Neuf mois quasiment jour pour jour après avoir quitté son poste de
responsable de la formation de l'US Boulogne Côte d'Opale, Franck Caron (à
droite) s'est engagé avec le Stade Portelois. Fort d'une expérience de cinq
ans au sein du club rouge et noir, ce professeur d’EPS, qui était également
coach des U19 Nationaux de l'USBCO, porte un regard critique sur la
formation dans le Boulonnais. Selon lui, les jeunes de la région ne se
doivent pas de quitter les Hauts-de-France pour percer ailleurs. C'est
justement cette politique qu'il va s'efforcer de mettre en place au sein de
son nouveau club. Entretien.En septembre 2019, en raison de divergences de points de vue avec la
direction, vous avez quitté l’USBCO. Comment avez-vous abordé cette saison ?Depuis mon arrêt volontaire de Boulogne, j’étais un peu en stand-by. Mais lorsque j’ai pris cette décision, je n’ai pas arrêté dans le but de
faire autre chose. Donc au cours de cette saison, je n’étais pas
particulièrement à la recherche d’un nouveau projet. Je ne voulais pas
repartir sur un projet qui n’était pas totalement clair. Car quand on
reprend en cours d’année, généralement c’est qu’il y a un souci. Je n’étais
pas malheureux, au contraire. Cette coupure m’a permis d’aller voir des
matches pour la première fois depuis que j’ai entamé cette carrière
d’entraîneur. J’ai pris les choses du bon côté. Le Covid arrivant, je me
suis dit que ça allait être compliqué de retrouver quelque chose avant la
fin de la saison. Et puis s’est présentée l’opportunité du Stade Portelois.Pourquoi avoir choisi de vous engager avec le Stade Portelois ?Je connais bien le président Denis Maillard. Je connais aussi pas mal de
monde au niveau du comité directeur et j’ai toujours entretenu de très bons
rapports avec Vincent Ehouman (manager général et entraîneur de l’équipe une du Portel, ndlr). De toute façon, en étant responsable de la formation de l’US Boulogne, je
me devais d’avoir de bonnes relations avec les entraîneurs des clubs
alentours. Le changement d’orientation de l’équipe première du Stade
Portelois a fait que le président m’a contacté il y a une dizaine de jours.Lire aussi : Ancien responsable de la formation à l’USBCO, Franck Caron rejoint le Stade
PorteloisQuel a été son discours ?Il m’a dit : « on s’oriente vers quelque chose de différent, quelque chose
où les jeunes auront une place importante. Toi, tu es libre, tu es
quelqu’un de compétent, alors on pourrait réfléchir à un projet commun ».
J’avais, de mon côté, une idée de projet que je voulais déjà mettre en
place à Boulogne. Alors ça a été naturel pour moi de le leur présenter. Je
pense qu’on s’est bien trouvés. Le club, partant sur un nouveau concept, a
jugé opportun de me solliciter. Et moi je voulais établir ce projet dans un
club cohérent comme l’est celui du Portel. Ce n’était peut-être pas prévu,
mais ça s’est bien goupillé.Quelles seront vos missions dans ce nouveau club ?Mes missions ici seront assez larges. La principale sera d’assurer le poste
de responsable de la formation qui m’est confié. L’idée, c’est de prendre
l’équipe réserve, et de garder cette continuité avec le secteur de la
formation. Nous voulons, avec l’ensemble des éducateurs, mettre en place un
projet global qui a pour but de placer les jeunes au centre de l’échiquier.
Il y aura également ce lien direct avec Vincent Ehouman, qui est le manager
et le gestionnaire de l’équipe première. L’équipe réserve sera celle qui va
valider notre formation. L’objectif étant de faire jouer au maximum les
jeunes et de garder cette continuité dans le projet.« Si je viens au Portel, c’est pour que les jeunes aient une possibilité
d’avancer, de progresser, en ayant une visibilité de jeu. On veut pouvoir
offrir de nouvelles possibilités »En quoi est-ce bénéfique pour l’institution ?Le but n’est pas de se glorifier en se disant « on a une équipe jeune, avec
une moyenne d’âge de 19 ans ». Si je viens au Portel, c’est pour que les
jeunes aient une possibilité d’avancer, de progresser, en ayant une
visibilité de jeu. Qu’ils puissent se dire qu’il pourront évoluer avec
l’équipe réserve, en R2 ou R3 et, en voyant plus large, avec l’équipe
première. On veut pouvoir offrir de nouvelles possibilités. Avec mes cinq
années à Boulogne, j’ai acquis de l’expérience et je sais ce que veulent
les jeunes.Que demandent-ils ?Ils veulent trois choses à la fois : du niveau de jeu – donc c’est
important que l’on soit très haut avec l’équipe première. Ils veulent
également de la performance en jeunes – pour cela il faut qu’avec nos
équipes de jeunes on arrive à se positionner très rapidement aux plus
hautes divisions de Ligue, et pourquoi pas d’ici quelques années tutoyer le
championnat U19 National. Et ils veulent également du temps de jeu. C’est
très compliqué de cumuler ces trois critères. Mais c’est ce qu’on va
s’efforcer à faire. Au Portel, on veut pouvoir leur offrir du temps de jeu
avec les équipes A et B et pouvoir les évaluer. On veut des jeunes du
Boulonnais qui restent au club et qui ne partent pas. Alors on s’est fixé
d’atteindre nos premiers objectifs d’ici 2024, pour le centenaire du club.« Je vais bosser avec des gens de qualité, qui m’apprécient et dont je
connais les capacités. Ce sera vraiment un projet collectif. Je veux
arriver avec mes idées, mais faire en sorte que ce soit notre projet. »Quels sont-ils ?Avec l’équipe première, on aimerait atteindre le niveau National. On a
l’espoir avec la DNCG d’être maintenus et ne pas être relégués en R1 pour
la prochaine saison (l’arrêt prématuré des championnats implique une rétrogradation pour
l’équipe fanion du Stade Portelois ; décision pour laquelle les dirigeants
ont fait appel, ndlr). Avec l’équipe réserve, il s’agirait de se positionner et se maintenir en
R2. Si on peut tester nos joueurs à ce niveau c’est intéressant. Chez les
jeunes, c’est d’avoir toutes nos équipes en R1. Et puis comme challenge
suprême, on s’est fixé, d’ici quelques années, de viser le championnat de
U19 National. Tout cela permettrait d’avoir un panel important à proposer
aux jeunes. Et tout ce qu’on veut faire chez les garçons on veut aussi le
faire avec les filles. C’est ambitieux mais on va prendre le temps, on va
bosser sur notre formation.Qu’est-ce que vous allez pouvoir apporter à ce club ?Je vais arriver déjà avec beaucoup d’humilité. Je suis dans le Boulonnais
depuis une vingtaine d’années et je sais que Le Portel est un club avec une
grande force de caractère et des valeurs. Donc je vais dans un premier
temps essayer de m’imprégner du club, écouter et m’efforcer de découvrir
les sensations de chacun. J’apporterai également mon expérience de
formateur et je la mettrai à profit de mon nouveau club. De par mes cinq
années passées à Boulogne, j’ai quand même côtoyé des institutions
professionnelles, à travers notamment le championnat de U19 Nat. Ici, je
vais bosser avec des gens de qualité, qui m’apprécient et dont je connais
les capacités. Ce sera vraiment un projet collectif. Et c’est justement ce
critère qui a fait la différence dans ma volonté de m’engager au Portel. Je
veux arriver avec mes idées, mais faire en sorte que ce soit notre projet.« Avec six voire sept clubs à ce niveau, je trouve ça effarant que des
jeunes quittent encore la région »D’une manière globale, quel regard portez-vous sur la formation dans la
région ?On a la chance d’avoir énormément de structures pro. Lens et Lille seront
en Ligue 1 la saison prochaine, Amiens, Valenciennes, Chambly et Dunkerque
à l’étage inférieur… Ca fait quand même six clubs professionnels dans les
Hauts-de-France. Il y a aussi Boulogne en National ! Mon avis, c’est
qu’avec six voire sept clubs à ce niveau, je trouve ça effarant que des
jeunes quittent encore la région. Sur les cinq saisons que j’ai passées à
l’USBCO, on a une dizaine de garçons qui sont partis et qui ont percé dans
d’autres clubs, au niveau professionnel : on a Colin Dagba au PSG, Hugo Vandermersch à Caen, Aurélien Scheidler qui va aller à Dijon… Pour moi c’est une
anomalie. Après, c’est vrai que pour les clubs c’est parfois compliqué de
s’aligner sur le plan financier.Comment l’USBCO et le Stade Portelois abordent cette double mission ?A Boulogne, le choix a été fait de privilégier l’équipe première. Je
respecte cette décision. Mais on ne peut pas avoir un projet avec l’équipe
une et en même temps faire de la formation. Certains clubs arrivent à faire
les deux, mais il faut pour cela avoir des moyens énormes. J’ai trouvé au
Portel un club qui, par la force des choses, par l’expérience due au Covid,
a su s’adapter. Les dirigeants ont pris une sage décision, ont cherché à
être novateur sur le projet qu’ils mettront en place et prévoir ce qu’il se
passera dans les années à venir.Lire aussi : Vincent Ehouman : « Notre équipe fanion est la locomotive de
notre club »Quel est votre discours vis-à-vis des joueurs ?On va leur dire que les résultats passent par eux. Car ce sont eux qui sont
sur le terrain. On va leur dire aussi qu’on va essayer de les amener au
plus haut niveau jeunes, pour leur permettre de développer au mieux leurs
qualités. En fait, on va créer un contexte de réussite autour d’eux qui
s’étend jusqu’en seniors, avec aussi bien la réserve que l’équipe première.
L’ambition avec Vincent (Ehouman), c’est d’inclure trois, quatre voire cinq
– et on ne se privera pas s’il y en a plus – U18 au sein de l’équipe
fanion. En gros, on préfère passer par les jeunes avant d’aller chercher à
l’extérieur. L’ambition c’est de former nos garçons et de leur prouver
qu’on peut leur faire confiance. Mais cela ne passe pas juste par le fait
de les intégrer dans les groupes de la A ou de la B. Ils doivent comprendre
le message suivant : si tu es performant, on va te faire jouer et te tester
en te donnant du temps de jeu. C’est le discours que l’on va avoir ces
prochaines années. Le club doit devenir une solution naturelle pour les
jeunes du secteur.C’est-à-dire ?Un joueur qui a de l’ambition doit pouvoir se dire : je vais aller au
Portel parce qu’on va me donner ma chance. Après, c’est sûr, il faut
bosser. Nous, derrière, il faut qu’on soit sérieux aussi. Plusieurs de nos
jeunes quittent le Portel pour aller à l’USBCO. Je trouve, encore une fois,
que c’est une anomalie. C’est une anomalie qu’une institution comme
Boulogne tape 10 joueurs d’un autre club du secteur. Mais en même temps, je
me dis que si 10 joueurs partent à Boulogne, c’est qu’il y a déjà un bon
travail qui y est effectué. Désormais, à nous de nous défendre notre
formation. A nous de montrer les dents, et de faire comprendre aux joueurs
: ta place est ici.Propos recueillis par Harry Hozé