Pour clore notre dossier sur les attaquants, Hervé Revelli (30 sélections,
15 buts) a accepté d'intervenir sur le poste qu'il a occupé avec brio à
l'AS Saint-Etienne. Avant-centre des années 1960 aux années 1980, il est
aujourd’hui toujours le meilleur buteur des Verts.
Hervé Revelli, quel regard portez-vous sur l’évolution du rôle
d’avant-centre ?
Le poste d’avant-centre, il évolue c’est sûr mais plutôt en terme de
dimension physique. Avant, les centres avants étaient bien ciblés. Ils
étaient à 25/30 mètres des buts, ils ne bougeaient pas. Maintenant, il est
plus physique, il part de plus loin. Il faut vite se projeter. Le notre
était bien spécifique. On avait des ailiers ou déjà des latéraux qui
montaient, les couloirs étaient bouchés par eux. Moi, j’étais dans l’axe,
je ne bougeais pas mais on avait déjà un bon physique. Nous, à l’époque,
même les défenseurs nous disaient “nous, on défend, toi, va nous marquer des buts”. C’était les paroles qu’on se disait : “T’es fait pour marquer des buts, nous pour défendre”.
Être égoïste, est-ce que ça fait partie du rôle d’attaquant ?
Je suis un petit peu précurseur de ce côté là. Autant, je marquais beaucoup
de buts, autant j’en faisais marquer beaucoup aussi. Pour en avoir parlé
avec Bernard Lacombe, je lui disais c’est l’individuel dans le collectif.
Quand je peux, je marque quand je ne peux pas, je fais faire aux autres ce
que je ne peux pas faire. Avant on n’avait pas de stats, on ne comptait
pas. Mais j’ai fait marquer beaucoup de buts à mes partenaires. Salif Keïta
(140 buts avec les Verts) me disait que si je n’avais pas été là, il
n’aurait pas marqué autant avec l’AS Saint-Etienne. Souvent, ils se
reposaient sur moi. Je m’appliquais pour leur donner les ballons qu’il
fallait pour qu’ils frappent au but.
Quels entraîneurs vous ont le plus marqué ?
J’ai eu trois très grands entraîneurs dans ma carrière : Jean Snella,
Albert Batteux et Robert Herbin. Au début, Snella m’a dit “joue comme tu sais, joue simple”. Il m’avait dit une chose qui m’avait surpris : “Tu verras par la suite, le plus dur c’est d’être simple”. Je ne comprenais pas ce qu’il voulait dire. Mais à l’arrivée, quand je
remisais, pour tout le monde c’était simple mais pour moi c’était
difficile. C’est ce qu’il voulait me dire. Avant de recevoir le ballon, je
savais à qui j’allais le donner. Ca c’était difficile à faire. C’était
simple mais il fallait des heures d’entraînement pour le faire. Quand je ne
pouvais pas le faire seul, je le faisais pour les autres.
Aujourd’hui, comment vivez-vous la période difficile que traverse l’AS
Saint-Etienne ?
Bien sûr qu’elle est difficile. Il y a eu des ratés, il y a eu des
recrutements peut-être mal faits… Je lis les journaux, je les vois jouer.
Des fois, ils font des très bons matchs, puis après dans un match facile
ils passent à côté. Pour nous, les anciens de l’ASSE, c’est difficile et
pénible de voir ça. J’ai porté le maillot 17 ans. Je pourrais critiquer,
j’en aurais le droit mais je ne le fais pas. Ils sont à la peine à l’heure
actuelle, ils sont mal classés. Je pense qu’il ne faut pas tirer sur
l’ambulance tout simplement.
« Ce n’est pas possible que l’ASSE se retrouve dans les trois derniers à la
fin de la saison »Hervé Revelli
Êtes-vous inquiets pour les Verts cette saison (16ème de Ligue 1 à huit
journées de la fin) ?
Honnêtement, je pense qu’on va s’en tirer. Il faut arrêter de faire des
erreurs. Dans tous les clubs, on dit souvent que c’est les amis. Moi, je
parle de compétences premièrement. Dans le club de Saint-Etienne, c’est la
compétence qu’il manque peut-être, à certains niveaux en tout cas. Au
niveau de l’entraîneur, Claude Puel est à la hauteur, il n’y a pas de
problème. Dans tous les clubs que j’ai fait, l’AS Saint-Etienne, l’OGC
Nice, on était bien entourés. Comme dans tous les grands clubs. Je regarde
Paris, Lyon, je n’ai pas honte. Ce sont des clubs avec des gens compétents
avec un niveau élevé des compétences pour certains postes. L’amitié, les
connaissances, ils ne connaissent pas.
Pour en revenir à l’ASSE, je ne suis pas inquiet. Je connais les joueurs,
je connais les objectifs car je regarde pratiquement tous les matchs. Ce
n’est pas possible de se retrouver dans les trois derniers. On sera
peut-être pas loin de ces places là mais on n’y sera pas. Je sens que le
président a envie de sauver cette équipe là, il va tout faire pour. On
compte sur lui. C’est un amoureux de Saint-Etienne. Le mot que j’ai dit à
Roland Romeyer (président de l’ASSE), c’est qu’il faut qu’ils s’accrochent.