Thomas Decottignies n'a que 23 ans mais il possède une carrière déjà bien
remplie. Après une formation au LOSC qui l'aura conduit à participer à
plusieurs semaines d'entraînements sous les ordres de Marcelo Bielsa à
l'époque, son chemin l'avait ensuite mené vers l'IC Croix en National 2.
Aujourd'hui membre de l'équipe de soccer des Huskies de l'université du
Connecticut aux États-Unis, le latéral droit foule désormais les pelouses
de soccer américain. Rencontre.Habitué à la fraîcheur du Connecticut américain, c’est dans une ville de la
métropole lilloise présentant une météo plutôt fidèle au Nord que Thomas
Decottignies s’est prêté au jeu des questions-réponses. De retour depuis
seulement quelques jours des États-Unis, après un récent séjour dans la
célèbre ville de Los Angeles, ce latéral droit de métier prend place dans
les gradins face au rectangle vert, maillot des Huskies de UCONN
(University of Connecticut) brodé du numéro 33 entre les mains.Passer douze ans au LOSC, des U11 aux entraînements du groupe professionnel
de Marcelo Bielsa, il y a pire comme carrière pour un joueur de 23 ans.C’est un peu ça. Je me suis fait repérer par le LOSC en poussins deuxième
année, ce qui correspond à la catégorie U11 ou U12. Derrière, j’y suis
resté douze ans, donc j’ai fait toutes mes classes au LOSC. De l’éveil à la
préformation, puis le sport-étude au collège et au lycée pour ensuite
intégrer le centre de formation du Domaine de Luchin. En U19, j’ai signé
mon premier contrat stagiaire avec Stéphane Dumont. Je pense que c’est
grâce à lui que j’ai pu le signer car au début, je jouais ailier droit sans
avoir un énorme temps de jeu. Il a décidé de me repositionner latéral
droit, et là j’ai commencé à jouer toute la saison avant d’arriver en CFA.À ce moment-là, tu n’intègres pas tout de suite le groupe professionnel,
même si forcément, ça reste un fil rouge dans un coin de ta tête…Déjà, il faut savoir qu’en CFA ça joue beaucoup plus dur sur l’homme. Il y
a donc un temps d’adaptation. Et puis cette année-là, Hervé Renard avait
ramené beaucoup de joueurs. Donc par moments, il n’y avait quasiment que
des pros qui évoluaient en réserve le week-end. Finalement, je suis arrivé
en CFA en même temps que Marcelo Bielsa à la tête de l’équipe première. Sur
un match contre Arras que je ne devais pas jouer, j’ai profité de l’absence
d’un joueur pour faire partie du groupe, rentrer en jeu et marquer.
Derrière je me suis entraîné plusieurs semaines avec les pros et Marcelo
Bielsa. Et puis peu de temps après, il s’est fait virer, tout
l’organigramme a été refait, les jeunes sont repartis en CFA et je n’ai
quasiment plus joué du tout avec Patrick Collot qui était le coach.Et là, il faut alors repartir de zéro ?C’était assez compliqué pour moi. J’étais un peu dégoûté parce que
forcément, quand tu touches le monde pro et que tu dois repartir de zéro,
ça provoque forcément de la déception. Après ça, mon objectif c’était
vraiment de retrouver plaisir à jouer au foot. J’ai fait une saison quasi
blanche donc c’était dur de retrouver un club. Mon père connaissait un peu
l’entraîneur de l’Iris Club de Croix et lui a parlé de ma situation. Il lui
a alors répondu que je pouvais participer aux entraînements et servir de
complément dans le groupe. J’ai donc signé à Croix, et en commençant la
saison, j’ai intégré le onze titulaire pendant une dizaine de matches
jusqu’à une blessure.« Ce sont des matches dans lesquels tu apprends car tu joues l’élite, la
Ligue 1. Ce sont de vrais bons souvenirs »Thomas DecottigniesTu retrouves petit à petit le plaisir du football. Des sensations d’autant
plus renforcées par un incroyable parcours en Coupe de France.On avait commencé par des matches comme contre Pays de Cassel, ce genre de
matches un peu dangereux puisque forcément, en étant d’un niveau supérieur,
c’est toi qui a le plus à perdre. Derrière c’était un peu compliqué mais on
gagnait nos matches, jusqu’à arriver au 7ème tour et l’entrée des équipes
de Ligue 2. On tape le Paris FC et avec de la réussite, on passe. Au 8ème
tour, tirage au sort : Boulogne (N1). Encore une fois, on passe aux tirs
aux buts. En 32ème de finale, on joue Raon-l’Étape (N2), et en 16ème de
finale, on se déplace à Marignane (N1) à côté de Marseille. Je ne joue pas
ce match car je revenais de blessure et je n’avais pas de temps jeu.
Derrière, on reçoit Dijon (L1) en 8ème de finale. On avait tellement
d’absents que j’ai dû jouer latéral gauche. Au bout de trois minutes, on
prend un carton rouge et un penalty. Ce sont des matches dans lesquels tu
apprends car tu joues l’élite, la Ligue 1. Ce sont de vrais bons souvenirs.Pourtant, tu es à cet instant précis loin d’imaginer que ton avenir
s’écrira finalement aux États-Unis…Quand j’étais en CFA au LOSC, la structure appelée FFF USA (un programme
soutenu par la FFF et la Major League Soccer) qui vient dans les centres de
formation pour essayer de recruter des joueurs est passée par le Domaine de
Luchin. Moi, dans un état d’esprit où je ne jouais pas, je me suis dis
pourquoi pas. Puisque j’avais arrêté mes études de kiné en signant mon
contrat stagiaire, j’avais l’occasion de reprendre les cours en intégrant
une université qui prenait en charge la totalité des frais. Ça ne me
coûtait rien d’aller faire les essais. Ça s’est plutôt bien passé mais à
l’époque je voulais vraiment réussir en France. Donc je suis resté à Croix.
Finalement, le fait de ne pas avoir été prolongé derrière m’a convaincu
d’aller repasser les essais avec FFF USA à Clairefontaine. De là, près de
quinze universités se sont manifestées.Ton choix s’est finalement porté sur l’université du Connecticut et ses
Huskies…Après les essais, une université me propose de me payer le voyage pour
venir visiter le campus pendant quelques jours. Je suis donc arrivé là-bas
après mon vol Paris-Boston. On vient me chercher en taxi à l’aéroport. De
là, ils me font visiter les installations. Je tombe sur un campus américain
de 60 000 élèves. Il y a du monde partout, des infrastructures sportives
que l’on ne voit nul part ailleurs. Par exemple, on a un stade pour le
soccer qui fait 2000 places. Et c’est pareil pour le basket, pour le
football américain ou pour d’autres sports. Je suis rentré en France, j’ai
passé l’ensemble des tests nécessaires, comme celui d’anglais, et je me
suis engagé. Pour l’anecdote, j’étais en vacances avec mes parents quand
les coaches m’ont appelé pour me dire qu’il fallait que je revienne sur le
campus car il y avait la pré-saison. Du coup, j’ai quitté les vacances,
j’ai pris mes valises et je suis arrivé là-bas…« Nous les Européens, après les entraînements, on passait du temps dans les
bains froids, alors que les Américains partaient dix minutes après.
Forcément, en nous voyant faire ça, à la fin de la saison on faisait tous
la même chose »Thomas DecottigniesQuelles sont les choses qui t’ont le plus marqué entre le football en
France et le soccer aux États-Unis ?Tout d’abord, la culture américaine est totalement différente car tout le
monde t’intègre et tout le monde s’en fiche que tu sois un nouveau. D’un
point de vue sportif, la saison régulière dure six à sept semaines pour
douze matches à jouer. Donc au début, il faut s’habituer à jouer tous les
trois jours. Derrière, en fonction de ton classement, tu joues les tournois
de conférences qui, à termes, peuvent te mener à la finale nationale. Il
faut savoir que les universités américaines aiment avoir des joueurs
européens car ils nous considèrent comme tactiquement et techniquement
beaucoup plus développés. La grande différence, c’est que les Américains
travaillent beaucoup plus physiquement, donc sur le terrain tu as beaucoup
plus d’athlètes que de joueurs de foot. Après, ça ne veut pas dire que le
niveau n’est pas bon, mais toi tu es surtout là pour les aider à progresser.Faire progresser des athlètes d’un point de vue football, en quoi ça
consiste ?Les coaches aiment bien nous demander ce que l’on pense des entraînements
et ce qui pourrait être changé. On aide aussi bien les coaches que les
joueurs puisqu’on a vécu plus de choses qu’eux, de par notre culture du
football qui est différente en Europe. Je me souviens quand nous sommes
arrivés là-bas, il y avait par exemple des conservations sur des grands
espaces. De là, on leur a dit que de temps en temps, on aimait bien aussi
les petits jeux réduits sur des espaces plus courts. Maintenant on alterne
les deux. Je ne dirais pas que nous sommes des exemples pour eux, mais
c’est sûr qu’en sortant d’un centre de formation, on a une routine et une
hygiène différente. Par exemple, nous les Européens, après les
entraînements, on passait du temps dans les bains froids, alors que les
Américains partaient dix minutes après. Forcément, en nous voyant faire ça,
à la fin de la saison on faisait tous la même chose et on était tous dans
le même bateau.Notre dernière question est peut-être un petit peu piège mais… à quand un
Thomas Decottignies en Major League Soccer ?C’est en quelque sorte mon objectif. L’opportunité d’aller à la DRAFT¹ ne
se présente qu’en ayant validé quatre années dans le championnat
universitaire, soit l’équivalent d’un diplôme. Moi, quand je suis parti,
mon objectif n’était pas juste de reprendre les cours et d’aller kiffer ma
vie aux États-Unis, mais de continuer et d’essayer de passer pro. Si
j’arrive à signer quelque chose en Major League Soccer ou en United Soccer
League (seconde division), m’installer là-bas ne me dérangerait pas puisque
la vie américaine, je m’y suis fait. S’il fallait choisir, je dois avouer
que l’Inter Miami (le club de David Beckham) c’est plutôt pas mal. Mais
j’aime aussi les New York Red Bulls et puis la côte ouest avec les Los
Angeles Galaxy. Mais je reste évidemment ouvert à toute la Major League
Soccer !¹ La DRAFT est le jour de l’année durant lequel les franchises des sports
collectifs américains choisissent des joueurs directement au sein des
universités américaines.Propos recueillis par Lucas Obin