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26 février | 12h00
Guy Lacombe : "L'appel de balle c’est la clé du football"
Toujours aussi passionné, Guy Lacombe s'est longuement confié sur sa philosophie du football et le projet de jeu qui lui a permis de positionner l'AS Cannes au sommet des clubs formateurs français au coeur des années 90. Retrouvez sa masterclass sur MyCoach TV.
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Vous faites partie des premiers contributeurs de la plateforme MyCoach TV, pour laquelle vous avez développé la notion de projet de jeu. Comment et pourquoi avez-vous décidé de participer à cette aventure ?
Si je devais donner un mot clé, ce serait la transmission. C’est, je pense, ce qui anime tous les entraîneurs, enfin c’est comme cela que j’ai toujours appréhendé ce métier. Dans le parcours d’un joueur ou d’une joueuse, le coach est juste la personne qui est présente au bon endroit et au bon moment pour l’aider à poursuivre du mieux qu’il soit son chemin sportif, mais aussi humain. Cet aspect est primordial, car si l’on parvient à toucher l’humain, on fait toujours avancer le sportif. J’ai été entraîneur de 1989 à 2013, toujours avec cette envie de transmettre ce que j’avais pu apprendre et ressentir durant mon parcours de joueur. Puis de 2013 à 2019 je suis devenu entraîneur national au sein la FFF et j’ai eu la même démarche avec les entraîneurs que j’ai pu accompagner. Je suis aujourd’hui à la retraite et j’ai refusé pas mal de sollicitations depuis deux ou trois ans. Mais ce projet était différent. Déjà, il m’a été présenté par l’un de mes anciens joueurs du centre de formation de l’AS Cannes, il y avait donc un aspect affectif. Mais au-delà de ça, il y a cette idée de transmission au sens large que porte MyCoach TV. C’est ce qui m’a convaincu.
Voir des joueurs que vous avez formés ou entraînés devenir coachs à leur tour doit avoir une résonance particulière non ?
Avoir fait partie de ceux qui ont pu leur transmettre cette vocation est une vraie fierté en effet. D’autant plus que mon passage à la DTN m’a permis d’accompagner de jeunes entraîneurs que j’avais formés en tant que joueurs à l’AS Cannes. Yazid en fait partie (Yazid est le second prénom de Zinedine Zidane, ndlr) et c’est forcément une fierté de l’avoir accompagné à différents étapes de son parcours.
Même très jeune, Yazid (Zinédine Zidane) bonifiait ses coéquipiers. L’équipe jouait mieux quand il y était que quand il n’y était pas. Il avait cette qualité qui laissait déjà entrevoir le coach qu’il pourrait être plus tard.
Des étapes fondatrices puisque vous l’avez formé comme joueur à l’AS Cannes, puis comme coach à la DTN…
Je dirais plus que j’ai eu la chance de l’accompagner dans ses périodes de formation… Parfois on est surpris de voir un joueur que l’on a dirigé devenir coach et parfois pas du tout. Il y en a dont on sait très vite qu’ils ont le profil pour devenir entraîneurs par la suite et d’autres pour qui c’est moins évident. Un joueur de haut niveau doit avoir une part d’individualisme pour réussir. Le rôle du coach est de mettre cette individualité au service du collectif et ce n’est pas toujours évident. Il y a des joueurs chez lesquels on ne perçoit pas au départ cette volonté de transmettre, mais qui finissent par l’avoir au fil de leurs expériences et de leur évolution. Le concernant, après son exceptionnelle carrière de joueur et de par ce que je connaissais de l’homme, de sa personnalité, je me suis demandé au départ pourquoi il voulait devenir entraîneur. Je me suis posé cette question, mais en y réfléchissant j’ai très rapidement eu la réponse.
Et quelle était cette réponse ?
En fait c’était évident qu’il était fait pour ça, car en tant que joueur il faisait jouer les autres. Et ça, personne ne lui a appris à le faire. C’est une caractéristique qu’il avait déjà à son entrée au centre de formation, c’était en lui. Même très jeune, Yazid bonifiait ses coéquipiers. L’équipe jouait mieux quand il y était que quand il n’y était pas. Il avait cette qualité qui laissait déjà entrevoir le coach qu’il pourrait être plus tard. On y ajoutant ses qualités humaines, mais aussi ses qualités de manager, on obtient forcément un excellent coach. Son passage sur le banc du Real Madrid en a largement apporté la preuve…

Guy Lacombe lors de sa première expérience d'entraîneur avec l'équipe réserve de l'AS Cannes en 1989, au sein de laquelle évoluaient Zinedine Zidane et David Bettoni.
Le voir à la tête du Real Madrid avec comme adjoint David Bettoni, que vous avez également formé à l’AS Cannes, ça a dû être quelque chose de fort pour vous !
J’ai eu cette immense joie en effet de voir ces deux joueurs formés à l’AS Cannes embrasser ce destin incroyable. Déjà sur le terrain ils étaient complémentaires, mais en dehors aussi, en témoigne l’amitié qu’ils ont toujours entretenue depuis cette période cannoise. Nous nous sommes retrouvés tous les trois à Madrid il y a quelques années. Nous étions dans un ascenseur de Santiago-Bernabeu et je leur ai dit : "Les gars il faut se pincer là ! Si on nous avait dit ça à l’époque…".
Sur MyCoach TV on peut d’ailleurs retrouver le projet de jeu que vous aviez mis en place lors de vos débuts à la formation de l’AS Cannes…
Effectivement, c’est un projet de jeu sur lequel j’ai travaillé en 1989 et qui a été ma base de travail. Je l’ai par la suite peaufiné au gré de mes expériences et de l’évolution du football, qui a beaucoup changé en trente ans. Quand je suis passé à la DTN j’ai essayé de l’adapter aux enjeux du football moderne pour communiquer et échanger avec les entraîneurs que nous accompagnions à l’époque. Mais son principe de base est resté le même : les appels de balle permettent le jeu et déclenchent la passe. L'appel de balle c’est la clé du football. Ce projet de jeu a été la base de tout notre travail à l’AS Cannes et cela nous a plutôt bien réussi à l’époque, car en six ans nous étions passés de la quarantième à la première place dans le classement des meilleurs clubs formateurs de France.
Exclusivité MyCoach TV : le projet de jeu de Guy Lacombe
Rappelons en effet qu’en 1995 l’AS Cannes enchaînait les titres au sein des championnats nationaux de jeunes et remportait également la Coupe Gambardella… En quelques années le club a formé des dizaines de joueurs professionnels, dont certains internationaux comme Zidane, Vieira, Frey, Escudé, Zebina...
Cela paraît fou de dire cela aujourd’hui… J’ai lu récemment un article sur Villarreal. On parle d’un club d’une ville de 50 000 habitants, qui a remporté l’Europa League la saison dernière, qui participe actuellement aux 8es de finale de la Champions League et dont la philosophie de jeu et le management sont dictés directement par le président, avec une vision du club basée sur la formation. J’ai été très sensible à cet article car c’est exactement ce que je voulais faire à l’époque à l’AS Cannes. Mais moi je n’étais qu’entraîneur… Il nous aurait fallu à un président à la hauteur de ce challenge. Bien entendu il nous aurait aussi fallu évoluer avec le temps, mais Villarreal prouve aujourd’hui que cette vision n’était pas une absurdité.
Parlons un peu de vos influences, le Brésil 70, Coco Suaudeau, Daniel Jeandupeux…
Je me suis nourri de la majorité des entraîneurs que j’ai pu croiser dans ma vie, mais ces trois références sont très importantes pour moi en effet. Le Brésil 70 c’est un rêve d’adolescent, l’équipe de football ultime avec un génie comme Pelé en figure de proue. Je pense que beaucoup de passionnés de ma génération sont capables encore aujourd’hui de citer tous les joueurs de cette équipe et de parler de chaque match qu’elle a joué durant la Coupe du Monde au Mexique. Coco Suaudeau c’est le fameux jeu à la nantaise que j’ai eu la chance de pratiquer puisque c’est au FC Nantes que j’ai débuté ma carrière de joueur. C’est ce jeu de mouvement permanent et d’intelligence qui m’a beaucoup influencé par la suite dans ma vision du football. Quand j’évoque l’importance des appels qui provoquent la passe, c’est de Coco Suaudeau que je tiens cela. Quant à Daniel Jeandupeux, qui était mon entraîneur à Toulouse de 1983 à 1985, c’est lui qui m’a ouvert l’esprit sur la lecture d’une équipe adverse et sur la défense en zone qui n’était ni plus ni moins qu’une fine utilisation des règles du football, notamment du hors jeu. Après l’avoir rencontré, j’ai regardé les matchs différemment.

Guy Lacombe a débuté sa carrière de joueur professionnel à l'école nantaise en 1976, il en a gardé l'influence durant son parcours d'entraîneur.
La défense en zone, qui a assez rapidement mis au placard le marquage individuel pratiqué autrefois, n’est-ce pas la plus grande évolution du football depuis vos débuts ?
Je pense oui. Pour moi la défense en zone c’est un jeu d’intelligence, c’est la mise de chaque joueur au service du collectif. Quand tu défends en zone tous les joueurs sont en lien les uns avec les autres, ce qui est un peu moins vrai avec le marquage individuel.
Cette évolution a complètement transformé le profil des défenseurs, notamment les centraux, auxquels on ne demande plus seulement de stopper les attaquants adverses, mais aussi d’être à base de la construction du jeu…
Oui, même si je suis un peu circonspect sur les qualités défensives des défenseurs d’aujourd’hui. Certes ils ont beaucoup progressé sur l’aspect offensif, sur la relance, mais c’est peut-être parfois un peu trop au détriment de leurs qualités défensives. Et puis n’oublions pas que même s’ils étaient jugés très rugueux, beaucoup de défenseurs de l’époque « marquage individuel » avaient aussi de grandes qualités techniques. Aujourd’hui on a tendance à les caricaturer, mais des gars comme Bernard Boissier ou Raymond Domenech, qui avaient la réputation d’être des joueurs très durs sur l’homme, comme on disait à l’époque, savaient aussi jouer au foot. L’ancien marseillais, Carlos Moser, aussi. Ces garçons se rassuraient par leur agressivité défensive, mais ils savaient aussi utiliser ballon. Aujourd’hui c’est un peu l’inverse. On a des défenseurs qui se rassurent à travers la relance, mais qui ne semblent plus avoir autant le goût du duel défensif, qui garde à mes yeux une part importante dans le football. Aucune équipe ne monopolise le ballon 100% du temps dans un match.
Quand je prenais un joueur formé à l’OL, j’avais la certitude de prendre quelqu’un de fiable sur le plan technique.
Révélation de cette saison à l’Olympique Lyonnais, Castello Lukeba semble avoir les deux aspects attendus du défenseur central, fin relanceur et bien présent dans les duels…
Effectivement. Sur l’aspect relance, il est issu de la formation lyonnaise donc ce n’est pas surprenant car ce club a un vrai savoir faire sur l’aspect technique. Il suffit de regarder le nombre et le profil des joueurs qui sont sortis de Lyon pour le constater. Quand je prenais un joueur formé à l’OL, j’avais la certitude de prendre quelqu’un de fiable sur le plan technique. Par contre, cela demande à être vérifier avec précision, mais peu de défenseurs centraux sont sortis de la formation lyonnaise en comparaison aux milieux de terrains ou aux attaquants que ce club a pu révéler.
Le jeu du gardien de but a également beaucoup évolué avec la zone, encouragé aussi par l’interdiction de la passe en retrait. Aujourd’hui on voit même des entraîneurs, comme Jorge Sampaoli, utiliser le gardien presque comme un onzième joueur de champ…
Oui et c’est une chose à mettre à son crédit. Même si c’est la tendance de voir des gardiens de plus en plus à l’aise avec les pieds, même si ça se faisait de voir des gardiens de plus en plus sollicités dans le jeu, Guardiola leur demande beaucoup par exemple, je trouve que Sampaoli va encore plus loin. D’ailleurs beaucoup de coachs commencent à le copier sur ce point. Pour moi c’est quelque chose à creuser, à développer car c’est très intéressant. Quand on regarde bien il y a peu de prises de risques malgré l’impression visuelle que cela donne de voir un gardien à 20 mètres ou plus de sa surface. Je trouve que cela amène un plus dans la relance, une option supplémentaire pour toucher le milieu de terrain dans de bonnes conditions. Maintenant, on ne va pas non plus pouvoir en faire beaucoup plus sur ce point je pense. Au hand on peut enlever un gardien sur une action offensive, mais il peut aussi très vite revenir dans le jeu à la perte de balle. Au foot c’est quand même plus compliqué.
Les coachs savent qu’en resserrant l’axe du jeu il est beaucoup plus difficile pour l’adversaire de marquer des buts. Pour contourner un gros bloc défensif, c’est donc sur les côtés que cela se passe, c’est là qu’il reste encore un peu d’espaces à exploiter.
En 1989, vous avez construit votre projet de jeu en vous basant sur le système du 4-4-2. Vous rappelez sur MyCoach TV que cette base est totalement évolutive et adaptable à d’autres systèmes. Quel regard portez-vous sur la tendance actuelle des coachs à utiliser massivement une défense à 3 ?
À 3 ou à 5 (il sourit) ? C’est une question de point de vue selon moi. On sous-entend souvent que c’est une organisation plus offensive, mais cela dépend surtout des situations de match. En phase offensive on peut parler de 3-5-2 ou de 3-4-3, avec des latéraux qui sont des ailiers et un système jugé plus offensif qu’une défense à 4 par exemple. Mais à la perte du ballon c’est un 5-3-2 ou un 5-4-1 qui se forme, avec des latéraux qui défendent en plus des trois centraux. Prenons l’exemple du RC Lens, avec des latéraux très offensifs comme Clauss et Frankowski. On les voit très haut quand leur équipe a la balle, mais aussi proches de leurs défenseurs en phase défensive. Quoi qu’il en soit, c’est une organisation qui n’est pas nouvelle, mais elle devient actuellement une organisation de base. Cela répond selon moi à une problématique de recherche d’espaces. Les coachs savent qu’en resserrant l’axe du jeu il est beaucoup plus difficile pour l’adversaire de marquer des buts. Pour contourner un gros bloc défensif, c’est donc sur les côtés que cela se passe, c’est là qu’il reste encore un peu d’espaces à exploiter. Avec une défense à 4, vous pouvez avoir des latéraux offensifs, mais vous ne pouvez pas vous permettre qu’ils le soient en même temps. Avec l’ajout d’un défenseur central vous vous sécurisez et donnez plus de libertés à ces latéraux pour amener du surnombre sur les côtés.
Lors de la saison 2003-2004, vous avez d’ailleurs utilisé ce système avec une certaine réussite face au Borussia Dortmund en C3… (Sochaux s’était qualifié pour les 16es de finale en remportant le match retour 4-0 après un nul 2-2 à l’aller en Allemagne, ndlr)
C’est vrai. À Sochaux nous jouions en 4-4-2 ou en 4-2-3-1 en fonction des adversaires, mais quand on avait affronté Dortmund nous avions travaillé sur une organisation en 3-4-3 pour surprendre l’adversaire. Même si je n’étais pas un adepte de ce système, je pensais que c’était l’idéal lors du match aller face à Dortmund pour mettre mes joueurs dans les meilleures conditions. Nous l’avions travaillé en amont, mais c’est un travail de fond encore plus en amont qui nous avait permis de faire cela. Nous avions fait en sorte de mettre en place un système préférentiel, mais nous avions aussi beaucoup travaillé pour que l’équipe puisse s’adapter à des changements ponctuels. Car l’idée de base est que la surprise soit pour l’adversaire, pas pour nous-mêmes. Les joueurs savaient donc qu’ils pouvaient être amenés vers un autre dispositif selon les besoins et ils étaient prêts pour cela. L’objectif c’est toujours d’apporter un plus au collectif, sans le détériorer et dans une volonté d’efficacité.
Avec l’essor de cette défense à trois on voit aussi une évolution sur le profil des latéraux, souvent bien plus offensifs que par le passé. On voit aussi qu’en France on forme beaucoup moins de latéraux que ce centraux performants…
Je tempère un peu ce propos car en regardant bien on se rend compte que même dans un football utilisant majoritairement des défenses à 4 on avait des latéraux offensifs. Je rappelle qu’en 1982, Manu Amoros touchait presque autant de ballon que Michel Platini dans un match. Amoros attaquait beaucoup. Maxime Bossis, avec qui j’ai eu la chance d’évoluer à Nantes, était aussi très offensif. Il pouvait dribbler toute l’équipe adverse (il sourit). Aujourd’hui il est vrai qu’on regarde beaucoup les latéraux très offensifs, mais on souligne aussi régulièrement des soucis de replacement ou de qualités défensives pures. Et pour revenir sur la deuxième partie de la question, sur le nombre supérieur de centraux de haut niveau en France, on peut aussi évoquer que nous avons souvent misé sur la polyvalence des centraux. En 1998 nous avions Thuram sur le côté droit, en 2018 nous avions Pavard et Hernandez. Aurions-nous gagné ces deux coupes du Monde avec des latéraux de métiers, plus offensifs ? Difficile à dire mais nous savons que ces deux grands succès ont été bâtis sur une importante sécurité défensive. Cela peut traduire une tendance bien française qui peut expliquer ce déséquilibre. Maintenant, Didier Deschamps se tourne plus régulièrement vers une défense à 3, ça peut faire évoluer cette tendance, même si on a vu qu’il n’a pas hésité à mettre des centraux sur les côtés dans ce système.
Quand l’état d’esprit collectif d’une équipe est bon, elle prend peu de buts sur coups de pieds arrêtés et à l’inverse elle en marque beaucoup.
Quand on parcourt votre projet de jeu, outre ses principes de base et ce système de 4-4-2, on y trouve également une approche très détaillée des coups de pieds arrêtés défensifs comme offensifs. On sent que dès le départ de votre carrière de coach ces situations avaient une importance primordiale… Vous confirmez ?
À 100% ! Les coups de pied arrêtés, c’est clairement un domaine sur lequel l’entraîneur peur avoir beaucoup d’influence et apporter un vrai plus à son équipe. Pour moi c’était avant tout une question d’état d’esprit. Il faut que les joueurs soient tous prêts à travailler les uns pour les autres. Vous remarquerez que quand l’état d’esprit collectif d’une équipe est bon, elle prend peu de buts sur coups de pieds arrêtés et à l’inverse elle en marque beaucoup. Ensuite, c’est une question de stratégie et de travail. Et le champ d’action est vaste car vous pouvez travailler diverses combinaisons pour chaque type de situation, coup-francs lointains, excentrés, axiaux, corners… Cette réflexion vaut aussi pour les touches et dans ce document je détaille aussi pas mal de situations sur cette phase de jeu souvent négligée.
Lors de Chelsea-Lille en Ligue des Champions, Chelsea a ouvert la marque sur corner par Havertz, qui n’a été pris en charge par aucun défenseur lillois. On imagine que c’est le genre de situation qui vous aurait vraiment énervé…
Oui j’aurais pu être agacé par le manque d’attention portée à ce joueur. Mais quand on regarde bien, il ne s’est pas retrouvé seul par hasard sur cette action. Pour connaître Thomas Tuchel, je suis quasiment certain que ce corner avait été travaillé. Déjà vous avez Havertz qui se fait oublier avec une position de départ plutôt reculée. Ensuite, vous avez deux joueurs de Chelsea qui viennent bloquer Fonte et Botman, presque comme au basket, ce qui permet à Havertz d’arriver lancé et sans personne pour lui faire barrage. Enfin, vous avez aussi la passe exceptionnelle de Ziyech, quasiment un tir. Le ballon arrive tendu, Havertz n’a plus qu’à bien couper la trajectoire.
L’évolution viendra des joueurs, les performances d’aujourd’hui font souvent les influences de demain.
On l’a compris, bien qu’aujourd’hui retraité vous restez un observateur très attentif du football. Nous avons beaucoup parlé de jeu dans cet entretien, quel sera selon vous la prochaine tendance tactique du football ?
Je pense que la réflexion continuera de se porter sur la manière de contourner un bloc défensif dans un football de haut niveau de plus en plus précis avec les multiples apports technologiques dont bénéficie le sport. Quand on regarde un match de football aujourd’hui, on peut parfois avoir l’impression d’assister à un match de handball. Ce que je ressens, c’est que dans ce contexte la vitesse et la technique restent les axes majeurs pour apporter de la déstabilisation.
On peut selon vous aller encore plus vite avec plus de technique ?
Les entraîneurs vont continuer à creuser mais cela se fera aussi par la qualité des joueurs. L’évolution viendra des joueurs, les performances d’aujourd’hui font souvent les influences de demain. Messi et Ronaldo ont inspiré des joueurs comme Mbappé ou Salah qui à leur tour vont inspirer les attaquants de demain. Au milieu, un joueur comme Kanté est remarquable et peut aussi être très inspirant pour les générations futures. Il y en a d’autres aussi bien entendu, mais on voit que ce qui les unit c’est leur capacité à garder une excellente technique à grande vitesse. C’est aussi leur capacités athlétiques. J’ai la conviction qu’avec cette base un coach peut emmener un joueur très loin, car ça permet de travailler au quotidien pour l’aider à progresser. Et si le joueur a cette passion du football qui anime toujours les meilleurs, si l’état d’esprit est là, beaucoup de choses deviennent possibles. Enfin, je pense que la capacité d’un entraîneur et d’un club a construire une équipe autour d’un joueur clé demeure un facteur important. C’est ce qu’a fait le Barça avec Messi, avec un sacré résultat quand même. C’est aussi ce qu’a fait le Real avec Cristiano Ronaldo. Quand on a cette démarche, c’est que l’on met au premier plan la relation entre les joueurs. Vous pouvez acheter les meilleurs joueurs, mais s’ils ne se connectent pas c’est un échec. La relation entre deux ou plusieurs joueurs ne s’achète pas. Elle s’imagine et se travaille jour après jour.

La science du 4-4-2 par Guy Lacombe
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