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Interviews

12 janvier | 17h00

Ludovic Batelli : "Je ne pouvais plus travailler dans ces conditions"

Quelques jours après sa séparation avec le Sporting Toulon (N2) qu'il avait rejoint l'été dernier, Ludovic Batelli a expliqué en exclusivité à Actufoot les raisons d'un mariage raté sur le plan relationnel avec le club varois.

INTERVIEW SC TOULON N2 SC TOULON Ludovic Batelli

Le Sporting a écrit dans le communiqué annonçant votre départ que votre collaboration s'est arrêtée d'un commun accord. Vous confirmez ?

Effectivement, sachant que la demande de partir vient de moi. Le club était d'accord pour ne pas me retenir puisque les résultats n'étaient pas à la hauteur de ce qu'il attendait. Moi non plus d'ailleurs. J'ai décidé le 3 janvier d'annoncer à la direction sportive qu'on ne poursuivrait pas notre collaboration ensemble.

Pourquoi ?

Il y a deux choses et la première c'est un système relationnel qui s'était dégradé. Avec le président, on n'était plus d'accord sur beaucoup de choses même si j'ai lu dans Var-Matin ses propos sur la classe de mon départ, car je quitte Toulon en laissant dix-huit mois de salaire. Ca n'allait plus également avec la direction sportive avec qui j'ai senti très vite qu'on ne partageait pas la même vision. Ils ont remis en cause beaucoup de choses sur le jeu de l'équipe, la planification, les entraînements et les relations se sont tendues. Aujourd'hui, je pense que quand vous êtes entraîneur, il est important d'avoir certaines bases : du temps, de la sérénité et de la confiance. Du temps, j'ai compris très vite que je n'en avais pas beaucoup bien que j'avais signé deux ans. Il y a une forte attente et un côté passionnel ici, la direction sportive a peut-être voulu que ça aille plus vite.

Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné ?

Ce que j'ai mis en place en termes de méthodologie ne leur convenait pas mais j'ai trouvé inconcevable le fait qu'ils viennent s'immiscer dans mon travail. J'écoute, je prends note mais trop de choses se sont passées d'un point de vue relationnel pour que je puisse continuer en toute quiétude. Mon assistant (Olivier Merillon) était d'ailleurs sur la même volonté de ne pas continuer tout comme le préparateur physique Charles Ploquin. Pour autant, je suis sûr que lors de la deuxième partie de saison l'équipe va grandir, mûrir et récolter plus de points. Il faut aussi faire le constat que l'équipe avait été énormément bouleversée à la fois au mercato mais pendant le début de saison. On a perdu 5 joueurs qui sont partis de leur propre chef. Deux pour d'autres challenges sportifs et trois parce que l'ambiance dans le club ne leur plaisaient pas. Il a fallu recruter et on a pris de bons joueurs mais qui n'avaient pas fait de préparation. Il leur fallait du temps, la mayonnaise n'a pas pris tout de suite qui plus est dans une poule difficile de National 2.

Ne vous sentiez-vous malgré tout pas capable de mener ce groupe jusqu'au bout de la saison et d'inverser la courbe de résultats ?

Je m'en sentais capable sur le plan purement sportif. Partout où je suis passé et sans faire preuve de vantardise, j'ai réussi à faire monter mes équipes sur la première ou la deuxième saison. Mais j'ai senti beaucoup de défiance autour du projet, de ma façon d'entraîner, des choix et je ne pouvais plus travailler dans un tel climat.

J'ai senti beaucoup de défiance autour du projet, de ma façon d'entraîner, des choix et je ne pouvais plus travailler dans un tel climat

Ludovic Batelli

Vous disiez avoir rapidement senti des dissensions. Avant de signer, vous étiez tout de même convaincu du projet et des personnes avec lesquelles vous alliez travailler ?

Je pense que ça s'est dégradé au bout du quatrième match. Il y a eu beaucoup de choses qui ont été dites après la défaite contre Lyon - La Duchère. Quand on fait signer deux ans un entraîneur, il faut lui laisser du temps et c'était déjà compliqué après quatre matches. J'ai tiré ma révérence parce que je ne pouvais plus travailler dans ces conditions avec des personnes qui ne me faisaient pas confiance.

La compétitivité de cette poule de N2 vous-a-t-elle surpris ?

J'ai été surpris par la qualité du niveau, de l'engagement et des joueurs dans les effectifs. J'ai vu de bons voire de très bons joueurs dans cette poule de National 2. Effectivement, peut-être qu'on ne l'avait pas mesuré sur le recrutement initial. Moi, j'ai proposé les joueurs et la direction les a validés mais au moment de partager les responsabilités, je me suis rendu compte que j'étais le seul en première ligne. On demande de la solidarité aux joueurs mais il doit aussi y en avoir dans les choix qui sont faits. Ca n'a pas été le cas à certains moments et c'est aussi une des raisons pour lesquelles j'ai préféré partir.

De l'extérieur, cela paraît extrêmement difficile pour les entraîneurs de trouver de la stabilité au Sporting. Pourquoi selon vous ?

C'est un contexte difficile mais je pense qu'avec du temps et de la sérénité, les choses se seraient produites différemment. Je n'ai pas de regret d'avoir vécu cette aventure avec un staff fantastique de quatre personnes plus nos deux intendants. Sans oublier le kiné qui travaillait, en plus, dans des conditions très difficiles car la structure médicale s'est complètement dégradée au fil du temps. Les joueurs, eux, n'ont jamais remis en cause le travail, les méthodes ou le système relationnel. Je peux vous dire que lorsque j'ai annoncé le départ du staff à la dernière séance, ça a été un grand, grand moment émotionnel. Il y avait une très forte relation qui s'était créée avec le groupe et en cela, je suis sûr qu'avec un peu plus de vécu et la récupération des blessés et suspendus, on aurait eu un effectif pour faire une deuxième phase bien plus qualitative.

J'avais à coeur de retrouver le quotidien d'un club et ces six mois m'ont prouvé que j'avais toujours l'envie de manager un groupe, de mettre en place et piloter un système d'entraînement en compagnie d'un staff

Vous donnez l'impression de partir sur un goût d'inachevé sportivement parlant...

Vous avez trouvé la formule exacte. Mais quand vous ne vous sentez pas soutenu, c'est difficile de continuer. Il y avait trop de tensions et de divergences de pensées. Nous avons préféré reprendre notre liberté pour retrouver rapidement un autre challenge sous d'autres cieux.

Quels enseignements tirez-vous de cette aventure écourtée ?

J'avais aussi en venant à Toulon un challenge individuel à relever puisque j'avais quitté le girond des clubs en 2012, avec une descente de Ligue 2 en National avec Amiens. J'ai été avec des sélections pendant une dizaine d'années en France et à l'étranger et ces expériences s'étaient plutôt bien passées. J'avais à coeur de retrouver le quotidien d'un club et ces six mois m'ont prouvé que j'avais toujours l'envie de manager un groupe, de mettre en place et piloter un système d'entraînement en compagnie d'un staff. Et puis mettre en place ma méthodologie de management qui avait plutôt bien fonctionné ici. Je ne suis amer envers personne, ça n'a simplement pas "matché".

Quelle nouvelle orientation comptez-vous donner à votre carrière ?

Partir a été une initiative mûrement réfléchie pendant les vacances, période pendant laquelle j'ai également appris que la direction se mettait en quête d'un entraîneur. De mon côté, j'ai regardé certains marchés. Je pourrais repartir sur des clubs de niveaux supérieurs en France, en Ligue 2, en Ligue 1, à l'étranger ou en sélection puisque j'ai aussi la chance d'avoir fait ça pendant huit ans. Je suis ouvert à plein de choses, il faudra bien réfléchir sur le projet qui se présentera et regarder si j'ai la capacité d'emmener les personnes avec lesquelles je souhaite travailler. Olivier est à mes côtés depuis 2013 et on est convaincu que notre méthodologie est bonne. Si on sent le projet mais aussi les hommes, parce qu'une aventure sportive est avant tout une aventure humaine, on ira. Comme je dis souvent, il ne faut jamais être amer mais sincère, et je souhaite le meilleur au Sporting pour la suite.


Propos recueillis par Thomas Gucciardi

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