Chaque mois, avec notre partenaire My Coach Football, nous partons à la
rencontre d’un éducateur, du monde professionnel ou amateur. Nous donnons
la parole à un coach pour connaître sa vision du football, et surtout, son
avis sur le rôle et le rayonnement actuel de l’entraîneur. Philosophie de
jeu, formation et coaching français : en toute transparence, ils livrent
leur opinion. Entretien avec Hervé Berni, entraîneur de la R2 de l'AS Vence.SON IDENTITÉ DE JEUSystème de jeu préféré (4-1-4-1) : Je trouve que c’est un système qui
permet de bien couvrir la largeur défensivement. J’aime bien travailler sur
des blocs de récupération assez haut et ça offre un premier gros rideau
défensif. Ça permet de récupérer pas mal de ballons dans le camp adverse et
de se projeter vite vers l’avant également.Coach français préféré : Je suis de moins en moins foot à la télé, mais
j’apprécie beaucoup un entraîneur comme Christophe Galtier. J’aime surtout
son côté très travailleur tout en restant très discret. Car en réalité, il
a réalisé du bon boulot de partout où il est passé, sans faire beaucoup de
bruit. Il arrive aussi à imprégner ses idées dans chaque équipe et même sur
le côté humain, ça doit être un super mec, ça se ressent.Coach étranger préféré : Ce n’est pas très original mais un mec comme
Guardiola ça reste exceptionnel. Surtout au niveau innovation, et dans le
sens, où il se remet toujours en question. Il arrive toujours à créer de
nouvelles choses qui parfois ne marche pas, mais au moins il tente. Il est
toujours dans l’ajustement, l’évaluation et il a un style vraiment
personnel. Après, c’est sur que c’est plus facile avec des joueurs de
grandes classes, mais ce qui prouve son talent, c’est que ça marche à
chaque fois.Principes de jeu : Le football que j’aime mettre en application, c’est un
football adaptatif avec une équipe intelligente. C’est-à-dire une équipe
qui va changer de méthode ou de tactique en fonction de la situation du
match. Bien sûr, tous les coaches du monde veulent faire du beau jeu, mais
moi ce n’est pas ma priorité. Je pense que la bonne équipe est celle qui
est capable de s’adapter au contexte ou à l’adversaire. Surtout en amateur,
il y a énormément de réglages à prendre en compte pour préparer une
rencontre. Dans un match, tout peut se passer. Si tu perds à la mi-temps,
tu ne vas pas donner les mêmes consignes que si tu gagnes 3-0, ou s’il y a
nul.SA VISION DU MÉTIERComment vous définiriez-vous en tant que coach ?Je dirais que je suis quelqu’un qui sait faire la part des choses. J’aime
le travail bien fait, je suis quelqu’un de très rigoureux, j’aime gagner
mais je sais aussi rigoler. Même dans mon coaching j’essaye de m’adapter à
chaque situation. Il y a le côté sportif et le côté humain, donc j’essaye
d’allier les deux pour être le meilleur coach possible.« Si demain, je n’ai plus de club, j’aurais toujours mon travail. »Comment votre vision du poste d’entraîneur a-t-elle évolué au fil des
années ?Ça fait 5 ans que je suis entraîneur, et ce que j’ai surtout remarqué,
c’est qu’il n’y a pas plus important que la force collective et que le
groupe reste toujours l’élément central du projet. Quand tu commences,
évidemment que tu veux des bons joueurs, mais quand tu présentes un projet,
c’est celui d’une équipe et pas d’un mec. Si tu n’as pas deux trois
individualités, tu peux avoir une bonne équipe de la part la force
collective. Quitte à prendre des jeunes qui vont bosser et qui apporteront
un plus au groupe.Est-ce qu’un entraîneur amateur et professionnel ont le même métier ?Au niveau Ligue 1 et Ligue 2, je dirais que c’est une autre dimension. Car,
il y a tout l’aspect médiatique, pression, image et le salaire aussi
(rires)… Après au niveau National, National 2, je pense qu’on fait le même
boulot. Il y a toutes les facettes que tu peux retrouver au-dessus. La
gestion du groupe, le contenu entraînement, la préparation des matches et
même encore plus car on doit gérer le côté vie privée de nos joueurs. Ce
dont je me suis rendu compte, c’est que les mecs comme moi peuvent vivre
sans le foot, et non ceux qui entraînent en pro ou semi-pro. Je suis coach
en R2 mais à côté, j’ai un métier. Si demain, je n’ai plus de club,
j’aurais toujours mon travail, ce qui n’est pas le cas pour un coach
professionnel.« Si tu en arrives à la vidéo ou au traqueur, c’est que tout le reste est
bien fait. »Justement, le foot amateur est à l’arrêt depuis de nombreux mois. Comment
faites-vous pour garder vos joueurs sur de bons rails ?Franchement, je pars du principe où les 4 mois qu’on a fait en début de
saison, c’est ce qui leur donne envie de continuer avec moi. Maintenant sur
cette période de confinement, j’ai préféré les laisser tranquille et ne pas
les solliciter pour rien. Je ne leur ai mis aucune pression tout en gardant
un lien très important. Je les contacte souvent, et je sais aussi qu’ils
s’entretiennent de leur côté. Si c’est pour les faire venir pour un
entraînement par semaine, c’est contre-productif et je ne veux pas prendre
le risque d’avoir des blessés. On va surtout essayer de faire une bonne
préparation cet été et on laissera toute cette saison derrière nous.Quel est votre avis sur les nouvelles technologies dans le foot amateur ?Parler de vidéo, de GPS, de préparation mentale, ce sont des choses
intéressantes, mais on en arrive à des détails. Au niveau amateur, on a
tellement de choses à prendre en compte et mettre en place avant d’en
arriver là que je pense que ce n’est que du plus. Si dans ton club, tout
est maitrisé, bien sûr que tu peux perfectionner en y ajoutant des outils,
mais il faut aussi le temps. Pour moi, si tu en arrives à la vidéo ou au
traqueur, c’est que tout le reste est bien fait, et que tu veux aller
encore plus loin. Et encore, il faut énormément de temps et de données à
prendre en compte avant leur utilisation. Un club comme Grasse peut se
permettre de le faire avec ses joueurs de N2 par exemple. Mais en amateur,
ça reste vraiment que du plus selon moi.LA FRANCEQue pensez-vous de la formation des entraîneurs en France ?Je suis très surpris par l’écart qu’il y a entre le discours et la réalité.
Évidemment, les formations sont très qualitatives et je me suis toujours
régalé avec le contenu. Mais au moment de la réforme ils avaient annoncé
que les diplômes proposés devaient être en adéquation avec les compétences
de celui qui le passe. Moi qui pense avoir le profil pour passer certains
diplômes, je ne peux pas aller au DES par exemple. Car il y aussi une
énorme adaptabilité à avoir pour les passer. Ça demande du temps, de
l’argent et ce n’est pas tout le monde qui peut se permettre de payer 25
000 euros pour une formation. Il y a énormément de freins qui empêchent
certains très bons coaches à aller plus loin et c’est pour cela qu’on ne
voit pas d’inconnus réussir dans des effectifs pros.« Il n’existe pas d’entraîneur sans principe et convictions personnelles. »Est-ce pour cela qu’il n’y a pas assez de coaches amateurs qui atteignent
le plus haut niveau ?À cet instant, évidemment que l’aspect diplôme est limitant car tout le
monde ne peut passer certaines formations. On sait aussi que le monde
professionnel, c’est un cercle fermé. Il faut avoir le filon et on voit
bien que la plupart des petits nouveaux sont des anciens pros. À ce
moment-là, c’est évidemment plus difficile de se faire une place qu’un
ancien joueur. C’est décevant, car je suis certain que de nombreux coaches
amateurs pourraient entraîner au plus haut niveau.Le président de l’OM, Pablo Longoria estime que « les entraîneurs français
n’ont pas de philosophie et de principes de jeu concret ». Qu’en
pensez-vous ?Logiquement, il n’existe pas d’entraîneur sans principe et conviction
personnelle. Tu as quand même énormément de coaches français qui ont eu des
résultats en rapport avec leurs principes de jeu. Il a peut-être voulu dire
que les français n’apportent pas d’innovation dans leur football ou leur
management, mais je trouve que ça ne tient pas trop la route. On ne peux
pas dire que Didier Deschamps n’a pas de principes de jeu concret, vu qu’il
a gagné de nombreux titres dont la Coupe du Monde avec. Peut-être que ce
n’est pas innovant mais ça a marché et ça continue de porter ses fruits.Ethan Raccah☟ CONTINUEZ VOTRE LECTURE ☟ Frédéric Ménini (AS Monaco) « On a la même passion mais pas le même
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