En plus des domaines physique, technique et tactique, le mental constitue
l'un des quatre piliers de la performance des sportifs. En cette période de
confinement, il semble d'autant plus important de travailler sur cet
aspect, comme l'explique Nicolas Lecoq, préparateur mental ayant exercé
avec plusieurs clubs de football professionnels parmi lesquels le Stade
Malherbe Caen.Quelle est votre expérience ?Dans le cadre de ma licence STAPS, j’ai travaillé au Stade Malherbe Caen,
où j’ai effectué mon stage. J’ai été recontacté plus tard à l’occasion d’un
tournoi où j’ai accompagné les joueurs et leur ai fait découvrir la
discipline, notamment aux jeunes du centre de formation. J’ai aussi
participé à un stade de pré-saison avec les U14-U15. Aujourd’hui, je
travaille essentiellement en individuel avec les sportifs dans les centres
de formation.En quoi consiste votre travail ?Il s’agit, dans un premier temps, d’évaluer les habiletés mentales. On
réalise un entretien et, parfois, des tests pour connaître le niveau du
joueur sur le plan mental. On essaye de planifier un travail, avec
plusieurs axes : par exemple, travailler sur la confiance en soi, la
gestion du stress, la gestion des émotions. Ensuite, en ce qui concerne les
séances, je procède en deux parties. Dans la première, on effectue avec le
sportif un débriefing sur les semaines passées, pour savoir comment le
joueur se sent ; s’ensuit une partie exercices, selon les axes de travail
que l’on a définis au préalable.Cette pratique est pourtant confrontée à certaines limites…La discipline de préparation mentale n’est pas reconnue, donc il n’existe
pas de diplôme pour cette profession. C’est peut-être en cela que réside le
problème du développement de la préparation mentale. Beaucoup de personnes
se disent préparateur mental sans avoir de formation. Et cela peut être un
gros frein pour notre activité. De mon côté, j’ai suivi une formation
privée « Mental 2 Pros » avec Raphaël Homat qui est préparateur et qui
regroupe plusieurs confrères.D’une manière générale, quelle importance représente la préparation mentale
chez les sportifs professionnels et amateurs ?Dans le sport, on retrouve quatre piliers de la performance : le physique,
la technique, la tactique et le mental. Et on se rend compte, surtout en
France, que le domaine que l’on travaille le moins est le dernier cité. On
a encore ce préjugé que, celui qui travaille le mental, c’est celui qui est
faible. Or, le mental n’est pas une aptitude innée ; c’est quelque chose
qui peut s’acquérir. Sur le plan physique, certains athlètes peuvent avoir
des prédispositions. Au niveau du mental, c’est la même chose. Certains
auront une confiance en eux développée de nature, quand d’autres auront
besoin de la travailler. C’est un atout qui se développe.Pourquoi vous semble-t-il nécessaire de mettre en avant l’aspect mental en
cette période de confinement ?Nous nous trouvons actuellement dans une période où les sportifs et les
footballeurs notamment sont à l’arrêt quasi total. Sur les réseaux sociaux,
on les voit travailler sur l’aspect physique, au travers de programmes
qu’ils suivent depuis chez eux, mais peu d’entre eux s’intéressent à la
préparation mentale.« Le fait de passer de beaucoup d’entraînement à très peu peut avoir une
incidence sur l’humeur et sur les pensées »En quoi une suspension des championnats est-elle négative pour les sportifs
?En ce qui concerne la suite à donner aux championnats, on est en ce moment
sur une visibilité assez floue : on a du mal à savoir comment va se
terminer la saison. Lorsque l’on se fixe des objectifs, c’est en fin de
saison que les échéances arrivent, que ce soit au niveau des performances
collectives ou individuelles. Et c’est à ce moment que l’on va pouvoir
juger si nos objectifs ont été atteints. Or, le fait d’être à l’arrêt peut
induire une perte de repères. Ils ne s’en rendent pas forcément compte au
quotidien parce que c’est un mécanisme, mais le fait de changer ses
habitudes peut découler sur une difficulté à gérer ses émotions.Quelle influence peut avoir le confinement et le fait de rester enfermé
chez soi ?Cela peut avoir un impact plus ou moins important selon les occupations de
chacun. Certains sportifs ont la possibilité de respecter un programme
physique, tandis que d’autres vont être totalement confinés. Et le fait de
passer de beaucoup d’entraînements à très peu peut avoir une incidence sur
l’humeur et sur les pensées. Il existe des risques d’avoir des pensées
négatives.Comment y remédier ?L’un des conseils que je peux donner est d’essayer de se fixer de nouveaux
objectifs. A l’image d’un programme sur le plan physique, une solution
serait de se préparer un programme sur ses activités de la journée,
notamment par rapport aux heures de coucher et de lever. Cela permet de se
fixer un cadre. Une autre technique beaucoup utilisée, c’est l’imagerie
mentale (voir les conseils).Voyez-vous une différence d’approche entre pros et amateurs ?Je pense que, dans tous les cas, que ce soit chez les sportifs amateurs ou
professionnels, il y a un certain attrait pour la préparation mentale. Il
est certainement plus important chez les pros, compte tenu des échéances de
fin de saison et du fait que pour eux il s’agit de leur métier, mais cet
aspect se travaille – et peut se travailler – à tous les niveaux. Et il est
tout aussi important.