adversaire du fait de notre forfait, et rien ne bouge.
Un coach de N3 qui m’envoie un message comme ça, ça vient de nulle part à ce moment-là ! C’est un truc de ouf.
Graigy Adams Innocent
Retour à la case départ ?
C’est ça. Je rentre à Paris. Où je ne fais rien... Je m’entraîne de mon côté, je vais à la salle de sport ou je vais au stade, seul ou avec un pote. Comme j’habite à Saint-Denis, j’allais au stade annexe du Stade de France. Puis, finalement, Monsieur Benoît Pansier, le coach de la N3 de Besançon, qui connait de manière indirecte la personne qui m’a envoyé en République tchèque, m’envoie un message sur Instagram. Il me dit : "j’ai vu ta vidéo, c’est intéressant...." Un coach de N3 qui m’envoie un message comme ça, ça vient de nulle part à ce moment-là ! C’est un truc de ouf. Et, il me demande si je veux venir faire un essai d’une semaine. Moi, je suis chez moi, je ne fais rien, donc je lui dis oui tout de suite ! Je prends le train et j’arrive à Besançon. Je m’entraîne une fois avec le groupe et le club me propose de signer ! Ça va très vite.
Et niveau terrain, ça se passe comment pour toi à Besançon ?
J’ai été dans le groupe ce week-end à Angers et il y a deux semaines à Pontarlier. A Pontarlier, je ne suis pas rentré parce qu’au moment où j’allais le faire notre gardien a pris rouge, mais face à Angers j’ai joué mes premières minutes en National 3. Au poste de 10 pendant dix minutes, et milieu gauche ensuite. Le coach me préfère sous l’attaquant, en second « striker », pour que je bouge autour du 9, comme un neuf et demi.
C’est un super rebond pour toi…
Honnêtement, je suis très content, je sais qui si je fais une bonne saison ça peut déboucher sur quelque chose. Et puis je cherchais à avoir un peu de stabilité, parce que depuis Créteil, j’ai été à droite, à gauche… Après, si c’était à refaire, je referais tout pareil. C’est une expérience de vie. J’ai parlé d’autres langues, j’ai appris à m’adapter, j’ai vu d’autres styles de jeu, ... En Pologne par exemple, le jeu est très défensif et sans quasiment aucune individualité. Alors qu’en France, c’est plutôt l’inverse. Le jeu est porté par les individualités. On te demande d’éliminer en un-contre-un tout le temps. En Pologne, pas du tout ! En Espagne, c’est un peu pareil. Dans ces deux pays, c’est compliqué de s’imposer avec mes caractéristiques. Ils se disaient : il est bon, mais il perd beaucoup de ballons. Parce que j’aime le risque.
Augustin Delaporte
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