16 décembre | 16h58
Warren Zaire-Emery, le surdoué du PSG
Son entrée fracassante en Youth League contre le Club Bruges et le scénario rocambolesque de la partie ont braqué pour de bon les projecteurs sur lui. Car, à seulement 15 ans, Warren Zaire-Emery est un monstre de précocité comme on en a rarement vu du côté de la porte d'Auteuil. Parcours d’un bonhomme qui fait tout plus vite que tout le monde.
Début septembre, une petite délégation de jeunes de l’équipe U19 déboule à l’entraînement des professionnels du Paris Saint-Germain. Jusque-là rien d’étonnant, l’effectif de Mauricio Pochettino est dépeuplé par la trêve internationale. Les titis gambadent alors au milieu des seconds couteaux parisiens. Une image vaut quand même le coup d’œil… Celle d’un gamin de 15 ans, Warren Zaire-Emery, partageant son premier entraînement professionnel avec une légende de son sport en phase de reprise après une longue absence et payant des années de sacrifices pour se maintenir au plus haut niveau, Sergio Ramos (35 ans). Le moment est éphémère, peut-être même que leurs regards ne se sont pas réellement croisés, ou juste un instant, mais le symbole est bouleversant.
Pour se faire une idée, le jour de la naissance de Warren, le 8 mars 2006, Ramos dispute un huitième de finale retour de Ligue des champions à Highbury. Il est alors déjà un titulaire indiscutable au Real Madrid et affronte les Gunners de Wenger et Henry, futurs finalistes de l’épreuve. Quelques mois plus tard, le 27 juin, l’Espagnol tombera avec sa sélection face aux Bleus de Zizou lors d’un nouveau huitième de finale, en Coupe du monde cette fois, que Thierry Gilardi fera passer à la postérité avec son irrésistible « Vas-y mon petit ». Pendant ce temps, à quelque 700 kilomètres de l’enceinte de la HDI-Arena d’Hanovre, Franck Emery, ex-joueur de région parisienne et bientôt éducateur, rêve de voir son nouveau-né devenir footballeur.
Si tu veux jouer au foot, apprends d’abord à faire tes lacets
Franck Emery, le père de Warren
Peut-être revoit-il le coup de casque vainqueur de Patrick Vieira face à Iker Casillas quand il s’amuse à lui faire faire des têtes dans le cosy ? Ou, sans doute, que l’image libératrice du rush de Franck Ribéry lui reviendra à l’esprit à chaque fois qu’il lui glissera sans dire un mot : « Vas-y mon petit » … Quoi qu'il en soit le « petit » Emery découvre le football avant de savoir marcher. Son père l’emmène notamment aux entraînements qu’il dirige et lui souffle : « Si tu veux jouer au foot, apprends d’abord à faire tes lacets. » À quatre ans et des poussières, Warren sait faire un nœud et la grande aventure démarre au FCM Aubervilliers. Trop jeune, il y évolue un an sans licence, bien encadré par Farid Messani en charge des débutants du club. « Il était tout petit. Vraiment. Bien plus que ceux de son âge. Mais, dès la première année, on a vu qu’il avait un toucher… Rapidement, on l’a emmené à tous nos tournois et à chaque fois c’est lui qui nous faisait la différence. On sentait qu’il avait quelque chose en plus… », raconte l’éducateur baba.
Emery est un phénomène, déjà. Son père Franck rebondit rieur : « Lors des tournois, il prenait le trophée du meilleur joueur à chaque fois. On a même eu des réclamations parce qu’il faisait parfois le tournoi U9 le samedi, puis U8 le dimanche… » Mourad Mouhoubi, responsable de l’école de football du PSG de l’époque, a l’oreille qui traîne à Aubervilliers et fatalement le nom de Warren Zaire-Emery ne tarde pas à venir s’y glisser. Résultat, les vacances qui suivent Mouhoubi demande à Franck Emery d’amener son fils à un entraînement. Puis, au fil des semaines, les aller-retours entre Aubervilliers et Saint-Germain-en-Laye sont de plus en plus fréquents. Jusqu’au mois d’avril 2014. Paris veut alors à tout prix faire prendre une licence au garçon pour qu’il dispute le lever de rideau U9 de la finale de la Coupe de la Ligue 2014 entre l’OL et le PSG. Bingo. Numéro 10 sur le dos, il y marque un but superbe au Stade de France… « Il fait une feinte de passe, puis un crochet, il accélère et met une frappe sous la barre… », rembobine son papa. La première page de l’histoire de Warren Zaire-Emery avec Paris.
Il avait fini parmi les quatre meilleurs joueurs alors qu'il avait pratiquement trois ans de moins que les autres
Hervé Guégan à Goal
Jouer. Toujours jouer. Il n’y a plus que ça. « Il jouait tout le temps au foot. Tout le temps. Il pouvait aller faire un tournoi avec Aubervilliers ou le PSG la journée, et en rentrant le soir me dire : " Tiens papa, prends mon sac, je descends en bas pour jouer avec mes potes. " C’est important pour moi qu’il garde ça, d’autant qu’on apprend d’autres choses à la cité, une manière différente de jouer que dans un centre de formation… », glisse Franck. L’homme en sait quelque chose. Lui aussi a évolué dans un centre de formation, mais sans jamais signer pro… « Je sais ce qu’il ne faut pas faire », explique-t-il sobrement. En parallèle, Warren roule sur la préformation. Impressionnant de facilité et meilleur buteur de la « Ligue des Promesses » en décembre 2018 avec les U13 d’Arnaud Amaouche, le numéro 6 crève l’écran ensuite lors de l’Al Kass International U16 Cup. Son ancien entraîneur Hervé Guégan le couvrait d’ailleurs de louanges à ce sujet dans des propos rapportés par Goal France : « Warren, c'est un excellent joueur, très sobre, efficace et qui dégage une grosse maturité pour son âge. Au tournoi Alkass, il avait fini parmi les quatre meilleurs joueurs alors qu'il avait pratiquement trois ans de moins que les autres. Sur le plan physique, il est déjà au niveau. Il fait des choses tactiquement que les autres ne font pas. Un joueur comme ça, c'est quand il est absent qu'on s'aperçoit de toute son importance. » Tout est dit, ou presque.
Warren Zaire-Emery est constamment surclassé. À ses 14 printemps, il évolue ainsi avec l’équipe U17 du PSG. Mais, en début de saison, son père le pousse encore : « Essaie d’aller gratter des matches en U19, si tu peux… ». Quelques semaines plus tard seulement, Emery forme avec Ayman Kari un double pivot indéboulonnable de l’une des meilleures équipes U19 des dernières années à Paris. Philippe Goguet, fondateur du site spécialisé CulturePSG et co-auteur du livre « Rouge et Bleu », décrypte : « La maturité de Zaire-Emery dans la gestion du ballon, des temps forts et des temps faibles, c’est exceptionnel. C’est un régulateur de jeu hors norme. Le régulateur d’une très bonne équipe en plus, l’une des meilleures depuis des années en U19 au PSG. Quand il n’est pas titulaire, on l’a vu contre Bruges, son équipe souffre… Alors qu’il n’a que 15 ans. Normalement, Zaire-Emery c’est un première année U17… En termes de maturité dans le jeu, je n’avais pas vu ça depuis (Kingsley) Coman, voire (Mamadou) Sakho. C’est une comète. Et, évidemment que le PSG compte sur lui à moyen terme, mais ça va être compliqué de le faire signer parce que toute l’Europe le connaît déjà aussi… »
Baptiste Pousse, qui a croisé la route du bonhomme en championnat avec ses U19 de Saint-Pryvé Saint-Hilaire, ne dit pas autre chose : « Ce qui m’a marqué, c’est sa maturité. Dans un match facile (victoire 5-0 du PSG), il ne surjoue pas. Malgré le fait que son équipe mène, il ne va pas entrer dans de la fantaisie à vouloir prendre le ballon et éliminer ou en faire trop, mais il va rester dans ce qu’on lui demande, il va continuer à être une plaque tournante, à orienter le jeu, c’est impressionnant par rapport à son âge. » Zaire-Emery, qui a signé un contrat aspirant qui le lie au PSG jusqu’en juin 2024 en avril dernier et qui a récemment découvert l’équipe de France U16 de Jean-Luc Vannuchi, est sur des temps de passage de géant. À lui de garder la cadence pour que « petite Emery » devienne grand.
Tout propos recueillis par Augustin Delaporte, sauf Hervé Guégan dans Goal
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