De Calais à Rennes, en passant par Lens, qu'il retrouvera pour la première
fois en tant qu'adversaire, retour, à travers des témoignages, sur
l'itinéraire de Benjamin Bourigeaud.Pour la première fois de sa carrière, et après 108 matches de Ligue 1
disputés avec le Stade Rennais, Benjamin Bourigeaud défiera le RC Lens ce
samedi à 17h00 au Roazhon Park. Contrairement à l’ensemble de ses
coéquipiers arrivés après lui (2017), cela n’a rien d’anodin, puisque c’est
à Lens et plus largement dans le Pas-de-Calais que le milieu de terrain a
été formé. A Calais, puis à Coulogne, l’actuel chef d’orchestre du club
breton a tapé ses premiers ballons, avant de partir à La Gaillette à l’âge
de 11 ans.Et déjà, au cours de cette période de pré-adolescence, le petit Benjamin
dégageait cette aisance technique qui le caractérise aujourd’hui. « On s’est rapidement rendu compte qu’il était au-dessus du lot », se souvient Ezedine Kara, président du club du Calais Beau Marais, et
toujours en contact avec le jeune homme de 26 ans qu’il décrit comme
quelqu’un de « très simple, très humble et très accessible ». Constat confirmé par Thierry Delvallet, éducateur au RC Lens pendant 30 ans, et ayant vu passer de nombreux joueurs sous son aile parmi lesquels
Raphaël Varane : « Il était toujours performant et il voulait toujours en faire plus. Cela
se voyait, sur le terrain, que c’était un leader naturel. On sentait qu’il
allait être pro. » Thierry Delvallet ne s’est pas trompé : aujourd’hui, Benjamin Bourigeaud
fait les beaux jours du Stade Rennais et constitue l’un des maillons
essentiels de l’effectif de Julien Stéphan. Sur le plan national comme sur
la scène européenne, il brille de par ses prestations. Face à Chelsea en
Ligue des Champions, il a notamment été élu joueur du match. Alors, comment
en est-il arrivé là ? Actufoot est parti sur ses traces, et a retrouvé deux personnes l’ayant côtoyé
étant plus jeune.Ezedine Kara, ami de la famille et président du Calais Beau Marais, où
Benjamin Bourigeaud a signé sa première licenceSur le lien qui les unit : Je suis très proche de Benjamin et de son papa depuis que son fils a 10
ans. Depuis, on ne s’est pas quitté. En ce qui concerne Benjamin, il est
issu d’une famille d’ouvriers. Son papa, mentalement et humainement, est
une personne exceptionnelle. Ce qui est notable entre le club et le joueur,
c’est qu’il a signé sa première licence au Beau Marais (quartier de Calais,
ndlr).Sur le joueur, plus jeune : Pour l’avoir vu évoluer, on s’est rapidement rendu compte qu’il était
au-dessus du lot, surtout techniquement. Après, c’est vrai, il a toujours
eu ce petit soucis de gabarit au cours de sa pré-formation et de sa
formation, étant donné qu’il était menu. C’était d’ailleurs le sujet qui
revenait quasiment à chaque fois quand il s’agissait de le renouveler ou
non à Lens. A côté de ça, il faut souligner qu’il a une vraie force de
caractère et qu’il était très vite mature, puisqu’il a quitté le cocon
familial à 10 ans et demi.Le temps d’une journée, Benjamin Bourigeaud avait pris possession du compte
Snapchat du club de Beau Marais.Sur l’homme : C’est bête à dire, mais l’homme est toujours resté quelqu’un de très
simple, très humble et très accessible. Quand il vient au stade à Calais,
il passe son temps à jouer avec les jeunes et a toujours une petite
attention. Pour la petite histoire, le stadium Stecy Suisse a été nommé
ainsi en hommage à son parrain. C’était un joueur, capitaine et homme à
tout faire à Beau Marais. Alors, l’idée a germé de faire sortir de terre un
terrain au nom de Benjamin Bourigeaud. L’inauguration devrait intervenir en
début d’année 2021, avec la pose de la plaque qui va bien.Sur le joueur aujourd’hui : Benjamin est très critique sur ses prestations. Il se remet sans cesse en
question et a une grosse force de caractère. Malgré tout, pour être tout à
fait honnête, je suis un peu déçu qu’il n’ait pas eu sa chance avec
l’Equipe de France. J’aurais aimé qu’il soit au moins dans une liste
élargie. Car il fait souvent partie des trois meilleurs joueurs à Rennes. A
Chelsea il a été élu homme du match. Or, quand il est parti de Lens en
direction de Rennes, personne ne le connaissait.Aujourd’hui il s’est imposé. Il est très régulier, constant, et est
complet. Un joueur qui évolue au poste de 6, box-to-box, avec un pied comme le sien et qui sait tout faire, c’est assez rare. Il
attaque, il défend, il tire les coups francs, les corners. Il est souvent
au départ et à la fin des actions. Alors, c’est vrai, il a quand même une
marge de progression. Il le sait lui-même qu’il peut encore faire mieux. Il
peut notamment être plus décisif. Mais je le trouve de mieux en mieux.Sur son avenir : Alors, partir ou rester ? Je pense, de toute façon, qu’il a une grande
faculté d’adaptation. Peu importe où il est, il pourra toujours se greffer.
Il est prêt à relever des défis. Ce qu’il lui manque peut-être, c’est cet
équilibre familial. Cela pourrait peut-être passer par une expérience à
l’étranger. En tout cas, moi, j’aurais aimé le voir dans un club du top 3
européen. Quoi qu’il en soit, dans les années à venir, il faut qu’il
continue à jouer la Ligue des champions. Ca, ce n’est pas négociable.Thierry Delvallet, éducateur au RC Lens pendant 30 ansComment il a connu Benjamin Bourigeaud : A l’époque, ça bougeait pas mal au niveau de l’organigramme à Lens. Mais
je me souviens qu’en ce qui me concerne, j’étais avec les moins de 13. Et
Benjamin est arrivé juste après. Je ne l’ai pas entraîné à proprement
parler, mais je l’ai vu jouer dans d’autres catégories.Sur son passage à Lens : Lorsqu’il était en U19, il n’a pas disputé beaucoup de matches. Il jouait
quelques fois en Gambardella, mais il a très vite basculé avec la N2. Et
même avec la CFA à l’époque, il n’est pas resté bien longtemps. Pourtant, à
chaque fois qu’il évoluait avec les 19, ça se voyait qu’il était au-dessus
du lot. Tant au niveau physique que dans sa gestuelle et sa vitesse
d’exécution. Il n’y avait aucun match sur lequel il faisait l’impasse. Il
les jouait tous à fond. Il était toujours performant et il voulait toujours
en faire plus. Cela se voyait, sur le terrain, que c’était un leader
naturel. Et on sentait qu’il allait être pro. Il était très mature.Pendant 12 ans, entre 2005 et 2017, Benjamin Bourigeaud a porté le maillot
du RC Lens.Son départ pour Rennes en 2017 : Une fois à Rennes, malgré le statut du club, le niveau de l’équipe et
celui du joueur, j’étais persuadé qu’il allait jouer. Car rappelons qu’en
2017, quand Benjamin est parti, Lens était en Ligue 2 et ne jouait même pas
les premiers rôles. Il a sans doute bénéficié du fait que le Racing n’était
pas à son meilleur. Mais j’étais content pour lui. J’étais certain qu’il
irait plus haut.Sur le joueur et son état d’esprit : En ce qui concerne son statut de leader, on le voit aussi à Rennes. Il
tire les coups francs, les corners… Il s’est clairement imposé. A côté de
ça, il a une grosse activité athlétique. Il est complet et dégage l’image
d’un guerrier. Aujourd’hui, c’est une valeur sûre de Ligue 1. Il peut
encore progresser mais pour cela il faut qu’il continue à jouer.Sur son avenir : Aujourd’hui, je pense que c’est le moment ou jamais pour lui de partir à
l’étranger. Attention toutefois à ne pas se tromper de club. On a vu
certains joueurs, comme Pepe à Arsenal, qui sont partis et qui au final ne
jouent pas beaucoup. Donc quand on part à l’étranger, il faut être sûr
d’aller dans le bon club, là où l’on pourra disposer de temps de jeu.
D’autant que Benjamin peut être un élément moteur de son équipe, comme il
est actuellement à Rennes. Quant à l’équipe de France, c’est peut-être un peu trop tôt pour pouvoir y postuler. Il faudra
attendre le départ de certains maillons indéboulonnables. En tout cas,
c’est un très beau modèle à suivre, au niveau de la formation, de son
parcours, et dont les jeunes peuvent s’inspirer.Propos recueillis par Harry Hozé