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25 mai | 20h00

Iliès Haddadji : « Le championnat luxembourgeois devient de plus en plus attractif »

A seulement 32 ans, Iliès Haddadji est le directeur sportif du RCFU Luxembourg dont l'équipe première va disputer la finale de la Coupe nationale du pays vendredi, contre le champion Dudelange. Pour Actufoot, l'ancien pensionnaire du centre de formation du FC Metz raconte son parcours et décrypte notamment la progression du football luxembourgeois.

EXPAT INTERVIEW

Avant d'entrer dans le vif du sujet, peux-tu nous rappeler ton parcours dans le milieu du foot ?

Il est assez classique. J'ai fait toutes mes classes au FC Metz où j'ai intégré l'équipe professionnelle tout en connaissant mes premières sélections avec l'équipe de France U20. Cela m'a permis de connaître les exigences du haut niveau rapidement. Ensuite, je suis parti au Qatar où j'ai passé un peu moins d'un an. C'était une très bonne expérience car, dix ans en arrière, le pays était en plein essor avec la Coupe du monde 2022 en ligne de mire. Il y avait plein de choses positives par contre, je me suis aperçu qu'à 22 ans et en sachant les ambitions que j'avais à ce moment-là, il était trop tôt pour moi d'y rester. En rentrant en France, j'ai signé à Bayonne. Ca ne n'est pas très bien passé pour des raisons administratives et c'est comme ça que je suis finalement arrivé à Luxembourg.

Plus précisément à Dudelange, qui était déjà en 2014 l'un des clubs phares du pays, non ?

C'est ça. Je le rejoins grâce à un de mes anciens coaches au FC Metz qui entraînait là-bas. Dudelange, c'est un club qui a un niveau très intéressant puisqu'il joue chaque saison les qualifications pour la Ligue des champions et a été qualifié deux ans de suite dans les groupes de l'Europa Ligue. Selon moi, il aurait largement sa place dans le premier tiers en N1, au même titre que d'autres clubs luxembourgeois.

Tu sillonnes les clubs du pays et stoppe ta carrière en 2019 avant même d'avoir 30 ans. Pour quelle raison ?

Vers 28 ans, j'étais miné par les blessures au genou. Elles ne me permettaient plus de m'entraîner cinq à six fois par semaine, donc j'ai décidé d'arrêter et de me consacrer à un nouveau challenge en embrassant le rôle de directeur sportif dans une division inférieure.

Si je dois comparer avec la France pour des joueurs amateurs, le package rémunération-travail est beaucoup plus intéressant à Luxembourg

Lequel ?

J'avais dans l'esprit de basculer rapidement sur ma reconversion donc j'ai effectué mes études en parallèle. Le FC Schifflange, où j'ai joué et qui est le club de la ville de mon ami Miralem Pjanic, m'a proposé de rentrer dans l'encadrement afin de faire monter le club à l'étage supérieur. Je m'étais fixé deux ans pour atteindre cet objectif et on l'a réalisé en deux ans. C'est comme ça que le Racing Union Luxembourg, qui est le club de la capitale et parmi les plus importants du pays, m'a contacté. Quand je suis arrivé en 2020, l'équipe première était entraînée par Régis Brouard (actuellement à Bastia en Ligue 2, ndlr) et nous avons réussi à nous qualifier pour les barrages de Conférence Ligue desquels nous ne sommes malheureusement pas sortis.

Ce vendredi, le RFCU Luxembourg dispute la finale de la Coupe du pays. Comment le club l'aborde-t-il ?

Cette année, notre classement (7e) n'est pas à l'image du potentiel de l'équipe. On a perdu beaucoup de points en chemin. Par contre, sur le parcours en Coupe, notre groupe a montré qu'il était capable de battre n'importe quel adversaire. On est en finale contre Dudelange et s'imposer nous permettrait de jouer le deuxième tour de qualifications pour la Conférence Ligue. C'est un enjeu important pour nous et pour le club. Il sera déterminant pour notre progression même si rien ne sera remis en question en cas de défaite.

De quelle façon le championnat semi-professionnel luxembourgeois se décompose-t-il ?

Il se divise en deux, si on parle de la première division. Il y a les clubs qui n'ont qu'une envie, celle de se rapprocher du monde professionnel, avec une structure juridique et des contrats de travail pour les joueurs, des entraîneurs à temps plein et l'ambition de jouer l'Europe. Certains clubs dont le nôtre avancent de cette manière tandis que d'autres équipes fonctionnent comme des clubs de National 2 en France avec des contrats amateurs.

A quoi ressemblent les grilles salariales en BGL Ligue ?

Cela dépend vraiment du budget des clubs. Cela peut osciller entre 1000 et 4000 euros en fonction du profil et du CV du joueur. Bien sûr, des clubs peuvent monter plus haut mais la fourchette que je vous donne est, je pense, la plus cohérente avec la réalité. Si je dois comparer avec la France pour des joueurs amateurs, le package rémunération-travail est beaucoup plus intéressant à Luxembourg.

Certains directeurs sportifs, même en Ligue 1, s'intéressent au football luxembourgeois et évoquent la possibilité de prêter leurs jeunes joueurs ici

Structurellement parlant, le Racing fonctionne de la même manière qu'un club professionnel ?

En effet. Nous avons une académie, une trentaine de coaches diplômés (UEFA C, UEFA A, UEFA Pro). Un peu moins de 500 jeunes parmi lesquels certains partent dans des clubs pros tous les ans (Metz, Mönchengladbach, Mayence, Standard de Liège). Ces clubs dans un périmètre assez proche du nôtre sont intéressés par nos meilleurs éléments qui jouent dans les équipes nationales du pays. Le football de jeunes commence d'ailleurs vraiment à se développer à Luxembourg. Les clubs et la Fédération poussent et ils en récoltent les fruits. Pour preuve, les U17 sont à l'Euro et ont réussi à sortir l'Angleterre de la phase de groupes. Au Racing, nous avons également une équipe féminine qui survole son championnat, une équipe futsal qui obtient de bons résultats et, bien sûr, notre équipe pro qui évolue dans un championnat compétitif. Notre ambition est de devenir l'une des références au pays tout en gardant notre ADN. On veut réussir mais pas de n'importe quelle manière. C'est pour cela que je m'attèle à trouver le bon mix entre expérience et jeunesse.

De ton point de vue, la France prête-t-elle de plus en plus attention à ce qui se fait ici ?

Je constate, de par mes échanges, que le championnat devient de plus en plus attractif. Certains directeurs sportifs, même en Ligue 1, s'intéressent au football luxembourgeois et évoquent la possibilité de prêter leurs jeunes joueurs ici plutôt qu'en National ou en National 2. Évoluer ici représente une bonne expérience pour ces joueurs. En jouant dans une équipe de première division potentiellement qualifiée pour les barrages d'une compétition européenne, ils gagneront en visibilité.

Tu parlais de Régis Brouard tout à l'heure et justement, sa première recrue estivale à Bastia débarque de BGL Ligue. Il paraît que c'est l'une des révélations de votre championnat...

Tout à fait. Régis est quand même un entraîneur qui connaît très bien les différents niveaux du football français et ce recrutement prouve qu'il y a beaucoup de talents ici. Il faut donner une chance à certains joueurs de s'exprimer ailleurs et pour prendre l'exemple de Kévin Van den Kerkhof qui va rejoindre Bastia en provenance de Dudelange, j'espère qu'il donnera grâce à ses performances l'opportunité à Luxembourg d'augmenter sa visibilité.

Un petit pays comme le Luxembourg doit être une plateforme, une rampe de lancement pour les joueurs qui n'ont pas eu leur chance dans le monde pro et nécessitent plus de temps pour l'atteindre

La sélection du Grand-Duché était souvent considérée comme une proie facile lors des matches internationaux où elle encaissait parfois de gros revers. La donne a changé puisqu'on l'a vue capable de battre le Monténégro en 2020, s'imposer en Irlande en 2021 ou encore être tout proche de tenir en échec la Bosnie en mars dernier.

En effet, au début la sélection nationale n'était composée que de joueurs évoluant au pays et le niveau, ici, était faible. L'équipe prenait souvent des scores lourds. A mesure que des joueurs luxembourgeois sont partis à l'étranger, elle a commencé à progresser et à se développer. Quand on regarde la liste convoquée pour les prochaines échéances, on voit qu'il y a quelques joueurs qui évoluent à Luxembourg plus des joueurs issus de championnats professionnels d'autres pays (Belgique, Allemagne). Un équilibre est en train de se créer et ça crédibilise beaucoup notre championnat. Le challenge est là, contribuer à l'attractivité de la BGL Ligue pour qu'il y ait d'autres Kévin Van den Kerkhof.

Être une sorte de championnat tremplin, en somme ?

Un petit pays comme le Luxembourg doit être une plateforme, une rampe de lancement pour les joueurs qui n'ont pas eu leur chance dans le monde pro et nécessitent plus de temps pour l'atteindre. L'exemple parfait, c'est les joueurs de National 1 ou National 2 qui peuvent parfaire leur formation, prendre de l'expérience dans le monde seniors afin d'être prêt pour repartir. Je pense sincèrement que le championnat peut être ce genre de tremplin.

Le Racing est-il susceptible d'être intéressé par des joueurs de National 1 voire National 2 ?

Bien sûr ! En réalité, on a des profils différents dans l'effectif. Par exemple, Régis Brouard avait fait venir Mana Dembélé qui a quand même joué une longue partie de sa carrière en Ligue 2. Souvent, ceux qui vont venir du monde professionnel en France vont plutôt venir en fin de carrière. Quand on parle de tremplin, cela concerne des joueurs qui ont 21, 22 ou 23 ans et débarquent du monde amateur (N1, N2) avec l'envie d'exploser et pourquoi pas, retrouver un challenge pro à l'étranger vers 25 ans.

Et à titre personnel en tant que jeune dirigeant, aspires-tu à exercer tes fonctions dans un championnat professionnel. En France, par exemple ?

Ce qui est clair, c'est que le football professionnel m'attire. J'ai des ambitions et c'est pour cela qu'en ce moment, je passe mes diplômes en management du sport auprès de la FIFA. Un diplôme que de nombreux directeurs sportifs ont passé et qui représentent des sources d'inspiration pour moi. Aujourd'hui, je suis au Racing pour aider le club à se développer et je m'éclate dans ce projet. Mais j'aspire forcément à trouver un jour des opportunités en corrélation avec mes ambitions qui sont élevées.


Propos recueillis par Thomas Gucciardi

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