22 octobre | 17h25
Laurent Lauzun : "Accompagner les jeunes vers le haut niveau, tout en assurant leur équilibre personnel"
Laurent Lauzun, directeur du Pôle Espoir en Ligue Méditerranée, revient pour Actufoot sur son parcours, le rôle et les objectifs du Pôle Espoir ainsi que sa place au sein de la formation française. (Crédit photo : LMF)
Laurent, pouvez-vous nous parler de votre parcours avant d’arriver à la tête du Pôle Espoir de la Ligue Méditerranée ?
Comme beaucoup, d’abord pratiquant. J’ai évolué essentiellement au niveau amateur. À l’époque, j’ai pu un peu goûter à la D2 mais toujours sous licence amateur. J’ai évolué dans un club formateur, qui s’appelait la MJC d’Avignon, d’où sont issus quelques joueurs qui ont fait des parcours professionnels comme Laurent Paganelli ou Éric Di Meco. Je suis resté fidèle à ma région et à ma ville, puis j’ai basculé très tôt dans l’encadrement sportif à travers des formations dans l’entraînement des jeunes, notamment dans les centres de formation, puis dans la Direction Technique Nationale (DTN). Par la suite, j’ai eu l’opportunité, en étant diplômé, de rejoindre un club de Ligue 1 qui s’appelle le FC Martigues où j’ai entraîné au centre de formation les 15 ans et les 17 ans nationaux pendant 4 saisons. Puis j’ai rejoint le Sporting Club de Bastia en 1998 avec un parcours de 3 années en centre de formation avec l’encadrement des 17 ans nationaux. En 2001, j’ai rejoint la DTN dans la Ligue Rhône-Alpes sur un poste de conseiller technique départemental. J’ai œuvré pendant 7 saisons dans cette ligue-là, puis en 2008, j’ai rejoint le district du Vaucluse. En 2017, j’ai basculé conseiller technique régional du PPF. En 2018, j’ai été sollicité par la DTN pour être entraîneur adjoint en sélection nationale jeunes. J’ai goûté à toutes les catégories de U16 à U19 avec le suivi de trois générations : 2000, 2004 et 2008. Enfin, en 2021, j’ai pris le poste vacant de directeur du Pôle Espoir. Cela fait donc une trentaine d’années que je suis à l’encadrement ou dans les structures.
Quelles sont vos principales missions en tant que responsable du Pôle Espoir ?
Elles sont variées. Les plus importantes, de façon globale, c’est d’abord la coordination du staff, puisque nous sommes une quinzaine de personnes à graviter autour des enfants. Il faut aussi assurer les relations avec les différents partenaires institutionnels comme l’État, l’Éducation Nationale et les instances du football comme la fédération et la ligue. Il faut aussi assurer les relations avec les différents acteurs comme les jeunes, les parents, les clubs qui, au quotidien, prennent de l’ampleur sur nos missions. Ensuite, il faut s’assurer avec le staff présent de la programmation des contenus, du suivi des joueurs et s’assurer, de façon globale, du bon fonctionnement de la structure.
Quel est l'objectif principal du Pôle Espoir pour les jeunes talents que vous accompagnez ?
C’est de les préparer à une éventuelle intégration dans un centre de formation et d’acquérir toutes les capacités pour en faire leur futur métier. Mais surtout, les préparer aux exigences liées à cette orientation et à tous les niveaux. L’objectif, c’est aussi d’assurer leur équilibre et leur épanouissement personnel, parce que ce sont avant tout des adolescents qui quittent une structure familiale et qui ont besoin d’être rassurés. Nous devons aussi les accompagner au mieux dans leur parcours de jeunes citoyens, puisque nous participons avec les parents à leur éducation au sens large du terme. Nous les accompagnons également en tant qu’élèves. Nous les aidons à progresser à la fois sur le plan sportif et à acquérir tous les éléments qui peuvent les aider à assumer leur statut de jeunes sportifs de haut niveau.
Comment le Pôle Espoir sélectionne-t-il les jeunes joueurs ?
Les premières étapes débutent au sein des départements dans les districts où chaque équipe technique départementale repère les meilleurs profils. Il y a différentes étapes qui sont organisées à partir du mois d’octobre jusqu’au mois de janvier pour le niveau départemental. Puis il y a une convocation des meilleurs profils au niveau régional, avec plusieurs journées pour affiner l’observation et commencer à avoir un regard sur le jeune citoyen qu’est le joueur et sur le dossier scolaire. Les garçons sont convoqués sur des journées ou des demi-journées pendant les vacances scolaires et à partir de là, on dégage un groupe que l’on convoque pour enfin déterminer une liste de 18 heureux élus qui rejoindront le pôle en septembre. L’année dernière, il y avait à peu près 1200 jeunes qui ont été repérés sur l’ensemble du territoire de la Ligue plus celui du Gard, pour 18 sélectionnés.
Quels sont les critères les plus importants ?
Pour nous, c’est le comportement, l’attitude, l’entourage. Ce qui est important aussi, c’est le bulletin scolaire, les appréciations surtout, mais nous regardons aussi les notes. Bien entendu, il y a aussi le potentiel sportif avec la technique, la réflexion, la maîtrise de soi et la répétition des efforts.
Pouvez-vous nous décrire une journée type pour un joueur du Pôle Espoir ?
C’est une journée très dense qui commence assez tôt. Il y a six points importants dans la journée. Le premier, c’est celui du réveil et du petit-déjeuner à 6h30. Puis il y a la scolarité de 8h30 à 13h30 suivie d’un temps d’étude d’une heure. Ensuite, on bascule sur l’entraînement jusque 17h. Puis il y a un temps de gestion personnelle où le garçon va chercher ses besoins comme des soins, de la relaxation, du soutien ou de la détente. Enfin, après le repas, il y a un temps libre jusqu’à 21h qu’ils attendent avec impatience, puisqu’il y a l’accès au téléphone (rire).
Comment accompagnez-vous le développement personnel et scolaire des jeunes, en plus de leur progression sportive ?
La scolarité est un élément important à cet âge-là, il ne faut surtout pas les couper de cette réalité. Nous avons la chance d’avoir un référent scolaire et éducatif qui accompagne le staff. Il intervient auprès du collège pour connaître tout ce que fait l’enfant et pour repérer les besoins de chacun. Il peut intervenir pour du soutien, dans lequel l’enfant peut travailler de façon plus personnelle. Nous avons certains professeurs qui assurent aussi des cours de soutien de manière indépendante de leur cours. Nous avons une psychologue qui assure des entretiens personnels et en groupe pour leur permettre d’appréhender le monde du sport de haut niveau. Nous avons aussi un staff médical, qui est présent tous les soirs au Pôle. Nous avons un docteur référent pour le suivi des garçons. Nous avons un kiné qui est présent tous les soirs pour les soins, en plus de la présence deux fois par mois d’un podologue et d’un ostéopathe. On veut amener l’enfant à être à l’écoute de son corps et à communiquer sans crainte de dire qu’il a une blessure par peur de quitter le Pôle.
L'attitude est plus importante que le talent
Laurent Lauzun
Quelle est la relation entre le Pôle Espoir et les clubs professionnels de la région ?
La relation est plutôt saine et cohérente, le fonctionnement est bon. Nous avons des échanges avec les différents responsables du recrutement et de la formation. Nous échangeons sur les joueurs, ceux qu’ils ont déjà dans leur structure ou ceux qu’ils souhaitent recruter. On partage nos sentiments, nous leur donnons des références sur nos jeunes joueurs, sur leur avenir et leur orientation. Nous essayons, les uns et les autres, de privilégier au mieux l’intérêt du jeune dans son choix final. Le plus important, c’est que le jeune joueur réussisse et qu’on lui permette d’accéder au haut niveau.
Quel est le taux de réussite ou de progression des joueurs formés au Pôle Espoir ?
Nous avons une structure qui alimente les centres de formation de façon conséquente. Nous sommes en moyenne à 60 à 70 % de jeunes qui intègrent un centre de formation à l’issue de leur parcours dans la structure. Cela dépend des générations, mais nous sommes quand même assez représentatifs en termes d’orientation au niveau national. Nous devons être sur le podium des structures de pôle qui permettent l’accès aux jeunes à des centres de formation. Cela ne veut pas dire qu’ils vont tous devenir professionnels, mais nous sommes bien placés sur la première orientation.
Comment évaluez-vous le niveau du football dans la région Méditerranée chez les jeunes ?
Je pense que la Ligue Méditerranée est une ligue qui donne la possibilité aux joueurs de bien progresser. Nous avons pas mal de clubs qui évoluent à de bons niveaux régionaux et nationaux, que ce soit en U17 et en U19. Ils vivent des compétitions de bons niveaux avec une certaine intensité et du rythme. La ligue est un bon pourvoyeur de futurs bons joueurs et de joueurs professionnels.
Quel est, selon vous, le plus grand défi pour un jeune footballeur talentueux aujourd'hui ?
On parle beaucoup du talent, c’est important, il faut en avoir, mais si je reprends une citation connue d’un grand coach : « l’attitude est plus importante que le talent ». Nous observons vite que le fonctionnement et le comportement du joueur ont un impact important pour réussir. Nous sommes donc très exigeants sur cette notion, pour que ça devienne une bonne habitude. Se reposer uniquement sur son talent, cela peut devenir compliqué au bout d’un moment. Il faut à la fois entretenir le potentiel mais aussi comprendre tout ce qui gravite autour du terrain. Il faut gérer ses émotions au quotidien, ce n’est pas toujours évident. Bien gérer son corps, sa préparation.
Enfin, quelle est votre vision du rôle des Pôles Espoirs dans le développement du football français ?
Je pense que c’est un rôle important. Si la DTN et la Fédération ont donné une dimension importante à ces structures, c’est parce qu’ils y ont senti un intérêt. Nous connaissons la réputation de la formation française, les Pôles sont reconnus pour leur capacité à accompagner les jeunes talents dans les dimensions sociale, scolaire et sportive. L’encadrement est de qualité, les staffs sont bien formés. Si les structures sont bonnes, la recette peut bien prendre. Les Pôles sont des structures de proximité pour les jeunes qui n’ont pas à parcourir des kilomètres pour pouvoir s’entraîner. Ils rentrent chez eux le week-end dans leur famille. C’est une garantie pour que l’équilibre mental soit là. Cela permet aux meilleurs potentiels de travailler entre eux et cela crée de l’émulation, ce qui amène du progrès. Nous avons vu que dans l’équipe championne du monde 2018, 30 % des joueurs étaient issus d’un Pôle Espoirs.
Arnaud Malaterre
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