Sébastien, avant d'aborder le 1/4 de finale entre Nantes et Bastia, pouvez-vous nous parler de votre quotidien ?

Ça fait un petit moment que je suis consultant pour la chaîne et la radio RMC Sport. Je commente les matches, j'anime des émissions de radio. Ça me prend pas mal de temps, notamment le week-end. Mais ça me plait. Ça me permet de voir beaucoup de rencontres, de joueurs. Puis c'est aussi le moyen de rester dans ce milieu là. C'est déjà pas mal !

La renommée Champion’s Cup anime également une partie de vos activités, non ?

Oui, c'est un tournoi qui a douze ans et qui a été créé par Jean-Christophe Marquet, un ancien joueur de l'OM. Je l'ai rejoint depuis cinq ans sur le projet qu'on porte désormais au niveau national alors qu'il était exclusivement régional auparavant. Par le biais de cette catégorie U11, on met en avant le football amateur car mis à part l'OM, club partenaire, le SC Bastia et l'AC Ajaccio, on manque de clubs ! Quasiment amateur, ce tournoi comprend huit étapes régionales et la finale au Vélodrome.

Vous avez quand même subi la Covid-19, comme beaucoup !

L'événement a été une réussite malgré les conditions sanitaires. Il a fallu y mettre beaucoup d'énergie, de temps… Mais j'ai la chance de pouvoir travailler avec Fabien Lorenzi, Steve Elana et pas mal d'éducateurs amateurs dans le staff. Au cours des échanges, on se rend compte, même si on le savait déjà, de la qualité (des éducateurs) dans le football amateur. Ce qui m'impressionne le plus, c'est le travail effectué chez les jeunes. Avec les peu de moyens dont on dispose chez ses catégories, on voit des clubs qui bossent très bien, notamment dans la région où j'habite ici à Marseille. Je pense à Air Bel, Burel et pleins d’autres où tous les ans, l'investissement est incroyable.

Un football amateur où vous avez notamment fini votre carrière...

J'y ai joué et j'ai entraîné donc j'ai pu voir ce que pouvaient être les problématiques. Mais ce sont des bonnes problématiques car il y a des valeurs qu'on a du mal à retrouver au-dessus. Je pense, en incluant les jeunes, qu'on a le meilleur football amateur d'Europe toutes divisions confondues. C'est d'ailleurs une aberration de ne pas avoir plus de divisions pros, notamment avec la qualité des entraîneurs à disposition, qui n'ont malheureusement pas la possibilité de passer les diplômes. Les choix se portent essentiellement sur les anciens pros... Je peux comprendre qu'on ait une culture foot quand on a été pro mais on n’a pas forcément la culture entraîneur et c'est dommage qu'on ne puisse pas mettre ça en avant. Quand je vois comment certains clubs amateurs travaillent, des clubs de quartiers avec "des bouts de terrain", on voit des résultats incroyables. C'est aussi ça qu'il faut mettre à l'honneur. Je comprends que le football pro soit la vitrine aujourd'hui, que les médias pensent qu'il n'y aura pas le même impact que de faire une brève sur Neymar. Mais il faut le répéter, on vient tous du football amateur et la catégorie U11 me semble parfaite pour ça car c'est à cet âge là que les plus talentueux sont encore dans les clubs amateurs.

La Ligue 3, c'est donc une évidence pour vous !

Complètement ! Rien qu'à voir les déplacements que font les équipes de N1, c'est juste incroyable. Mais pour professionnaliser, il faut qu'il y ait une envie de partage ! Quand tout va mal ou quand tout va bien, on est tous ensemble. Quand il faut partager, on est plus d'accord notamment parce qu'il va y en avoir un peu moins pour les gros clubs comme le PSG, Lyon ou encore l'OM. Des clubs comme Calais, Gueugnon, tombés dans l'oubli aujourd'hui, ont des infrastructures pour évoluer à ce niveau. Mais malgré ça, il faut des moyens, c'est toujours la même rengaine. Le bel exemple, pour aborder la Coupe de France, c'est cette affiche entre Bergerac et Versailles, deux gros budgets de N2, qui vont s'affronter en 1/4 de finale. Si par bonheur, et c'est tout ce que je leur souhaite, ils parvenaient à monter en N1, il faudra que les résultats suivent parce que c'est un gros investissement derrière.

Comme on a pu le voir pour Bastia, promu en Ligue 2 la saison dernière et aujourd’hui en quart de finale de la Coupe de France. C'est forcément un moment particulier, non ?

J'avais mis une petite pièce pour ce match mais avec Bastia qui reçoit. Il y a une division d'écart mais en Coupe de France, sur un match… Les Corses l'ont prouvé à Reims. On me demande souvent mon avis depuis le tirage et il faut avouer que ça me met le cul entre deux chaises. Ça me fait plaisir que les deux équipes s'affrontent et j'espère qu'elles pourront bientôt le faire en Ligue 1, c'est ce que je souhaite au SCB. Pour le match et même si j'ai beaucoup de mal avec le président Kita, ce qui n'est un secret pour personne, je reste un supporter et un spectateur assidu du FC Nantes. C'est mon club formateur, avec qui j'ai gagné des titres, dont deux Coupe de France !Vous retournez au stade ? Que ce soit à la Beaujoire ou à Furiani…A Furiani, oui. J'y ai même commenté quelques matches quand le club évoluait en National la saison dernière. La Beaujoire, ça fait longtemps que je n'y suis pas allé. La dernière fois, ça devait être pour jouer lors des 70 ans du club.

Si Nantes reste votre club formateur, Bastia vous a permis de prendre votre envol en pro…

J'y ai passé cinq ans de ma vie, de ma carrière, dans ce club malgré quelques blessures qui m'ont ralenties. J’ai vécu une finale de Coupe de France aussi… ce que je peux dire, c'est qu'il y a eu un vrai feeling entre le club, les supporters, le peuple corse et moi. Et ça perdure, donc tant mieux. J'apprécie énormément les dirigeants bastiais actuels, notamment le président, Claude Ferrandi, qui est quelqu'un de très dynamique mais surtout, qui a la tête sur les épaules. En plus, il est bien entouré, ce qui a notamment permis de remonter le club en Ligue 2 aussi rapidement. J'aimerais souligner ce qui a été créé en très peu de temps suite à la redescente du club en N3, entre les différentes entités de Bastia et ses supporters, indéfectibles... c'est énorme ! Ils ont une part importante dans la résurrection du club qui a été très rapide !

La montée du SCB en Ligue 2, il y a quelques mois, a dû vous faire un pincement au cœur ?

Je ne peux que leur tirer mon chapeau. Ce qu'ils sont en train de faire, d'être descendus en N3 et d'être remontés aussi vite avec les moyens financiers à disposition, c'est magnifique quand on connaît les difficultés économiques pour les clubs en Corse. Vu de l'extérieur, on se dit forcément que c'est un club historique donc c'est presque normal. Je dirais plus que ce qu'il s'est passé en quatre ans, c'est presque anormal oui ! Repartir de zéro, notamment au niveau de la formation, c'est très dur mais je sais qu'ils sont en train de faire les choses pour réussir à redresser la barre.

Difficile de vous positionner sur l’issue de ce quart de finale de Coupe du France donc…

(rires) Pour l'histoire, je vais me mouiller, ça serait beau que Bastia arrive à créer la surprise à deux matches du Stade de France. Tout d'abord pour leur parcours dans la compétition cette saison puis aussi par rapport à tout ce que j'ai pu évoquer. Même si je pense que la priorité reste le maintien en L2, malgré le fait d'être dans les 8 derniers. Et en face, tu as Nantes, avec Kombouaré, et même si ce n'est pas toujours flamboyant dans le jeu, c'est plutôt cohérent. A mon gout, si les Canaris s'étaient plus livrés sur certains matches, ils auraient pu aller chercher quelques points supplémentaires. Le quart de finale va arriver très vite pour les deux équipes et quoiqu'il arrive, ça peut être un coup de boost pour cette fin de saison.

Ludovic Blas peut-il faire pencher la vapeur ?

Au-delà de sa forme actuelle, c'est sa régularité qui est à souligner. Outre son doublé à Brest, il est important et décisif dans le système de Kombouaré depuis le début de saison. Il sera forcément à surveiller mais c'est plutôt le collectif nantais qui est intéressant depuis le début de saison. S'il manque un peu de mouvement et de vitesse, je les trouve bien en place. Avec Kolo Muani devant ou encore avec Pallois derrière, dont je ne suis pas fan à la base, ils apportent de l'assurance, de la sécurité et des valeurs aussi. Petit bémol, il manque un peu de joueurs formés au club mais ce n'est jamais évident de tous les intégrer d'un coup. Et puis ce n'est pas toujours leur rendre service.

Quentin Merlin fait-il partie de ceux-là ?

Il joue, mais pas à son poste. A mon époque, on a eu la chance et l'opportunité, comme la génération de Pedros avant nous, de bénéficier d'un passage compliqué financièrement au club qui avait été obligé de miser sur les jeunes. Mais ce n'est pas toujours le cas et peut-être que selon Kombouaré, il est important d'envoyer des signaux, qu'ils soient bons ou mauvais. Il faut être conscient aussi que Nantes n'est peut-être plus le premier choix dans la tête des joueurs de top niveau...

Le problème vient-il uniquement de Waldemar Kita ?

Ça tourne en boucle. Je trouve qu'il n'a pas autant fait progresser le club par rapport à tout l'argent qu'il a pu mettre. Ce que je lui reproche, jusqu'à aujourd'hui, c'est de ne pas avoir exposé de projet. Je ne suis pas nostalgique du jeu à la nantaise, c'était une bonne période, tant mieux. Mais là, il n'y à rien. Et quand je parle de projet, je ne parle pas seulement du jeu de l'équipe en L1, je parle du projet club, des pros jusqu'aux plus jeunes. Ça reste très flou aujourd'hui, c'est-à-dire depuis qu'il est arrivé. Il y a des incohérences énormes au sein du club mais bon, le FC Nantes devrait se maintenir en Ligue 1 cette saison. Et quand ça se passe comme ça, tout le monde reste à sa place.

Ces derniers mois, il a été question à plusieurs reprises de rachat. Est-ce que ça peut être une solution ?

C'est une possibilité oui, mais pour ça, il faut qu'un vendeur et un acheteur. Et ça, ce n'est pas acquis. Quand je me rappelle, certains souhaitaient même la descente du club en Ligue 2 il y a quelques mois pour que Kita s'en aille. Quand on voit les difficultés pour des clubs historiques comme Sochaux à remonter dans l'élite, ils ont bien fait de ne pas y aller. Je pense tout simplement que Kita n'a pas envie de vendre malgré de potentiels repreneurs... jusqu'au prochain épisode, et qu'il soit le plus loin possible. J'aimerais bien voir d'autres dirigeants mais il faut dire que Nantes n'est pas le seul club en difficulté. A Bordeaux, à Saint-Etienne, c'est très chaud aussi. Quand tu as eu autant de temps pour faire tes preuves, tu ne peux pas te permettre de tout miser sur l'équipe première. Kombouaré fait du bon boulot mais il faudrait un projet global à Nantes.

En plus de la Coupe de France, les Canaris sont également toujours en lice en Gambardella...

C’est très valorisant pour le club… C'est quelque chose de particulier quand on a 16, 17 ans. C'est la compétition que disputent les meilleurs joueurs, que tu as forcément envie de gagner. La finale est au Stade de France, c'est l'opportunité de gagner un premier titre, de se mettre en valeur en même temps que la formation du club. Les matches sont mis en avant et sont hyper suivis. Je finirais sur un dernier exemple : la génération 95/96 de Montpellier qui nous avait battu en finale à l'époque a sorti moins de joueurs professionnels qu'on en a sorti à Nantes. Comme quoi, la coupe, c'est forcément le moyen de se démarquer !

Crédit photo : Lakhdar Hadjeri

Propos recueillis par Joel Penet