25 janvier | 14h34
Jean-Daniel Padovani : « J'avais besoin de volontaires pour le poste »
L'entraîneur des gardiens des Comores nous a raconté en exclusivité les coulisses de la folle journée de lundi vécue, de l'annonce de l'interdiction de jouer d'Ali Ahamada, à la désignation d'un joueur de champ dans les buts jusqu'à la prestation remarquable des Coelacanthes battus non sans difficulté par le Cameroun en 8e de la CAN.
Jean-Daniel, dans quel état émotionnel ressortez-vous de cette journée puis soirée complètement dingues ?
On est passé par toutes les émotions depuis deux, trois jours entre les tests positifs, l'interdiction de jouer d'Ali, le fait de devoir échanger avec les joueurs aptes pouvant potentiellement dépanner sur le rôle de gardien. Après, il y a eu le match avec notre arrivée tardive au stade, ce carton rouge... Mais notre première sensation est la fierté parce qu'on a réussi à faire quelque chose de beau et grand dans l'adversité. Même si on a perdu, on en ressort grandi et les marques de soutien nous ont énormément touchés. A titre personnel, mes gardiens ont été bons et ça représente également une fierté. On a beaucoup parlé pendant cette CAN de Ben (Salim Boina), que j'ai eu à Martigues pendant deux ans, suite à sa performance contre le Maroc. C'est la consécration de son travail. Idem pour Ali qui s'est entraîné avec nous à Martigues. Et hier soir, on a mis Chaker dans les buts qui a quand même fait un gros match et nous a apporté beaucoup de joie. On a fait quelque chose de fantastique et ça, personne ne pourra nous l'enlever.
Racontez-nous le moment où vous apprenez que le seul gardien apte à jouer Ali Ahamada, n'est finalement pas autorisé à jouer selon le nouveau point de règlement de la CAF instauré dimanche soir. Quels étaient les sentiments au sein de la délégation ?
De l'étonnement, de la frustration mais on s'est de suite re-mobilisé avec les personnes valides de la sélection en expliquant que les règles étaient faites ainsi et que j'avais besoin de volontaires pour le poste. Je voulais que ça vienne des joueurs. Ensuite, j'ai choisi Chaker et on a eu deux jours durant lesquels on a beaucoup parlé. Le jour du match, Ali est sorti négatif et il n'a pas dormi de la journée pour être prêt mais on savait aussi que la veille, la CAF avait sorti une nouvelle loi. On s'est dit que c'était assez gros parce que des Tunisiens avaient pu jouer dans ces conditions... Avec le staff, on est resté focus sur la préparation du match et moi précisément avec Chaker.
Pourquoi avoir choisi Chaker Alhadhur ?
Je voulais impliquer les mecs, je ne voulais pas choisir pour choisir. Il fallait leur présenter les bonnes ou mauvaises choses qui pouvaient se passer. Les joueurs ont échangé entre eux même s'il fallait aussi attendre la compo du coach que je connaissais, mais dont je ne pouvais pas dévoiler le contenu au groupe. Chaker, c'est quelqu'un d'extraordinaire et l'image qui va me rester dans la tête, c'est son sourire, sa joie, ce qu'on a pu créer ensemble. J'ai échangé avec lui et deux, trois autres joueurs. Je voulais que Chaker se pose les bonnes questions parce que faire un entraînement et faire un match devant 60 000 personnes, ce n'est pas pareil ! Il fallait quelqu'un qui n'ait pas honte, pas peur du ridicule. Il devait être prêt à faire des sacrifices et jouer haut sur le terrain pour participer au jeu.
Comment s'est déroulée sa formation accélérée ?
Je ne suis jamais rentré dans les détails à proprement parler du gardien. Juste deux, trois trucs comme dégager le ballon sur le côté, prendre le repère avec ton poteau pour savoir si tu es bien placé. A la fin du match, on a rigolé parce que je lui ai dis qu'avec un jour de plus, je lui aurais appris à pousser sur les jambes pour plonger et arrêter les frappes (rires). En tout humilité, je suis content parce que j'ai réussi au-delà de l'aspect tactique à lui faire avoir envie de jouer gardien. Et il s'est régalé ! Pour vous raconter, la veille du match, on s'est mis tous les deux dans les buts et on bougeait ensemble pour coulisser en bloc. C'était assez cocasse mais l'idée, c'était vraiment de se servir de lui comme un joueur de champ, un goal volant en fait capable de s'intégrer entre les deux centraux.
Quand je repense à Chaker avec son numéro strappé sur le maillot, il n'y a que ça qui me plaît. Sur la photo d'équipe, il n'avait pas les gants et lorsqu'il est venu me voir et que je lui ai donné les miens, il m'a dit : "Pado, je ne sais pas comment on met les gants, ils me serrent trop les mains". C'est quelque chose de fou et rien que le fait d'en parler, j'en ai des frissons.
Comme un gardien moderne en fait !
C'est ma vision du poste, c'est celle que j'essaie d'inculquer au PSG qui m'a recruté sur la pré-formation et que j'aspire à mettre en place au plus haut niveau. Pour un gardien habitué à jouer dans le champ, c'était encore plus facile en fait car il est habitué à avoir cette vision et possède la qualité de passe. A l'échauffement, je ne sais pas si cela s'est vu, mais on n'a pas mis de gardien dans les cages. Il y avait onze joueurs dans la conservation et c'est moi qui me suis mis dans les buts pour échauffer les frappeurs. On n'a pas voulu brouiller les pistes mais ça ne servait à rien de faire un échauffement de gardien à un joueur de champ. Ce n'était pas le but.
Chaker Alhadhur n’a pas posé un pied dans la surface de réparation durant l’échauffement. L’entraîneur des gardiens Jean-Daniel Padovani a joué les sparrings 🇰🇲 #CAN2021 pic.twitter.com/tMMCmdS2Kq
— Paul Lopez (@LpzPaul) January 24, 2022
Sa solide prestation a validé votre choix.
Avant le match, je me suis dit : "Putain, on va en prendre je sais pas combien". Et puis le match avance, et ça se passe bien. Quand j'entends Vincent Aboubakar, avec tout le respect que j'ai pour lui et pour le Cameroun, dire qu'on a menti parce que Chaker fait un arrêt de vrai gardien sur sa tête, j'ai envie de lui dire de bien se renseigner sur les joueurs qu'il affronte. Après, ce n'est pas grave mais quand on voit également la joie d'Eto'o, j"ai trouvé que ça manquait un peu d'humilité. Ou alors ils avaient vraiment peur de nous.
Le coup franc somptueux de Youssouf M'Changama a eu le mérite de les faire trembler jusqu'au bout...
On a essayé de faire notre maximum mais on reste un peu frustré et ça s'est vu à la fin je pense. Quand un arbitre doit sortir escorté d'un match contre les Comores parce qu'il a sifflé la fin du match dix secondes avant la fin du temps additionnel... On ne sait pas ce qui aurait pu se passer, parfois, il suffit d'un coup de pied arrêté pour marquer. C'est tout plein de choses qui nous font penser qu'il s'est passé des choses étranges, mais on a montré qu'on était plus fort que toutes ces conneries là et ce football "Circus". Quand je repense à Chaker avec son numéro strappé sur le maillot, il n'y a que ça qui me plaît. Sur la photo d'équipe, il n'avait pas les gants et lorsqu'il est venu me voir et que je lui ai donné les miens, il m'a dit : "Pado, je ne sais pas comment on met les gants, ils me serrent trop les mains". C'est quelque chose de fou et rien que le fait d'en parler, j'en ai encore des frissons.
Propos recueillis par Thomas Gucciardi
With all three of their goalkeepers unavailable, Comoros play the biggest game in their history with 5’7” left-back Chaker Alhadhur in goal 😳 pic.twitter.com/fJgNqXYwCo
— GOAL (@goal) January 24, 2022
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