6 septembre | 10h10
Que gagne un club amateur à signer un partenariat avec un club pro ? (2/4)
Pourquoi signer une convention de partenariat avec un club pro ? Quel réel apport pour les clubs amateurs ? Actufoot répond dans cette 2e partie de dossier.
Le phénomène est observé depuis de nombreuses années. Aujourd'hui, des clubs professionnels y consacrent même un programme spécifique comme pour le projet "OM Next Generation" par exemple. C'est dire à quel point cette relation club pro/club amateur est complexe mais aussi fragile puisqu'elle nécessite toute l'attention de l'entité professionnelle et une place à part entière au sein de la structure et de son organisation.
Un club professionnel a entre 10 et 50 partenaires amateurs (Auxerre en a 15, Lille en a 50), ce qui prouve déjà qu'il y a bel et bien des intérêts pour les petites structures à créer des liens avec ces clubs professionnels. Mais lesquels ? Souvent, on entend parler de système basé sur du "gagnant-gagnant", mais certains experts avancent que les clubs professionnels sont les vrais grands bénéficiaires de ces accords. Alors que gagnent vraiment les clubs amateurs à signer ces conventions de partenariat ?
Avant de lister les différents apports pour les clubs amateurs liés à ces partenariats, il est nécessaire de préciser que chaque club professionnel possède sa propre stratégie et ses propres arguments pour convaincre. Mais de manière générale, nous pouvons dégager plusieurs ressemblances qui forment les clauses de ces contrats signés par les deux clubs. État des lieux de ces avantages.
La formation des éducateurs
"Nous, ça nous a apporté. C'est intéressant et enrichissant. On a choisi l'OL car on se retrouvait dans l’ADN et le projet de Lyon. C'est un club qui met beaucoup de formations en place, des formations gratuites pour nos coachs" témoigne Gilles Bibé, Directeur Sportif de l’Athletic Club de Boulogne-Billancourt et référent du partenariat avec l’OL entre 2017 et 2020. Il s'agit là d'un des principaux arguments avancés par le club professionnel pour arriver à un accord de partenariat avec le club amateur. Stéphane Banos, président de Luynes Sports, affilié au programme "OM Next Generation" est de cet avis : "En effet, la principale priorité est l’aide à la formation tant au niveau des éducateurs avec à la clé les diplômes, que sur une assistance sur les séances d’entraînement à domicile, comme à l’OM Campus".
On leur demande des conseils sur le coaching, la préparation athlétique. C'est un vrai échange
Mickaël Cotrez, coach de Rueil
En effet, en signant ce genre de partenariat, le club amateur va pouvoir bénéficier de la qualité des éducateurs du club professionnel. Des formations vont alors être mises en place pour augmenter et étendre les capacités des entraîneurs de la petite structure. Aussi, les clubs professionnels financent les diplômes et les certifications aux éducateurs de leurs clubs partenaires. Il y a également la possibilité pour les éducateurs de venir observer les méthodes de travail du haut niveau. "On peut passer une semaine là-bas quand on le souhaite, on est logés, nourris. On leur demande des conseils sur le coaching, la préparation athlétique. C'est un vrai échange" expliquait déjà en 2012, Mickaël Cotrez, coach de Rueil, club qui était à cette époque en partenariat avec Bordeaux. A l'OL, aujourd'hui, le bénévole, éducateur ou président du club amateur partenaire peut bénéficier d'un panel large de formations gratuites réparties sur 12 thématiques au total.
La structuration des clubs
Évidemment, cette formation des éducateurs contribue déjà à la structuration des clubs amateurs. Et l'influence du club professionnel va également permettre à la petite structure d'aller vers la professionnalisation. Déjà en observant ce que le grand club fait et en reproduisant son organisation à moindre échelle. Mais également grâce à la participation du club professionnel qui va généralement proposer des dotations matérielles (ballons, chasubles, plots) à leurs clubs affiliés ou les aider à se développer au niveau marketing. "Parfois, on renégocie un sponsor maillot, on peut s’aider du MHSC" nous signale Jean-François Gambetti, président du FC Sète 34, qui s'appuie également sur le club héraultais de Ligue 1 pour mettre au point sa section sportive.
“Au début, on a eu beaucoup d’aides structurelles, beaucoup de communication, d’invitations pour récompenser nos joueurs, nos éducateurs. Tout un ensemble de choses. Ils ont aussi proposé l’habillement de tous nos joueurs" se remémore Hervé Baudoux, ancien président délégué du FC Lyon qui avançait avec l'OL. Le club professionnel a tout intérêt à ce que son club amateur partenaire fonctionne de la meilleure des manières. Premièrement, il pourra en récolter les fruits lorsque de bons joueurs intégreront leur centre de formation. Deuxièmement parce que le club amateur, à partir du moment où il signe la convention, représente également l'image du club professionnel.
L'image et la visibilité
Pour un club amateur, apposer son nom aux côtés de celui d'un grand du foot français est bénéfique pour l'image. Pourquoi ? D'une part parce que cela permet de gagner en notoriété et en prestige, d'autre part parce qu'il est un moyen de se mettre en lumière grâce à la médiatisation du partenariat et de son club professionnel. Le partenariat va donc transformer positivement l'image du club amateur et lui permettre de gagner en visibilité. D'un club "lambda", il va alors devenir aux yeux des jeunes joueurs et de leur entourage un club qui fait rêver, comme le lieu symbolique du premier pas vers un club pro.
"Quand on a l'image d’un club comme l’OL, le PSG, le Stade Rennais etc., c’est important et attractif. Il y a des gamins qui disent “eux ils travaillent avec tel club, on va aller là-bas car on plus de chances d’être vus". Les gamins rêvent tous de ça" nous explique le Directeur Sportif de l’ACBB, Gilles Bibé. En effet, être partenaire d'un club professionnel, est devenu un argument de poids pour faire signer des jeunes joueurs, aussi bien au niveau quantitatif que qualitatif.
Le partenariat donne plus d'attractivité aux clubs amateurs, ce qui permet d'améliorer leur recrutement. Les parents vont naturellement vouloir le meilleur pour leurs enfants et vont donc se tourner vers le club amateur qui possède un partenariat avec un club pro plutôt que le club amateur qui n'en a pas. Ces clubs amateurs, conscients de leur nouveau statut, vont alors en profiter et mettre en avant ce partenariat dans leur communication. De cette manière, on retrouve souvent ce rappel sur les affiches de stages, de tournois et de détections de ces clubs.
Du côté de l'OL, un logo commun OL-club partenaire a été déposé. "Le club amateur va pouvoir s’en servir sur ses réseaux sociaux. C’est gagnant-gagnant, ils sont labellisés OL et nous on apparaît sur un maximum de pages. Pour la fidélisation des adhérents, c’est intéressant" nous a expliqué
Sonny Kulekci, chargé des relations avec les clubs partenaires.
L'opportunité pour les jeunes joueurs d'intégrer un centre de formation
Ce genre de partenariat peut être considéré comme une passerelle vers le monde professionnel. C'est d'ailleurs son but premier : permettre aux jeunes d'un niveau supérieur à la moyenne de tenter leur chance en centre de formation. Christophe Poujol, dirigeant du CA Plan de Cuques, nous résume comment cela fonctionne dans le cadre du programme "OM Next Generation" : « Cela leur permet de suivre la progression de joueurs à fort potentiel sans être obligés de les recruter immédiatement. L’évolution des jeunes joueurs n’étant pas linéaire, certains vont se révéler plus tard que d’autres, certains ont besoin d’un cadre sécurisant pour y parvenir. Ce type de partenariat permet également à l’OM d’avoir les yeux sur les meilleurs joueurs de la région sans avoir besoin de multiplier les recruteurs".
Les jeunes licenciés qui évolueront dans les clubs partenaires amateurs auront donc la chance d'être directement mis à l'essai devant les yeux des dirigeants et des entraîneurs du club pro. Ils auront donc l'opportunité de montrer ce qu'ils valent tout au long d'une saison grâce à une observation appuyée et à un suivi régulier des recruteurs professionnels. Au cas où le jeune talent est désiré, il sera alors en lien direct avec le club professionnel et la finalisation de la signature sera plus rapide. Cependant, le jeune joueur amateur ne sera pas dans l'obligation de rejoindre le club professionnel. "Être partenaire d’un club ne veut pas dire que le jeune va rejoindre ce club. Ce n'est pas parce qu'on a un contrat de partenariat que le joueur va signer à l'OL. Libre aux parents de choisir" nous précise Gilles Bibé, dirigeant à l'ACBB. Cependant, ces clubs partenaires amateurs sont valorisés lorsque leur joueurs acceptent de rejoindre le club professionnel lyonnais.
Un échange par des prêts
Le club professionnel bénéficie d'un avantage sur les autres clubs professionnels pour recruter un joueur d'un de ses clubs partenaires amateurs. Mais le club amateur possède lui aussi un petit plus de ce côté-là. En effet, avec ce genre de partenariat, l'échange est facilité, ce qui permet parfois à certains clubs amateurs ou semi-professionnels de profiter de l'apport d'un joueur du centre de formation de son club partenaire. Par exemple, nous pouvons mettre en avant l'arrivée de Kylian Kaïboué au FC Sète 34 en provenance du MHSC sous forme de prêt.
Aussi, lors de chaque fin de saison, les clubs professionnels procèdent à un écrémage des joueurs de leur centre de formation. Des joueurs sont alors conservés, d'autres sont laissés libres. Très souvent, les clubs amateurs, grâce à leur statut de clubs partenaires, obtiennent cette liste des "indésirables" avant les autres et avant que le contrat de ces joueurs ne se termine. Si le club amateur est intéressé par un de ces joueurs, les négociations peuvent alors se faire plus rapidement, plus efficacement et en exclusivité.
Des extras et des avantages financiers
Enfin, il y a tous les petits bonus, les extras, qui sont proposés aux clubs amateurs partenaires par les clubs professionnels. Par exemple, les clubs affiliés sont invités aux tournois, ils bénéficient de places pour se rendre au stade chaque weekend, peuvent faire la rencontre de joueurs professionnels ou encore visiter les infrastructures du club. "Nous avons des places de stade qui nous sont offertes, des aides, des formations, des entraînements qui se font à la Commanderie pour les jeunes enfants" nous listait il y a quelques mois le co-président du club provençal du Marignane Gignac FC, Marc Vicendone.
"Il y a les ramasseurs de balles, le challenge Orange, les invitations en loges, la billetterie... Les vannes sont illimitées sur certains matchs, on peut inviter 200 à 300 licenciés ou parents d’une catégorie. Il y a également des échanges sportifs, on participe aux tournois de nos partenaires, on leur envoie des équipes pour leur permettre de communiquer là-dessus et de donner envie à des clubs de s'inscrire" ajoute Sonny Kulekci, chargé des relations avec les clubs partenaires de l'OL.
Et ce n'est pas tout ! Même si les dotations purement financières sont rarissimes, elles existent bel et bien. "Quand on sortait des joueurs, ils doublaient par exemple la prime de formation. C'était des avantages comme ça... Je crois qu’ils ont réussi à concrétiser une aide financière annuelle mais je n’en suis pas sûr" nous révèle Hervé Baudoux, ancien président délégué du FC Lyon, sur la manière de fonctionner de l'Olympique Lyonnais. "Quand un joueur réussit et joue au Groupama Stadium, forcément le club amateur va recevoir quelque chose. On a aussi financé une quinzaine d'emplois dans la région pour les clubs partenaires" nous a confié Julien Sokol, à l'initiative du projet "Réseau Sport" de l'OL en 2011 et désormais Team Manager de l'équipe pro
Du côté de l'autre Olympique, à l'OM, le côté financier est aussi très présent dans le programme de partenariat avec les clubs amateurs. Le club phocéen est même allé jusqu'à classer ses partenaires par différents labels selon des critères"élite". D'après Sportune, ils se basent sur le nombre de « minots » envoyés au centre de formation, leur niveau, la qualité des joueurs et les diplômes des éducateurs. Selon ce classement, le club professionnel marseillais a établi trois paliers de rémunération pour ses clubs partenaires : 5 000, 10 000 et 15 000 euros. En moyenne, cela représente 10% du budget du club amateur, ce qui est loin d'être une somme symbolique pour ces petites structures. Les conditions financières sont renégociées tous les ans avec chaque équipe engagée dans le partenariat. L'argent est donc bien un acteur du bon fonctionnement de ces alliances.
Après avoir passé en revue les différents apports de ces partenariats pour les clubs amateurs, nous verrons, dans la troisième partie de notre dossier, que les clubs professionnels ne sont pas en reste.
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