Nassim, tu n’étais pas destiné à devenir entraîneur, peux-tu revenir sur ce qui t’as fait tomber dans la marmite ?

C’est vrai que c’est quelque chose que je n’avais pas du tout en tête. Bien entendu, j’aimais le foot, j’y ai d’ailleurs joué en jeunes, au CMA d’Aubervilliers, club avec lequel j’ai fait toutes mes classes au niveau Régional mais je ne m’étais jamais imaginé un jour me retrouver sur un banc. Tout vient d’une après-midi du côté de Drancy il y a une dizaine d'années, je passais tranquillement en vélo par un stade et là, j’ai trouvé un responsable de catégorie qui était en galère avec une soixantaine d’enfants. Je lui ai donc proposé de venir lui apporter mon aide et fort heureusement il a accepté.

Joli coup de main du destin on pourrait dire ?

C’est clair car ce n’est vraiment pas commun pour débuter une aventure. Encore une fois, ce n’est pas quelque chose que j'imaginais, ça m’est tombé dessus par hasard. Je ne connaissais personne au départ et j’ai fait énormément de sacrifices pour passer mes diplômes et évoluer dans le football. On peut dire que ça a vraiment changé ma vie.

Quel est ton parcours en tant que coach ?

Je suis éducateur depuis une dizaine d'années. J’ai débuté avec les petits à Drancy puis je suis monté en catégorie pendant 4-5 ans. Je suis ensuite parti une année au Red Star et deux ans à Aubervilliers, où j’étais en charge des U16 et de la section sportive. De retour à Drancy, j’ai eu le plaisir d’avoir les U18 R2 entre les mains et depuis cette année les U19 Nationaux.

Justement, comment cette première année au niveau national se passe-t-elle ?

C’est un début de saison qui reste positif (après 5 journées, Drancy est en 6eme position sur 14, ndlr) avec notamment deux victoires face à des centres de formations (Orléans et Lens, ndlr). Si on m’avait dit ça en juin, je n’y aurais pas cru, encore plus avec un entraîneur qui n’a jamais coaché à ce niveau-là, même s' il faut bien commencer un jour.

Tu as des ambitions particulières pour ton groupe cette saison ?

On a déterminé une direction et on comptait faire un premier point après cinq journées mais franchement, je pense qu’avec la qualité du groupe qu’on a, on peut largement ambitionner d’être le premier club amateur de ces 4 poules de championnat. Même si la poule du Nord est beaucoup plus forte que les autres, l’objectif numéro un est bel et bien celui là, encore plus que notre propre classement à la fin de la saison.

Comment cela se passe-t-il avec Philippe Lemaitre ? Vous collaborez ensemble ?

C’est Philippe, parmi d’autres, qui m’a donné ma chance à ce niveau-là. J’avais la promo en U18 R2 et ils m’ont permis de travailler sur la continuité et de monter en U19. Je suis très satisfait car il y a énormément de collaboration, il est très souvent sur mes séances et me demande de manière hebdomadaire si tel ou tel joueur a été performant. Il peut intervenir aussi dans mon vestiaire, c’est vraiment une collaboration très étroite. Mais elle n’est pas la seule, je travaille également beaucoup avec les U17 nationaux. J’entretiens une relation exceptionnelle avec le coach Saloum Coulibaly, qui a d’ailleurs beaucoup milité pour que je récupère cette équipe.

Tu as des modèles sur le banc ?

Sur le foot amateur, je me suis beaucoup inspiré de Sébastien Robert au Red Star qui m’a fait vraiment avancer et réfléchir au sujet du déséquilibre par l'attaque placée et Flavien Binant dont je me suis nourri sur ses transitions. Je les en remercie encore aujourd’hui. Sur le plan professionnel, même si on ne sait pas vraiment comment il travaille, la personnalité d’un Diego Simeone me plait bien. J’aime les entraîneurs sanguins, vraiment passionnés, qui laissent parler leurs émotions avant la raison.

Tu es comme ça sur le banc ?

J’arrive à me calmer de plus en plus. Après, certaines situations ne te permettent pas de garder tes nerfs mais avec le temps je me maitrise beaucoup mieux. De plus, en tant qu’entraineur de jeunes, il y a aussi un devoir d’exemplarité à donner.

Et plus généralement, quel genre de coach es-tu ?

Je me vois comme un entraîneur assez rusé, avec des définitions du football et des croyances bien précises que j’ai envie d’appliquer vraiment sans commune mesure. A chaque fois je veux mettre en place des idées bien précises, même si bien entendu on doit toujours s’adapter aux qualités de ses joueurs. J’ai des points de repères que j’applique à chaque saison, dans mes différents dispositifs, sur les plans offensifs mais aussi défensifs. Je les fais évoluer bien entendu au fil du temps mais la base reste toujours la même.

L’année dernière, tu as eu en parallèle une expérience de coach chez les seniors, peux-tu en parler ?

J’ai en effet eu le plaisir d'entraîner l’équipe du FC Deuil Enghien, en Départemental 2. C’est une aventure qui m’a vraiment fait grandir car dans le management, le groupe que tu as ne rêve plus à devenir pro, on parle beaucoup plus vrai, on a un échange beaucoup plus sincère. C’est ce qui me plaisait vraiment dans cette aventure là. Après je pense qu’un entraîneur arrive avec ses croyances, son projet de jeu et son plan de fonctionnement qu’il fait évoluer tout au long de son expérience, donc j’ai managé de la même manière les seniors que j’avais au FC Deuil Enghien que les 19 nationaux à Drancy.

Tu imagines comment ton futur dans le football ?

On a conscience que les portes sont difficiles à ouvrir dans ce milieu lorsque l’on a pas été professionnel. Ma formation universitaire et le fait que je parle une deuxième langue couramment, étant d’origine espagnole du côté de ma mère, peut m’ouvrir sur le plan international beaucoup plus de possibilités et j’en suis conscient. Si demain, j’ai une opportunité d’entrer dans une structure plus professionnelle ou de travailler exclusivement dans le football, j’aimerais bien.

Tu parles de ta formation universitaire, on peut dire que tu as réussi de ce côté là …

Je suis en effet titulaire d’un Master en droit et actuellement stagiaire en tant que juriste dans un cabinet d’avocat. D’ailleurs ce métier de coach qui est hyper stressant a énormément impacté la qualité de mon apprentissage à l’université. Car il faut préciser que même si on a un statut de bénévole, on est 5 jours par semaine occupé, avec en plus beaucoup de téléphone, de communication avec les joueurs, le staff, des agents, des recruteurs… Tant qu’on ne l’a pas fait, on ne se rend pas compte de la charge de travail. J’étais soumis à pas mal de pression, notamment du résultat, qui ne m’ont pas permis d’avoir une scolarité « classique ». Je validais donc mes années universitaires en deux ans mais au final cela a plutôt réussi.

Pour terminer, peux-tu nous parler de ton meilleur souvenir sur le banc ?

Je n’ai pas un souvenir qui ressort mais bien plusieurs et d’ailleurs, je pense que je vais vivre cette saison encore de très belles choses. En fait, je me laisse encore des matches exceptionnels à vivre et à mon avis, le meilleur est à venir.

Propos recueillis par Reynald Trunsard