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6 septembre | 10h02

Pourquoi les clubs pros font-ils des partenariats avec les clubs amateurs ? (3/4)

Parce que le football amateur constitue notamment un véritable poumon qui alimente depuis toujours les centres de formation, les structures professionnelles se sont rapprochées, depuis la fin des années 90, des clubs amateurs par le biais de conventions de partenariat.

8 min.
Partenariat pro amateur

Actufoot a creusé pour comprendre les enjeux que cela représente pour des institutions comme l'OL, le LOSC ou encore l'OGC Nice.

"L’intérêt pour nous est de mailler le territoire et d’accompagner le développement du football amateur pour pouvoir ensuite en bénéficier". Sonny Kulekci, chargé des relations avec les clubs partenaires de l'Olympique Lyonnais a bien résumé le premier axe que nous allons aborder. En faisant profiter du modèle et de "l'expertise OL" à son Réseau Sport constitué de 30 clubs partenaires, l'institution rhodanienne professionnalise et donc augmente le niveau global de formation de nombreux éducateurs.

Celui des jeunes de son bassin, susceptibles pour les meilleurs d'entre eux de rejoindre l'OL, s'élève aussi par ricochet. "Le discours qu’on a avec les clubs amateurs et nos clubs partenaires, c’est l’importance de se structurer. On les encourage à se former, à venir voir ce qui se passe à l'OL. De leur côté, l'idée est d’être labellisé FFF, de développer une section sportive, la pratique diversifiée comme le futsal où nous sommes l'un des pionniers chez les jeunes, l'importance de la mixité et la pratique féminine. On parle toujours d'innovation avec eux mais on impose rien. Les choix leur appartiennent", explique Julien Sokol, initiateur du Réseau Sport lancé en 2012.

Elever le niveau de son environnement de proximité... et en récolter les fruits

Ouvrir les portes de son club professionnel, mettre ses compétences et son savoir-faire au service des clubs amateurs, un devoir selon Manu Pirès. "On a la chance d'avoir des éducateurs diplômés du BEF au DES et on se doit de soutenir les clubs amateurs qui n'ont pas forcément la possibilité de se former, abonde le directeur du centre de formation de l'OGC Nice, lié par une convention de partenariat avec 43 clubs azuréens. "On vient tous du monde amateur, on n'a rien à cacher et tout à ouvrir. C'est ce qu'on fait en leur proposant des outils pédagogiques et en transmettant nos connaissances, qu'elles concernent le terrain ou l'organisation d'une catégorie. On veut fidéliser les clubs à l'OGC Nice, trouver une filiation et un esprit collectif."

Référent sportif du LOSC auprès des 50 clubs amateurs liés par une convention de partenariat, Thomas Lecomte, diplômé du BEF, intervient huit à dix fois par mois auprès des structures partenaires. "Dans les clubs amateurs, il n’y a pas toujours des éducateurs diplômés. En termes de théorie et de partenaires, ce n'est pas toujours idéal, concède-t-il."L'intérêt est peut-être plus au départ pour les clubs amateurs mais la finalité, c'est de se dire que les enfants peuvent potentiellement jouer à Lille plus tard et que c'est important qu'ils soient correctement formés avant d'arriver chez nous."

A lire aussi : l'historique des partenariats en France

Son responsable chez les Dogues, José Huyghe, estime aussi qu'il est "très important" de contribuer à la progression footballistique de son environnement. Pour preuve, l'homme qui conduit le projet des partenariats au sein du club nordiste depuis 2005, sans être salarié à temps plein, évoque le lancement prochain d'un projet de développement visant les 7/8 plus gros clubs de la métropole lilloise. "Il devrait y avoir à compter de la saison prochaine une personne 100% disponible pour augmenter la quantité d'échanges techniques et créer un vrai fil conducteur au sein de ces clubs par rapport à ce qui se fait chez nous, annonce-t-il, avant d'en préciser les conditions. "L'idée est de pouvoir développer dans ces clubs la méthodologie du LOSC mais nous ne prendrons pas de décision pour eux car qu'il n'y a aucun aspect financier qui rentre en compte. On ne met pas un seul centime en argent. Les partenariats ont un coût seulement sur le plan humain ou de par les actions que l'on met en place."

On n'est pas sur une politique de terre brûlée, on ne souhaite pas écraser les autres

Julien Sokol, ex-chargé des relations avec les clubs amateurs partenaires de l'OL

Promu Team Manager au sein du staff de Rudi Garcia en fin d'année, Julien Sokol estime "qu'un club professionnel se doit d’élever le niveau de son environnement de proximité." Des mots forts qui témoignent de la volonté profonde de l'OL de performer au quotidien à la formation et qui en expliquent surtout, ses résultats probants. "On n'est pas sur une politique de terre brûlée, on ne souhaite pas écraser les autres. On sait qu’on est dans un bassin important avec des bons joueurs mais on sait aussi qu’on a des joueurs et des joueuses un peu différents de ce qu’on peut trouver dans d’autres départements. Plus le modèle d’apprentissage et de structuration des clubs sera en lien avec ce qu’on préconise, plus ce sera facile de les accompagner. On parlera tous le même langage et il y aura peut-être un peu plus de réussite."

Etre une identité forte sur les territoires locaux et régionaux

En se greffant à une multitude de clubs amateurs locaux, le club professionnel vise toujours à renforcer un peu plus son identité sur son territoire par le partage de sa philosophie. "Les partenariats et les actions mises en place toute l'année représentent aussi un intérêt pour le LOSC de par l'image de marque que l'on peut en retirer" concède José Huyghe. "Hors période Covid, des événements se tiennent pour que les clubs puissent avoir accès au Domaine de Luchin. D'autres sont délocalisés dans les clubs afin de pouvoir faire un petit peu de communication autour d'une action commune."

A l'OL, l'identité forte, "elle y est déjà !" assène Julien Sokol. "L’environnement fait qu’il y a tout pour que les jeunes réussissent chez nous. Et puis un Lyonnais, quand il vient au Groupama Stadium, il ne voit peut-être pas la même chose que les autres ! Il y a une forte identité, ce sont des choses qui frappent vite, même lorsqu’on n’est pas d'ici comme moi".

Si la communication autour des partenariats s'est développée depuis quelques années avec la digitalisation et la montée des réseaux sociaux, encore faut-il la transposer par des actions. "Le projet n’aurait pas été pérenne si ce n’était que ça. On avait le choix entre faire des coups de comm' avec des joueurs qui vont signer des autographes tous les trois ans ou faire quelque chose de fondamentalement cohérent et percutant dans la formation" justifie Julien Sokol.

L'événementiel vient ensuite compléter toute la partie technique, de terrain. En envoyant des équipes du club pour les tournois des partenaires, en permettant aux jeunes d'être ramasseurs de balles pour les matches de Ligue 1, en offrant des places gratuites à une catégorie entière et aux familles, l'OL, comme de nombreuses structures pros, fait rêver positivement les jeunes et fidélise les adhérents que sont les parents. "Notre image est renforcée parce qu'on réalise beaucoup d’actions, ce n’est pas une coquille vide. Les gens nous connaissent, c’est plus facile pour eux de véhiculer une bonne image de l’OL étant donné qu’on va chez eux et qu’ils viennent chez nous." complète Sonny Kulekci.

Une force complémentaire à la cellule de recrutement pour attirer les meilleurs jeunes

Si la convention de partenariat permet à un club pro d'améliorer son taux de réussite dans le maillage des talents d'un bassin, elle n'est pas sensée substituer le travail d'une cellule de recrutement. "Elle fonctionne très bien à l'Olympique Lyonnais et les partenariats ne représentent qu’un complément à ce titre" pose Julien Sokol. Évaluer un bon joueur, c’est facile, mais évaluer un joueur qui va réussir à l’Olympique Lyonnais, c’est plus difficile. On a eu aussi besoin d’avoir des feedback de nos partenaires pour pouvoir avoir les bonnes informations sur les jeunes et les accompagner une fois qu’ils viennent au club. L’intérêt de l’OL est un peu sociétal, non économique et non axé sur le recrutement. Malheureusement, on a le sentiment que les gens réduisent les partenariats avec les clubs amateurs pour piquer les joueurs. Mais pas du tout."

A Lille, 50% du recrutement des talents nordistes provient tout de même des 50 clubs partenaires dont 49 sont situés sur la métropole lilloise (seul Saint-Quentin dans l'Aisne se situe à l'extérieur). "On n'interdit pas les jeunes de signer ailleurs mais on demande aux clubs de nous signaler les éléments qu'ils estiment de qualité pour qu'on puisse instaurer un suivi, les convoquer à nos rassemblements" explique José Huyghe.

Le partenariat ne fait pas venir le joueur dans un club mais si on met en place une méthodologie de travail dans les clubs partenaires, les garçons les plus talentueux auront certainement envie de venir chez nous

Manu Pirès, directeur du centre de formation de l'OGC Nice

Car qui dit partenariat ne dit pas fondamentalement signature d'un joueur entre deux clubs partenaires. Si le club amateur a bien le devoir d'avertir son club partenaire professionnel d'un intérêt extérieur pour l'un de ses jeunes, la décision finale résulte uniquement du joueur et de ses parents. "Le partenariat ne fait pas venir le joueur dans un club mais si on met en place une méthodologie de travail dans les clubs partenaires, les garçons les plus talentueux auront certainement envie de venir chez nous" juge Manu Pirès. Selon Julien Sokol, "si t'es obligé de faire beaucoup de choses pour un jeune afin qu'il vienne dans ton club, c'est qu'il y a un problème." Le membre du staff de Rudi Garcia va encore plus loin. "L'amour du club, l'envie de jouer au Groupama Stadium sont des atouts importantes. Mais tu ne peux pas empêcher à un joueur d'aller dans le club de son coeur. A nous d'être bons pour que les enfants aient envie de jouer à l'Olympique Lyonnais."

En effet, sans un travail de longue haleine, les conventions de partenariats n’auront aucune influence sur la qualité du recrutement d'un club pro et la future compétitivité de son centre de formation.

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