Comment est né Sportingoodz et quel est son concept ?

Avoir travaillé quatre ans dans l'industrie du sport et joué durant quinze ans dans un club associatif fait que j'ai depuis longtemps un attrait fort pour l'écosystème associatif et la notion de club. J'adore m'investir dans le milieu du sport et j'ai notamment bossé deux ans chez Adidas en tant que revendeur tout en ayant la gestion de boutiques à Marseille. Passionné par les métiers du web, je me suis lancé dans le digital et travaillé deux ans dans le e-commerce. Mes expériences m'ont permis de constater qu'on avait énormément d'invendus et de retours de produits cassés. Je me suis demandé ce qu'il était possible de faire de tous ces stocks, dont certains sont retournés chez Adidas après les soldes, de ces raquettes de squash qui nous reviennent cassées parce que la fibre de carbone est très fragile. Après quatre ans à bosser dans le sport, je me suis questionné sur la seconde vie de tous ces équipements.

Qu'en est-il ressorti ?

100 000 tonnes d'articles de sport sont jetés chaque année en France et les invendus représentent 240 millions d'euros. Ces chiffres et ce constat m'ont poussé à démissionner de ma boîte puis à créer, à l'aide des connaissances et compétences que j'ai emmagasinées ces dernières années, un projet qui a de l'impact et du sens pour moi. C'est de là qu'est né Sportingoodz : la première plateforme d'achat d'articles de sport neufs provenant de club de sport.

Qu'est-ce qui vous a convaincu de vous lancer dans l'aventure ?

Une opération lancée avec le SMUC que l'on a surnommée SMUCathlon. On a permis aux adhérents du club de venir déposer les articles de sports qu'ils n'utilisaient plus et organisé un troc durant le week-end avec la possibilité d'acheter ces équipements. Pendant cet événement, la section sportive de foot du SMUC est venue avec deux gros sacs remplis d'équipements des précédentes saisons dont ils n'avaient plus l'utilité. Avec le changement de sponsor ou d'équipementier, ils devenaient en réalité obsolètes. A partir de là, je me suis dit que j'allais me concentrer sur les invendus sur le même principe que le To Good To Go mais sur le sport.

De quelle façon procédez-vous à la récupération des équipements ?

On se déplace personnellement et si on ne peut pas, on fait appel à des transporteurs. Ça ne coûte donc rien aux clubs. Une fois qu'on a réceptionné les colis, on fait un inventaire en estimant la valeur totale et on envoie un récapitulatif au club avec, en plus, la quantité d'émissions de carbone évitée. On a développé un algorithme qui permet à la fois de sensibiliser les clubs à l'impact environnemental des articles de sport et de leur montrer les bienfaits de leur action en chiffres. Action qui va leur permettre par ailleurs de débloquer certains Labels (RSO, Bronze).

Quel est le modèle économique de Sportingoodz ?

Il est basé sur le principe de dépôt/vente. On récupère les stocks à nos frais et une fois qu'ils sont vendus, cela débloque la commission club. On n'ira jamais acheter la marchandise, déjà car notre start-up n'a pas la trésorerie pour mais surtout, cela irait contre notre vision de réduire le gaspillage. Même si un jour, nous travaillerons avec d'autres acteurs type magasins ou redistributeurs, nous aurons toujours la même logique de dépot-vente. L'idée de notre jeune équipe qui commence à percer sur les réseaux sociaux (Tik Tok notamment) est de proposer une plateforme digitale aux clubs qui eux, vont recevoir leur virement sous 30 jours.

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Les clubs amateurs ont-ils rapidement adhéré à votre projet ?

Oui parce que c'est clé en mains. On les débarrasse, ils peuvent enfin mesurer leurs efforts RSE. Les clubs qui font des dons en Afrique, ceux qui récupèrent les crampons des U6 pour les donner aux U7 l'année suivante ne peuvent pas mesurer leurs actions. Sportingoodz leur permet de le faire et les aide à gagner de la notoriété en ligne, qui elle permet d'attirer des sponsors. Avec le Covid qui est passé par là et a obligé les clubs à se serrer la ceinture, j'ai voulu les accompagner, à travers notre plateforme qui est un outil financé, vers une transition éco-responsable. Tout cela en leur faisant gagner un peu d'argent.

L'éco-responsabilité, un sujet qui vous parle depuis longtemps ?

J'y suis vraiment sensible. Pour vous donner un exemple, quand j'étais gamin, j'allais dans les Cash Converter pour acheter une Playstation 2 quand la 3 venait de sortir, ou un jeu de Game Cube parce que j'avais encore cette console. Quand tu rentres dans le magasin, tu ne sais jamais sur quoi tu vas tomber, et j'adore ça ! Tu peux trouver des pépites, des bons plans pas chers et ce même ADN m'anime aujourd'hui quand je récupère des cartons de clubs. Quand je les ouvre, je suis comme un enfant qui découvre ses cadeaux.

Avez-vous aussi, en tant que start-up marseillaise, la volonté d'aider une population et une ville qui rencontrent certaines difficultés sociales ?

Marseille est un terrain de jeu incroyable. Parce qu'il y a la mer, la montagne, des terrains de foot, le Vélodrome et je ne sais combien de clubs de sport. Peut-être 3 ou 4000. Pour démarrer, on ne peut pas trouver mieux et on est super content de travailler avec les clubs locaux comme le Burel FC, Marseille Nord Handball ou d'autres un peu plus éloignés comme Avignon Handball, le Sporting Saint-Cannat, le SC Saint-Martinois... On les aide à agir de façon plus responsable. Beaucoup de start-up sont à Paris, notre force à nous c'est d'être de Marseille. On a envie de faire changer les codes et il y a de grosses institutions avec lesquelles on pourrait aussi travailler comme l'OM, Aix Rugby, le basket avec Fos, les Spartiates au hockey. L'éco-système autour de nous est incroyable, alors profitons-en !

Se rapprocher concrètement de l'OM, c'est dans les projets ?

Bien sûr ! Le rêve, ce serait de pouvoir vendre les dotations des joueurs de haut niveau qui n'ont pas été utilisées avec les initiales des joueurs. En termes de fan zone, c'est le summum. Aujourd'hui, on se spécialise avec les clubs amateurs car on est au démarrage du projet. Au fur et à mesure que notre notoriété va s'agrandir, on touchera plus facilement des clubs plus huppés.

Une centaine de produits sont actuellement disponibles sur la boutique en site de Sportingoodz. En y regardant de plus, on distingue assez facilement ceux estampillés "clubs". N'est-ce pas un frein à la vente ?

Déjà, il faut savoir que derrière nos 100 références produits, existe un stock important de 1500 unités. Concernant votre question qui est très bonne, c'est en fait le pari que l'on prend chez Sportingoodz. On se dit que même si un vêtement est floqué, on peut très bien s'habiller et transpirer avec. Et même partager les valeurs du club et de la ville, tout cela en édition limitée (sourires).

Quelles sont les ambitions et axes de développement de Sportingoodz pour les mois à venir ?

On a fait notre quatre-vingt-dixième vente en ligne. La plateforme est opérationnelle depuis mai, les perspectives sont bonnes et ce qu'on veut, c'est continuer à travailler avec des clubs de sport pour agrandir notre réseau. On veut leur faire prendre conscience que grâce à leur sensibilité sociétale et s'ils jouent le jeu avec nous, car on ne peut pas y arriver tout seul, on réussira à réduire la consommation globale. Les clubs ne vont pas gagner des millions d'euros grâce à nous mais non plus, d'autant plus que nous prenons à notre charge de nombreux frais. L'objectif, c'est de permettre aux gens d'acheter du neuf de façon plus raisonnable. A terme, on souhaite également proposer des services de seconde-main et de reconditionnement.

Recueillis par Thomas Gucciardi