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Interviews

30 octobre | 10h57

L. Nomenjanahary : « J'étais un peu dégoûté du foot »

Lalaïna Nomenjanahary, alias « Bolida », a pensé tout arrêter après son départ amer du Paris FC. Il s’est alors laissé le temps de la réflexion sur son l'île natale, avant de replonger en signant au Paris 13 Atletico. Avec un objectif clair en tête : faire bouger les choses au pays.

NATIONAL 2 N2 B PARIS 13 ATLETICO PARIS FC Lalaïna Nomenjanahary

Quand on pense à toi, on pense à la sélection bien sûr, mais aussi au PFC, où tu étais devenu un visage important. C’est un petit événement ton départ du club.

La vérité c’est que depuis que j’ai quitté le Paris FC, j’étais un peu dégouté du foot. C’est pour ça que j’ai fait une pause. Je pensais même arrêter. Pourquoi ? Parce que ma dernière année au Paris FC on m’a parlé de prolongation… (Pause) Tu me disais que je suis devenu « un visage important du Paris FC », mais je ne pense pas que si c’était le cas on m’aurait traité ainsi. Si je récapitule mon passage au Paris FC, je pense que je fais partie des rares joueurs restants, avec (Vincent) Demarconnay qui doit être le dernier, à avoir fait connaitre le Paris FC en Ligue 2. Sincèrement, avant, le Paris FC était un club comme les autres. Maintenant c’est devenu un club qui compte dans le championnat. Avec un statut. Quand je suis arrivé, l’équipe était proche de la relégation en National 2. Ils étaient dix-huitièmes au classement. Tandis que depuis plusieurs années on était collé aux trois premiers, on a été barragiste, et on a fait la montée en Ligue 2. J’ai participé à bâtir le Paris FC. J’y ai connu des moments durs et des moments formidables, comme les trois barrages (la montée en Ligue 2 en 2014-15, puis les barrages pour la Ligue 1 en 2018-19 et 2020-21), même si malheureusement on n’est pas monté. Tout ça pour dire que mon histoire avec le club est importante, je pense. Et que je ne méritais pas un départ comme ça… Pendant la saison, avant les barrages, on me faisait miroiter la possibilité de prolonger et quand on s’est fait éliminer on m’a jeté à la porte facilement.

Dans une interview accordée à Foot Mercato juste après ton départ, tu avais l’air surpris, mais sans cette aigreur-là. C’était de la langue de bois ou tu n’avais pas encore réalisé ?

Je ne voulais pas polémiquer. (Il revient ensuite sur son départ, NDLR) C’était peut-être lié au changement de coach, ou à une politique plus globale, mais par rapport à mon vécu je ne méritais pas ça. Ma dernière année à Lens, on m’a proposé un an pour me remercier de tout ce que j’avais fait. Ils m’ont fait la proposition et m’ont dit que c’était à moi de choisir. Après, Lens et le Paris FC c’est pas du tout pareil. Quand j’ai vu que Demarconnay avait prolongé, je me suis dit : mais c’est de l’irrespect, non ? C’est le foot d’aujourd’hui. Un jour tu es Bolida et l’autre tu n’es plus rien.

Pourquoi tu dis que Lens et le Paris FC, sont deux choses différentes ?

J’ai le sentiment que Lens respecte plus les anciens. J’avais été clair avec Paris, je voulais terminer ma carrière chez eux. Ça n’a pas été possible, ça m’a déçu, mais c’est surtout le fait que l’on me fasse croire à une prolongation qui m’a fait mal. D’autant que je ne voulais plus quitter la région parisienne. Je me plais ici et ma famille est installée. C’est vrai que je ne suis plus jeune, mais je connais mon corps et je ne veux pas perdre mon temps à expliquer que je peux encore jouer au foot.

Actufoot • Lalaïna Nomenjanahary PFC Icon Sport

Comment se sont déroulées les semaines qui ont suivi ton départ ?

Je me suis d’abord dit que je voulais faire une pause. Surtout que, en plus de cette histoire, il y avait celle de la sélection, où je n’étais pas appelé parce que je soutenais l’ancien coach. Tout ça réuni, c’était trop. Donc je me dis que je vais faire une pause pour me consacrer à ma famille. Ça fait quand même dix ans que je suis professionnel et que je voyage régulièrement. J’ai senti que ça commençait à traumatiser mes enfants le fait que je parte tout le temps. La veille j’arrive de la sélection et le lendemain il faut que je parte en déplacement avec le Paris FC. Je ne voyais jamais ma famille. Mes enfants me disaient : « Papa, tu vas où tout le temps ? Tu nous manques » Ça commençait à me peser. Ne serait-ce que pour aller aux toilettes, quand je me lève du canapé, mes enfants me collent pour me dire : « Tu vas encore partir ? » J’ai eu un déclic dans le cœur. Je me suis dit que j’allais faire une pause et rester avec eux, faire des vacances en famille, c’est pour ça que je ne veux plus quitter la région parisienne. Pour être près d’eux. Pendant les moments durs que j’ai traversés, il n’y avait que la famille qui était là pour moi. Quand j’étais blessé (les croisés au genou, NDLR), durant six mois il n’y avait que ma famille, ma femme et mes enfants pour me redonner le sourire.

C’est quoi le déclic pour y retourner ?

Je suis quelqu’un qui fonctionne à la confiance. Quand on m’en donne, je renvoie l’ascenseur. Et puis, pendant mes mois d’arrêt, j’ai beaucoup réfléchi, sur mon parcours notamment. J’ai vu qu’à Lens j’ai travaillé avec de la confiance, parce que les dirigeants faisaient attention à moi. Ils tenaient leur parole. Quand j’avais besoin de quelques chose, foot ou non, ils étaient toujours là pour moi. Et, quand j’étais à Madagascar, Fabien Valéri (l’entraîneur du Paris 13, NDLR) m’a contacté. C’est un coach qui a été entraîneur de la réserve au Paris FC et je faisais des matches avec lui à chaque fois que je reprenais de blessures. J’ai senti dans son discours de la confiance. Il me voulait vraiment dans son équipe. On a aussi eu une vraie discussion avec le président du Paris 13 (Frederic Pereira, NDLR). Tout ça m’a convaincu.

Chacun pense à ses intérêts, tant qu’untel touche pas d’argent le joueur est bloqué. J’ai vécu ça aussi. Ça fait pitié. C’est aussi à cause de ça que le football malgache est bloqué. Oui, on a eu des résultats à la CAN, mais avec essentiellement des expatriés qui sont déjà en France. Donc s’il y a un ou deux locaux que j’arrive à faire sortir, c’est déjà une victoire pour moi, et pour le pays.

Lalaïna

Vous avez notamment discuté avec le président de faire passer des tests au Paris 13 à des jeunes de Madagascar.

Oui, c’est vrai. Moi, je ne suis pas là uniquement pour mes intérêts. Donc dès que j’entends des choses comme ça… (Il réfléchit) À Madagascar, c’est compliqué. Pourtant, il y a de la qualité. On pourrait être comme tout le monde… Ça fait mal au cœur de voir des jeunes bloqués à Madagascar. Donc c’est un discours qui m’a parlé, c’est vrai. Si je peux aider les jeunes, même un peu, et essayer d’en faire venir… C’est vrai, on est en National 2, mais il y a quand même du niveau. Je serais heureux si ça se réalise et si j’arrive à faire sortir un ou deux joueurs. Ça serait déjà beaucoup pour moi. C’est une des raisons qui m’ont poussé à revenir.

Comment a germé ce projet ?

Certaines personnes de la sélection ont travaillé avec le président, par l’intermédiaire de sa marque (Skita, NDLR). On en a donc parlé. Je lui ai demandé : « C’est avec vous que les représentants de Madagascar ont travaillé ? » Parce qu’avant la CAN on cherchait des équipements. Il m’a expliqué pourquoi ça ne s’est pas fait à ce moment-là, et j’ai alors rebondi sur ça. Pourquoi ne pas retravailler avec la sélection puisqu’on n’a pas de marque ? Puis, il m’a dit : « Ecoute, si je travaille avec quelqu’un de confiance, pourquoi pas ! » A partir de là, la discussion s’est développée : « Si on est amené à travailler ensemble, ça ne vous embête pas de faire faire des tests à certains jeunes de Madagascar ? » C’est le point de départ du projet.

Tu as pensé à rejouer ou revivre à Madagascar ?

Justement, j’ai eu une discussion avec un ami très proche à moi à ce sujet. Il est président d’un club là-bas, et avant mon retour en France il m’a proposé d’aller jouer chez eux. Mon ancien club m’a aussi contacté pour un rôle de joueur qui encadre les jeunes - ce qui fait partie de mon projet aussi - mais je devais revenir en France par rapport au travail de ma femme. Qui sait à l’avenir ?

On a évoqué ton projet d’aider les jeunes à Madagascar. Tu peux nous en dire plus ?

Mon but aujourd’hui, c’est de pouvoir faire sortir quelques jeunes. Un, deux ou peut-être plus. Mais plus qu’à l’heure actuelle. A chaque fois que je rentre à Madagascar, je ressens ce qu’ils (les locaux, NDLR) ressentent au niveau du foot… C’est pour ça que je veux aider. Il y a de la qualité, mais c’est très compliqué pour eux de sortir de Madagascar. Chacun pense à ses intérêts, tant qu’untel ne touche pas d’argent le joueur est bloqué, etc J’ai vécu ça aussi. Si tu ne donnes pas d’argent à untel… Et plein d’autres choses. Ça fait pitié. C’est aussi à cause de ça que le football malgache est bloqué. Oui, on a eu des résultats à la CAN (quart de finale en 2019, NDLR), mais avec essentiellement des expatriés qui sont déjà en France. Donc s’il y a un ou deux locaux que j’arrive à faire sortir, c’est déjà une victoire pour moi, et pour le pays. On parle beaucoup mais rien n’est fait. Il y a des critiques, mais pas pour avancer. Ça tourne en rond et rien ne bouge vraiment. Il faut agir.

Actufoot • Lalaïna Nomenjanahary Paris 13

Pour en revenir au Paris 13, tu peux me donner tes premières impressions ?

J’ai été super bien accueilli ici, par les dirigeants et par tous les joueurs. Je connaissais déjà plusieurs jeunes passés par la réserve ou les U19 du Paris FC. Nous avons un bon terrain synthétique, tous les équipements nécessaires, … Je pense qu’il manque juste la victoire pour passer le cap. La victoire et être premier en fin de saison, tout simplement.

Quel rôle t’a proposé le coach ?

Déjà, d’apporter mon expérience. Ensuite, de me remettre à mon vrai poste, ma vraie place sur le terrain. Je suis un joueur de côté, voire un milieu offensif, mais depuis deux ans au Paris FC je me baladais entre la défense et un poste de milieu défensif. Je m’épanouis plus comme ça. Je me régale même.

Au point de t’inscrire dans la durée ici ?

On ne sait jamais ce qu’il peut se passer, mais je suis fidèle. J’ai fait cinq ans à Lens et cinq ans au Paris FC, pourquoi pas durer ici aussi ? Quitte à évoluer vers un autre rôle ensuite.

Augustin Delaporte

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