Jean-Pierre est supporter de l'AS Cannes depuis l'âge de 12 ans, il en a 55 aujourd'hui et ses premiers mots vont suffir pour comprendre l'attachement que ce passionné débusqué sur le groupe facebook "AS Cannes Forever" voue à son club. "Si j'ai loupé 10 matches à domicile depuis 43 ans, c'est vraiment le maximum", sourit-il au bout du fil. Il est cependant beaucoup moins heureux de nous annoncer qu'un départ vers une destination ensoleillée va l'empêcher de faire le court déplacement à Grasse samedi. "J'étais forcément dégoûté quand j'ai vu le calendrier mais c'est comme ça, préfère-t-il relativiser. Il a d'ailleurs déjà prévu, lors de l'escale à Amsterdam, d'appeler son fils, qu'il a lui-même converti à sa passion, pour prendre la température du derby à des milliers de kilomètres.

Julien supporte le RC Pays de Grasse (auparavant RC Grasse) depuis plus de vingt ans. "J'ai un peu tout connu avec l'équipe qui est restée de nombreuses années en DH avec Pedro Lara et Jean-Jacques Asso. Depuis que Loïc Chabas a repris l'équipe, je me suis rapproché encore un peu peu plus d'elle." La particularité de ce Grassois pur souche ? Il marche chaque jour sur son terrain fétiche puisqu'il est le gardien du stade de la Paoute. "Quand je regarde les matches de la N2 et fais les déplacements dans le Var ou à Martigues récemment en Coupe de France, ce n'est pas en tant que gardien du stade mais en tant que supporter. Je ne peux pas vivre le match si je travaille", rigole-t-il. Il se souvient du Grasse-Cannes d'avril 2016 en DH comme si c'était hier. "C'est la plus grosse affluence qu'on ait jamais eu au Stade (2000 personnes), au même niveau que contre Rodez (L2) en 16e de finale de Coupe de France la saison dernière."

Lors de cette fameuse saison 2015-2016, alors que Cannes file vers la montée, les Dragons font jouer un joueur suspendu contre Ardziv et se privent eux-mêmes d'une accession en CFA2. "Il restait quatre matches et il fallait quand même assurer en prenant les points", rappelle Julien excité par le retour du derby. Il n'y a pas d'antagonisme entre nous mais c'est un match à part. On peut parler de duel pour la suprématie du 06. Cannes, c'est le club historique, qui a joué en D1 (ex-Ligue 1) et possède un passé glorieux. Mais depuis 8 ans, on est le club amateur numéro 1 du 06 et on a cette petite fierté."

Une rivalité sportive qui renaît

Leader de la poule A de N2, l'AS Cannes traverse une période faste symbolisée par le rachat du club l'été dernier par l'homme d'affaires américain et producteur de cinéma Dan Friedkin. Barman dans un établissement situé en face de l'Hôtel de ville, Jean-Pierre a eu l'occasion de discuter de la reprise du club avec un des clients VIP, un certain Hervé Renard. "Hervé me disait et il n'a pas tort, que le sponsor numéro 1 du club, la Ville de Cannes et son maire David Lisnard, avaient le temps de vendre le club. Au fond, on ne sait pas vraiment pourquoi les Américains sont intéressés par un club de National 2. Le passé, le prestige ok mais il n'y a rien à gagner financièrement. Par contre, on sait que la mairie se battra toujours bec et ongles pour que l'AS Cannes garde le cap. On est positif quant au rachat, mais on est dans l'attente de voir. Place aux actes !"

Chez les pensionnaires de la Paoute, si les ambitions et la motivation sont intactes, le projet a été de miser sur un savant mélange de jeunesse et d'expérience en équipe première. La réussite d'une réserve composée essentiellement d'espoirs du club promue en Régional 1 a aidé en ce sens. Le RC Pays de Grasse met également en lumière sa pépinière à travers des interviewes "RCPG Next Gen" sur ses réseaux sociaux, marquant clairement sa volonté d'être un club formateur reconnu du département. "Les joueurs que l'on recrute viennent pour la plupart du bassin niçois, des Alpes-Maritimes. Il y a 20 ans, on était largement en-dessous au niveau des jeunes. Cannes, c'était des extra-terrestres. Petit à petit, on s'est structuré, le premier terrain synthétique est arrivé il y a 15 ans et les gamins ont commencé à se révéler. Aujourd'hui, on peut dire qu'il y a match entre nos équipes de jeunes", estime Julien.

Si Cannes avait des U19 Nationaux jusqu'à la saison dernière, ce sont les U18 de Grasse qui évoluent au plus haut niveau régional et viennent d'éliminer ceux des Dragons. L'AS Cannes n'a pas mis de côté de sa volonté de former, en témoignent les bons résultats de son équipe réserve leader de R2 mais au vu de ses nouveaux moyens, des joueurs de grande qualité et d'expérience sont amenés à rejoindre la Croisette dans les prochains mois ou années. Trouver l'équilibre avec la formation sera une tâche ardue mais pas impossible. Par rapport à eux, on est le Petit Poucet. La place de Cannes n'est pas en N2 alors que nous, on est à notre place. Cela ne nous empêche pas de jouer avec nos valeurs et d'avoir l'ambition de monter. Notre staff est identique depuis 8 ans et j'insiste vraiment sur lui car je vois tellement de clubs comme Hyères, Fréjus ou Toulon qui changent tout le temps mais finissent à chaque fois derrière nous."

Un derby très serré ?

S'il ne sera pas dans le pourtour réservé aux supporters cannois, Jean-Pierre a bien un avis sur ce derby très attendu, d'autant que les deux Azuréens de N2 se sont inclinés pour la première fois lors de la journée précédente : "Je le sentais bien jusqu'à maintenant mais le match contre Bourgoin-Jallieu à domicile (défaite 0-1) a été compliqué alors... Ce n'est pas qu'on n'a pas vu notre équipe de d'habitude, mais l'adversaire nous a pris à la gorge pendant 90 minutes et on n'a pas réussi à développer notre jeu. Notre terrain, c'est un golf, un billard. Je pense que c'est un joyau pour les joueurs. Samedi, il pleuvait à torrents et il n'y avait pas une flaque d'eau. Ca valait le coup de payer ce prix-là ! Mais sur ce match, nos joueurs techniques n'ont pas réussi à se mettre en évidence et on s'est pris un but sur leur seule occasion du match. Cependant, il ne faut pas tout noircir, l'équipe était sur une série exceptionnelle depuis depuis la saison dernière (dernière défaite le 18 mars en Balagne)."

"On a perdu beaucoup de joueurs cadres par rapport à la saison dernière et ça laisse la place à de nombreux jeunes pour s'exprimer. Le staff travaille tellement bien qu'on a réalisé un super début de championnat mais à Aubagne (défaite 3-0), il nous manquait 8 joueurs", souligne Julien, au sujet des pépins physiques qui touchent le RCPG. Concernant le derby, selon lui "il ne faut pas négliger l'aspect points car entre deux clubs qui jouent les premières places, ils vont compter." Et d'ajouter : "S'il y a un vainqueur, il aura un impact psychologique pour la suite du championnat."

Interrogés sur leur pronostic pour le derby, le Cannois Jean-Pierre imagine une partie très serrée : "Grasse est très costaud sur son terrain, c'est une équipe expérimentée qui joue en N2 depuis des années, ils sont toujours près de monter. Les deux équipes vont vouloir au moins assurer le nul. Je pense qu'un 0-0 ou un 1-1 serait un bon résultat." Julien lui se satisferait d'une victoire 1-0 avec un but avant l'heure de jeu. "Ensuite, on ferme le coffre-fort à double tour. On ne va pas faire du Hourra football quand même !" Rendez-vous à la Paoute sur les coups de 20h pour savoir qui voyait juste !