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10 février | 15h12

Moi, Sami Helal, 24 ans et déjà agent licencié à la FFF

Agent licencié à la Fédération française de football depuis 2020, Sami Helal, 24 ans, fait partie de la nouvelle génération exerçant légalement la profession en France. Après avoir réalisé sa première signature cet hiver au sein d'un club professionnel, il a accepté de retracer son parcours et ses premiers pas dans ce milieu opaque...

Agent FFF

Pourquoi êtes-vous devenu agent ?

Avant de vous expliquer pourquoi, je dois recontextualiser. A 18 ans, je suis parti en Angleterre pour suivre mon meilleur ami formé à Lens et recruté par Manchester City. Très jeune, j'ai été plongé dans le milieu du foot sans pour autant aspirer à être agent. Mon objectif en le suivant, c'était d'apprendre couramment l'anglais. Par la suite, je l'ai suivi dans les différents pays où il signait et c'est à Chypre que je me suis finalement plongé dans la licence d'agent que j'ai obtenue fin 2020. Ces dernières années, j'ai vu beaucoup de joueurs se plaindre de leur agent, comme quoi il n'avait pas fait le travail ou s'était contenté de vendre du rêve. En voyant ces erreurs, j'ai eu envie d'apprendre le métier pour prodiguer les bons conseils.

Qu'est-ce qui vous plaît particulièrement dans vos fonctions ?

En tant que passionné de football, ce n'est déjà pas un problème pour moi de prendre ma voiture et de faire deux heures de route pour aller voir un match. Le vivier le plus important se trouve en région parisienne mais je ne me fixe pas de limites de déplacements. Je peux très bien aller voir un match de U16 R2 en Picardie car je veux donner une chance à tout le monde. Récupérer un jeune à 15, 16 ans et l'accompagner jusqu'à la signature de son premier contrat professionnel, c'est quelque chose qui compte pour moi. Dans le fond, je grandis en même temps que le joueur et c'est là où la confiance mutuelle se crée.

Votre âge relativement jeune représente-t-il un atout au cours des échanges avec les jeunes ?

Ca peut être vu comme un défaut mais moi, je le vois comme une qualité car je me sens proche d'eux. Avec des jeunes joueurs, le dialogue vient plus facilement, ils sont plus à même de se confier. Le tutoiement simplifie aussi les choses et n'empêche pas d'imposer un cadre professionnel.

Comment nouez-vous le contact avec un joueur mineur qui vous intéresse ?

Déjà, quand un joueur me plaît, j'essaie de l'observer sur quatre, cinq matches même si parfois un seul suffit à se rendre compte qu'on a affaire à un crack. Les mineurs n'étant pas capables de se représenter seuls, je ne les démarche jamais directement. Je propose un rendez-vous à la famille en exposant ce qu'on peut apporter à leur enfant sur le plan sportif ainsi qu'en termes d'images, sponsoring. Travaillant principalement sur la région parisienne et les Hauts de France, je reste à proximité des joueurs que j'accompagne.

Des retours que je peux avoir des parents ou des dirigeants de club, le métier est mal vu, c'est un fait. Moi, j'ai envie de casser cette image de "requins" qu'ont les agents

La profession ne jouit pas d'une image positive. Ressentez-vous de la méfiance dans vos démarchages ?

Des retours que je peux avoir de parents ou dirigeants de club, le métier est mal vu, c'est un fait. Moi, j'ai envie de casser cette image de "requins" qu'ont les agents. Aujourd'hui, il y a peut-être 5000 personnes qui exercent pour seulement 400 ou 500 agents licenciés. Le problème, c'est que les clubs ne font plus trop attention aux gens avec lesquels ils discutent. Si un joueur vient avec son frère, ils discuteront avec son frère. Les familles des jeunes ne sont pas trop au courant de ça mais quand je montre ma carte, ça les rassure. On explique aussi que sur un joueur mineur, l'agent ne prend pas d'argent. C'est quelque chose de très important à souligner. Suivre un jeune de 16 ans pendant deux ans, c'est en quelque sorte du bénévolat. D'ailleurs, ça m'est arrivé de faire des rendez-vous avec des familles qui pensent qu'elles vont devoir m'indemniser, alors qu'elles n'ont rien à payer. Tous ceux qui le font sont des escrocs. Les parents doivent savoir que dans tous les cas, c'est le club qui paie un agent.

Les agents FFF livrent une bataille aux conseillers sans licence ainsi qu'aux avocats mandataires qui ont vu leur champ d'action réduit. Comprenez-vous cette démarche ?

Bien sûr, sinon à quoi bon payer et passer une licence ? Les agents sont régis par la Commission Fédérale des Agents et par la DNCG, des organes amenés à nous contrôler. Les avocats mandataires, eux, ne sont régis par personne. Ils sont autorisés à intervenir dans les négociations mais seulement au moment de la signature du contrat. Beaucoup ont profité pour faire du démarchage et se créer un porte-feuille clients. C'est la ligne rouge.

Vous avez lancé votre structure Dealmaker en plein covid. Cela n'a pas dû simplifier ses débuts...

La saison était arrêtée donc vous pouvez imaginer les difficultés. C'était très compliqué d'aller voir des matches de jeunes car les seuls qui jouaient étaient les centres de formation mais ils le faisaient entre eux et à huis clos. Lorsque j'ai débuté, j'étais surtout dans une phase d'observation pendant laquelle j'ai beaucoup observé et appris d'autres agents plus expérimentés. En fait, j'étais beaucoup dans la prise d'informations et la compréhension du métier car la théorie c'est bien, mais la pratique c'est autre chose.

Ce n'est pas en un an ou deux qu'on devient les prochains Raiola ou Jorge Mendes. C'est une course de fond, un marathon

Une fois agent, vit-on rapidement de ses activités ?

Ce n'est pas en un an ou deux qu'on devient les prochains Raiola ou Jorge Mendes. C'est une course de fond, un marathon, et c'est pour ça que j'essaie de construire quelque chose de solide avec mes joueurs et leur famille.

Tous les jeunes en centre de formation ont des représentants ?

Si je me base sur mon expérience personnelle, je dirais que la moitié ont des agents sur la catégorie U17 Nationaux. Ils sont représentés par quelqu'un que ce soit de façon légale ou illégale. L'autre moitié ont des parents qui suivent ça de près. Quand je discute avec eux, c'est jamais : "Non, j'ai personne". La grande majorité des joueurs au sein des centres de formation a été approchée au moins une fois par un agent. Si on parle des internationaux dans les sélections de jeunes, eux sont déjà tous représentés.

Vous évoquez très largement les jeunes depuis le début de cet entretien mais vous vous êtes également distingué cet hiver avec la signature d'un premier joueur en Ligue 2 (Adam Abeddou à l'USL Dunkerque). Cela vous amène-t-il à revoir votre vision en ayant un regard davantage orienté sur le haut niveau du foot amateur senior ?

Avec Adam, il faut savoir que le club où il jouait, l'US Vimy, se trouve à quinze minutes de chez moi. Il évoluait en N3 Hauts de France avec pas mal de clubs situés à proximité et très faciles d'accès pour moi. Je m'étais focalisé sur les jeunes disons à 80% mais lors d'un match entre Vimy et Saint-Omer, Adam m'a tapé dans l'oeil. J'avais rarement vu un joueur aussi à l'aise techniquement à ce niveau. J'ai attendu deux, trois matches avant de le démarcher et le fait qu'on ait des connaissances en commun a aussi facilité les discussions. Rapidement, il est parti en essai au FC Sète où tout s'est très bien passé sportivement. Le directeur sportif m'appelait régulièrement et voulait le faire venir mais ça ne s'est pas fait pour diverses raisons. Ensuite, Dunkerque, qui n'avait pas de profil du joueur d'Adam a voulu le voir à l'essai. La semaine s'est très bien déroulée, l'entraîneur (Romain Revelli) a apprécié ses qualités et le club lui a proposé de signer un contrat d'un an et demi. Tout s'est fait en un mois.

En quoi cette première signature va-t-elle vous aider pour la suite ?

Après un an de travail, c'est une réussite personnelle de voir qu'un joueur auquel on croit peut intéresser des clubs. Passer de National 3 à la Ligue 2, c'est assez incroyable et je ne crois pas que ça arrive souvent. Quand c'est le sien, c'est encore plus plaisant. Je sens depuis cette signature que je suis pris davantage au sérieux. Dans ce métier, on n'est pas jugés par rapport à ce qu'on dit mais par rapport à ce qu'on fait. Avoir réussi avec Adam m'a fait retravailler ma position et j'ai déjà commencé à consacrer plus de temps aux championnats N2 et N3 car le niveau ne cesse de se resserrer.

Propos recueillis par Thomas Gucciardi

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