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3 mai | 18h30

Nicolas Le Bellec : « Nous ne connaissons pas notre avenir... »

Alors que le FC Sète 34, d'ores et déjà officiellement relégué en N3, traverse une période extrêmement compliquée sur le plan sportif et financier rendant son avenir plus qu'incertain, Nicolas Le Bellec, a accepté de s'exprimer sur Actufoot. Venu à la base pour un projet de N1, l'entraîneur de 55 ans vide son sac. Et il pèse très lourd.

NATIONAL 2 N2 C FC SETE FC SETE N2

Après des mois à subir et encaisser les péripéties sportives et extra-sportives du FC Sète, la débâcle (11-1) à Hyères (26e journée de N2) vous pousse aujourd'hui à accepter de vous exprimer dans nos colonnes. Pour quelle(s) raison(s) ?

Parce qu’il faut que les gens comprennent la situation et qu’on ne peut pas accepter que notre saison soit résumée à cette défaite alors que nos conditions de travail sont indignes d’un club de football et que même en District, certains clubs sont mieux logés que nous. Cependant, ce n’est pas une excuse, et perdre sur un score d’une telle ampleur est inacceptable.

Dans l'Equipe il y a environ un mois, vous déclariez lors de l'une vos rares sorties médiatiques : "Soit c'est viable et on finit la saison, soit on arrête et au moins, on saura où on va". Quelle est votre position aujourd'hui à quatre journées de la fin du championnat ?

À ce jour, nous ne connaissons pas notre avenir. Une réunion doit se tenir entre la mairie, la direction du club et l’administrateur judiciaire pour envisager la suite. C’est la seule information que nous ayons, donc nous sommes toujours dans l’inconnu.

Qu'est-ce qui vous fait encore tenir le coup ?

C’est un ensemble. On m’a fait confiance en me donnant la possibilité d’entraîner le FC Sète et je pars du principe que quand on s’engage, on se doit de respecter son engagement, quelle que soit la situation. Je me dis tous les jours que je suis privilégié d’avoir un travail et je pense à tous les coachs actuellement sans club. De plus, pour les joueurs, on se doit d’être irréprochables pour maintenir le cap et les accompagner en composant avec notre réalité. Malgré tous nos déboires, on a la chance d’avoir des bénévoles qui sont d’un soutien indéfectible. J’ai un staff technique qui a une mentalité exceptionnelle et qui a su amener beaucoup de positif au sein du groupe. Pareil pour notre staff médical qui est resté très présent pour les joueurs. Notre team manager, Thierry Maurin, se bat sans relâche pour trouver des solutions à toutes nos galères et cimenter toutes les composantes du groupe par sa bienveillance et son énergie.

Et puis, au quotidien, on croise les salariés, les bénévoles, les éducateurs qui continuent d’œuvrer sans connaître leur avenir ni celui du club. Malgré la souffrance, ils assument leurs rôles et ça nous amène une énergie positive dans la difficulté. Enfin, j’ai la chance d’avoir une famille soudée et qui me donne beaucoup de force pour traverser cette période délicate. J’ai un fils de 10 ans, à qui j’essaye d’inculquer certaines valeurs, dont celle de ne jamais baisser les bras face à un problème. Je me dois d’être un bon exemple pour lui.

Quelle est votre situation personnelle à ce jour ? Les salaires dus ont-ils été payés ?

La semaine dernière, les AGS nous ont remboursé nos trois mois de salaires impayés. On attend désormais de savoir si notre salaire d’avril sera payé par le club. Si ce dernier n’est pas en capacité de régler nos salaires, l’administrateur pourrait demander la liquidation du club et donc la fin de l’activité.

À cause des salaires impayés, une grande partie des joueurs qui composaient le groupe N2 sont partis, ont arrêté ou sont restés mais ne sont plus en état psychologique de jouer

Nicolas Le Bellec, entraîneur du FC Sète

Les joueurs du groupe N2, dont certains n'arrivent même plus à subvenir à leurs besoins vitaux, ont jusque-là réussi à rester soudés et à s'entraider. La défaite à Hyères n'a-t-elle pas fait de dégâts irréparables dans les têtes ?

C’est sûr qu’en regardant le score, on peut s’interroger sur son ampleur. Mais sur le match contre Hyères, à part 4 garçons qui ont un vécu N2 ou au-dessus, les autres n’avaient qu’une expérience au niveau régional maximum. À cause des salaires impayés, une grande partie des joueurs qui composaient le groupe N2 sont partis, ont arrêté ou sont restés mais ne sont plus en état psychologique de jouer. On compose avec ceux qui restent et les jeunes qui, malgré toute leur bonne volonté, n’ont pas le niveau et l’expérience pour rivaliser.

Et les conditions de préparation ?

Elle ne les aident pas. On s’entraîne peu car pas assez de garçons disponibles. Et quand on voit les conditions de nos déplacements… Ce week-end, par exemple, on a fait le déplacement en groupe ultra réduit, de 15 joueurs et seulement 3 membres du staff. On a la d'avoir chance une famille de bénévoles du club, qui sont exceptionnels, et qui essayent de tout faire pour nous mettre dans les meilleures dispositions. Le week-end dernier, ils nous ont préparé une salade de pâtes pour qu’on puisse avoir quelque chose à manger pendant le déplacement. Et encore, ce n’était pas le week-end le plus compliqué… Lors de notre déplacement à Jura Sud, nous étions partis avec seulement 11 joueurs et un seul remplaçant. Et c’est à tous les niveaux du club, pas seulement la N2 ! Le week-end d’après, la réserve, qui évolue en R1 et qui se bat pour le maintien, a dû déclarer forfait faute de joueurs disponibles…

A quoi ressemble une semaine type de votre quotidien d'entraîneur jusqu'au match du week-end dans le contexte actuel ?

Notre semaine est courte. Les joueurs ont voulu réduire le nombre de séances car mentalement et financièrement, ce n’était plus possible d’effectuer les 6 séances planifiées. Rendez-vous compte, certains joueurs ne pouvaient pas venir s’entraîner car ils n’avaient plus assez d’argent pour mettre de l’essence dans leur véhicule. Du coup, nos objectifs sont très basiques : on part du principe que tout le négatif doit rester hors du terrain et que le foot reste une passion donc autant prendre du plaisir pendant les séances. On fait en sorte que les joueurs s’entretiennent au niveau athlétique et on effectue un travail tactique spécifique la veille du match selon le nombre de joueurs à disposition.

Tandis que certains auraient pu lâcher dans pareil bourbier, l'initial projet de reprise du club porté par des investisseurs émirati-nigérian a dû personnellement vous donner une raison de croire à un avenir meilleur ? De l'intérieur, quelle est votre explication sur ce deal présenté comme un véritable coup d'accélérateur pour le FC Sète et qui a finalement capoté de façon ubuesque ?

Déjà, il est important de savoir que nous, joueurs et staff, n’étions pas tenus informés des détails concernant les tractations pour la reprise du club. Et quand nous avons eu des informations plus précises, c’est vrai que beaucoup de détails nous ont interpellé mais nous n’avions pas le pouvoir d’intervenir. On nous a vendu beaucoup de rêve mais il n’y avait que du vent…

Actufoot • Le Bellec 2

Nommé à la tête du FC Sète le 3 juillet 2022, Nicolas Le Bellec a rapidement déchanté, la DNCG ayant acté la relégation administrative du club héraultais en National 2 seulement 9 jours plus tard. (Photo : Giani Moreno / FC Sète).

Quelle est votre position par rapport aux dirigeants du FC Sète, anciens comme actuels, et notamment à l'égard de votre président Yoni Ragioneri ?Leur en voulez-vous de vous avoir vendu un projet extrêmement instable ainsi que pour la gestion globale de ces derniers mois ?

La seule chose que je vois, c’est que le Président se bat pour sauver le club. Après, je n’ai pas tous les éléments pour vous dire qui est responsable de la situation et ce n’est pas mon rôle de le faire. Ce que je constate, c’est qu’on le subit au quotidien, de la base du club à l’équipe première. Il n’y a aucune ligne directrice et on répare les dégâts avec des bouts de scotch. La seule chose que je puisse faire, c’est d’assumer le rôle qui m’a été attribué jusqu’au bout…

Estimez-vous avoir fait preuve de naïveté, aussi ?

Bien sûr. À la base, je viens pour coacher un club de National. Et quand le club a été relégué administrativement en N2, j’aurais pu claquer la porte. Mais on venait de terminer la première phase de préparation et j’ai senti des joueurs impliqués et une bonne cohésion de groupe. Malheureusement, avec nos déboires, beaucoup de joueurs ont finalement quitté le club en cours de préparation. Il était question de fonctionner avec les mêmes moyens qu’en National, de recruter des joueurs aguerris de N2 voir d’au-dessus, et puis, finalement, on nous informe qu’il va falloir faire avec des joueurs de la réserve, qui pour certains, découvraient la R1… Alors imaginez en N2.

N'est-ce finalement pas avant tout la passion liée à votre métier qui vous a quand même décidé à vous lancer dans ce "projet N2" ?

J’étais d’abord dans l’attente de l’entérinement de la décision de rétrogradation en N2. Pendant ce temps-là, les dirigeants nous ont rassuré en disant qu’il n’y aurait pas de problème, qu’on serait maintenus en N1. Et quand le couperet est tombé, j’étais déjà trop engagé vis-à-vis des joueurs et du club pour les laisser tomber. À ce moment-là, je suis loin de m’imaginer la situation catastrophique dans laquelle nous sommes aujourd’hui.

Quand je vois des garçons comme Vincent Pappalardo, qui a un niveau de haut de tableau National, qui a tout vécu dans son club de cœur et qui a un comportement exemplaire pour ne pas dire exceptionnel, comment voulez-vous que j’aille mal ?

Nicolas Le Bellec, à propos de son état psychologique

Dix mois plus tard, dans quel état psychologique se trouve l'entraîneur Nicolas Le Bellec ? Et l'homme ?

J’ai cette faculté de laisser les problèmes à la porte de chez moi. Et je pars du principe qu’un homme qui sait se servir d’un échec ou d’une difficulté rebondit toujours mieux. Regardez ce qu’a fait Christophe Pélissier après Luzenac… Et puis, quand je vois des garçons comme Vincent Pappalardo, qui a un niveau de haut de tableau National, qui a tout vécu dans son club de cœur et qui a un comportement exemplaire pour ne pas dire exceptionnel, comment voulez-vous que j’aille mal ?

Recevez-vous des marques de soutien de vos adversaires et homologues entraîneurs ?

Depuis que notre situation critique est connue, quasiment tous les coachs qu’on rencontre ont eu cette classe de venir nous voir avant les matchs en ayant toujours un petit mot sympa ou une petite discussion. J’apprécie sincèrement leurs démarches. Ils me disent tous être assez surpris par notre qualité de jeu et l’abnégation dont les joueurs font preuve dans ce contexte qui est le nôtre.

Une telle saison pourrait-elle vous laisser des séquelles dans l'approche de votre métier ? Dans la confiance accordée à vos interlocuteurs lors de futures discussions liées à un projet sportif ?

Dans ce métier, il faut être costaud et blindé. Je suis issu de l’INF Vichy et tous ceux passés par là savent qu’on y apprend à souffrir sans se plaindre et en restant droit dans ses bottes. C’est ce que j’applique au quotidien. Je suis quelqu’un de positif et constructif, je sais qu’après la pluie vient le beau temps et je me dis qu’après cette saison, j’aurai encore plus de raison d’apprécier mon métier dans un contexte normal, avec un projet et des dirigeants structurés.

Une fois quelle sera terminée, serez-vous prêt à replonger immédiatement ou faudra-t-il un certain temps pour la digérer ?

Je vis dans le présent, je suis pleinement concentré sur le fait d’accompagner les joueurs jusqu’au bout de l’aventure. J’aime trop mon métier pour penser à autre chose mais ce qu’on vit en ce moment m’a donné encore plus faim. J’ai aussi envie d’être ce coach sur qui il y a une belle histoire à raconter et prouver qu’après une période compliquée, on peut rebondir encore plus haut.

Il vous sera peut-être difficile d'y répondre aujourd'hui, mais subsistera-t-il une once de positif de tout cela ? Les liens avec vos joueurs et votre staff, par exemple ?

Cette saison nous liera à tout jamais. C’est dans les périodes sombres qu’on voit la vraie nature des gens et ça m’aura permis de découvrir des personnes exceptionnelles comme celles citées plus haut ou d’autres connues ou un peu moins connues mais qui gagneraient à l’être.

On peut aussi penser qu'après avoir vécu cette saison cauchemardesque, votre armure de coach sera sacrément blindée...

Ce n’est pas le terme que j’emploierais car mon armure était déjà blindée après avoir été licencié de Cholet en étant 4e de National fin janvier 2018 et alors que nous avions fait monter le club à ce niveau 7 mois plus tôt. Ça me donne encore plus envie de travailler dur et de mettre mon énergie dans un projet qui a du sens et de l’ambition. Et ce qui est sûr, c’est que je garderai cette saison au FC Sète en tête pour mesurer la chance que j’ai.


Propos recueillis par Thomas Gucciardi

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