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3 février | 19h21

Du BEF à la Ligue 1, Didier Digard dans l'oeil de ceux qui l'ont côtoyé en formation

Propulsé à la tête de l'OGC Nice le 10 janvier dernier, Didier Digard ne possède pas le BEPF indispensable pour entraîner en Ligue 1. Néanmoins, il est, fort de ses résultats et d'une dynamique de jeu retrouvée, en train de valider le choix audacieux de ses dirigeants. Ceux qui l'ont côtoyé lors de la promo 2020-2021 du BEF l'ont raconté.

OGC NICE DIDIER DIGARD

Juin 2021, Didier Digard obtient son premier diplôme d'entraîneur. Puisque l'ancien milieu de terrain dépasse les 100 matches joués au niveau national durant sa carrière, il entre directement au BEF sans passer par la case BMF, passage obligatoire pour l'éducateur lambda qui débute tout en bas de l'échelle. Au sein d'une promotion de 23 apprentis, Digard fait rapidement l'unanimité, ses collègues et formateurs mesurent que le bonhomme se trouve bien à l'endroit où il veut et doit être. "Au départ, on discute pour savoir si l'intérêt de l'ancien joueur professionnel est vraiment de se reconvertir en tant qu'entraîneur. Quand j'ai eu ce contact avec Didier, j'ai senti qu'il avait bien réfléchi à sa reconversion et ce vers quoi il voulait s'orienter. Il a passé les tests d'entrées avec succès et dès qu'il est entré en formation, on a vu qu'il avait un potentiel de base très concret", se souvient Nicolad Dubois, l'un de ses formateurs avec Jean-François Verget.

Durant une année à raison d'une semaine par mois particulièrement dense (8h-19h), les stagiaires se retrouvent pour différents modules et sessions en compagnie des moniteurs de la Ligue Méditerranée. Des liens se créent entre les uns et les autres, au gré des exercices mis en place par binôme, et des conditions parfois peu évidentes quand la pluie s'en mêle en plein hiver. "Je me rappelle d'un soir où l'on faisait le débriefing d'une journée assez dure. On était tellement fatigués qu'on ne se rappelait plus du tout d'un exercice qu'on avait mis en place tous les deux. Après un fou rire, il me dit : "Greg, si un jour j'ai Alzheimer, je me rappellerai quand même de cette anecdote là !". Grégory Bernard est l'un de ceux qui a noué une relation forte avec l'actuel entraîneur de l'OGC Nice. Il rembobine leur rencontre : "Tu appréhendes toujours l'attitude que les anciens pros vont avoir, mais que ce soit Didier, Djamel (Bakar), Alexandre (Licata) ou Julien (Faubert), tous ont été tops humainement. Didier n'a pas joué de rôle, il n'a insufflé que du positif dans le groupe."

Alors qu'ils se connaissent à peine, les deux hommes se retrouvent à Marseille un soir de match de l'OM. "Lorsque j'entraînais les féminines de l'Olympique de Marseille, j'avais droit à deux places pour chaque match de Ligue 1 mais avec la jauge à 1000 places pendant le Covid, le club les avaient supprimées. Didier, qui est très proche de Steve Mandanda, m'a invité alors qu'on se connaissait à peine. Il m'a fait rencontrer le capitaine de l'OM alors que moi, en tant que salarié du club à ce moment-là, je n'avais même pas le droit de l'approcher !", se marre celui qui officie à présent dans le monde amateur, à l'ES Fos (R1), où il entraîne spécifiquement les gardiens de but.

Un leadership naturel

Lorsqu'il débute son BEF, Didier Digard n'est encore que l'adjoint des U17 Nationaux de l'OGC Nice. Vincent Madeleine a fait sa connaissance lorsqu'il travaillait chez les Aiglons, découvrant plus amplement l'homme et l'entraîneur en devenir lors de leur formation commune. "Nos premiers échanges ont été marquants pour moi. C'est un garçon avec des valeurs rares, on comprend après avoir échangé et fait des travaux pratiques avec lui en formation pourquoi il a été un leader naturel en tant que joueur", pose l'éducateur des U18 R du FC Mougins. Nicolas Dubois lui emboîte le pas : "Ce qui émane de lui quand tu le rencontres, c'est déjà ce leadership naturel. Quand il rentre dans une pièce, il dégage à la fois une grosse personnalité et de l'humilité. Il s'est très bien intégré au groupe, n'a pas rechigné au travail et c'est ce qu'on demande aux anciens pros en formation. Ils doivent travailler autant que les autres voire plus finalement parce que eux n'ont pas eu à passer le BMF."

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La promotion 2020-2021 du BEF avec quatre ex-professionnels dont Didier Digard désormais à la tête de l'OGC Nice. (Photo : Ligue Méditerranée).

Il parle souvent de ce qu'il a connu en Espagne notamment et on sent qu'il essaie de le retranscrire, que ce soit sur le plan du jeu ou du management.

Nicolas Dubois, son formateur au BEF

Leader charismatique sans que ses nombreux tatouages y soient pour quelque chose, Didier Digard a en lui ce qu'il faut pour manager un groupe et un vestiaire au haut niveau. Proche de la nouvelle génération comme de l'ancienne, il a agrandi et consolidé dès sa nomination la passerelle entre le centre de formation et les pros. Régulièrement présent sur les installations de l'OGC Nice où il effectue sa formation dans le cadre de l'obtention du BEFF, Nicolas Dubois a eu l'occasion de constater les nombreuses responsabilités déléguées à Didier Digard ces derniers mois. "Manu Pirès a très bien vu qu'il pouvait compter sur ses compétences et Didier a commencé à mener des projets. Ensuite, ils lui ont confié la N3 ce qui n'était déjà pas rien et quand le poste des pros s'est libéré, il était certes adjoint mais tu sentais que le club avait confiance en lui. Au centre de formation, il avait une aura particulière qui lui permettait d'avoir la confiance de tous et aujourd'hui, il y a du liant entre l'académie et l'équipe professionnelle." A l'instar ce qui se passe à Lorient avec Régis Le Bris propulsé du centre à l'équipe première, les meilleurs éléments de la N3 bénéficient de la présence de leur ancien entraîneur en réserve pour se montrer. Après Badredine Bouanani titularisé contre Lille et auteur d'une offrande pour Gaëtan Laborde (1-0), le défenseur Antoine Mendy lancé d'entrée à Lens (0-1) a livré un gros match, s'offrant lui aussi une passe décisive.

Des principes bien établis et une vraie connaissance du jeu

Au-delà du fait qu'il ne possède pas le BEPF, son manque d'expérience prétendu pour un tel poste combiné aux ambitions et au projet porté par INEOS ont suscité quelques interrogations chez les observateurs. Des doutes devenus moins flagrants après sa première sortie à l'Allianz (6-1 contre Montpellier) et déjà presque définitivement balayés après la victoire mercredi à Bollaert, alors que les Artésiens sortaient d'un dix sur dix à domicile. S'il a fallu beaucoup de réussite pour qu'il ne se retrouve pas mené contre le LOSC, l'OGC Nice version Digard a retrouvé de la personnalité et un visage séduisant dans l'expression collective. Tout ce que n'a pas réussi à ramener Lucien Favre lors de son deuxième passage.

A contrario du Suisse, la philosophie, les principes de jeu et le discours du jeune technicien (36 ans) ont été rapidement assimilés par son groupe. "Ce qui nous a tout de suite interpellés, c'est l'exigence qu'il pouvait avoir sur l'intensité et la qualité technique à mettre dans les entraînements. Il en parle lors de ses conférences de presse et ça fait un digne retour par rapport à ce qu'on avait imaginé de lui. Avec sa connaissance du monde professionnel et du haut niveau, je pense qu'il était déjà avancé par rapport aux autres", explique Nicolas Dubois, soulignant l'influence et l'importance du passage de son élève au Betis Séville. "Il s'est nourri de ses différentes expériences en France et à l'étranger. Il parle souvent de ce qu'il a connu en Espagne notamment et on sent qu'il essaie de le retranscrire, que ce soit sur le plan du jeu ou du management. C'est-à-dire inspirer beaucoup de confiance à ses joueurs pour qu'ils relancent sereinement les ballons et soient capable d'avoir la possession comme le veut l'OGC Nice."

"A la différence de beaucoup d'anciens pros qui pensent que ça facilite les choses d'avoir été sur le terrain, Didier a su dès le départ que c'est un métier qui s'apprend, avec des bases à acquérir", reprend Vincent Madeleine. Il a eu tout de suite cette humilité de se mettre au niveau de tout le monde, de pas se mettre en avant par rapport à son expérience de joueur mais par rapport à sa connaissance du jeu qui est juste indéniable." L'éducateur mouginois se remémore un échange marquant avec son copain de promo : "Lorsqu'on discutait à propos d'un thème, il m'avait dit : "J'ai ma philosophie, mes principes de jeu, j'y crois dur, et c'est moi qui décide de comment l'adversaire va me faire mal. Je sais qu'il va vouloir me faire mal de cette façon, mais je ne vais pas subir". C'est quelque chose qui est ancré en lui et je crois savoir que son passage au Betis Séville avec l'ancien coach du Barca (Quique Setien) l'a beaucoup marqué de ce point de vue."

Et si c'était aussi lui l'avenir sur le banc du Gym ?

Après avoir enchaîné le BEF puis le DES avec la Ligue Méditerranée tout en gravissant les échelons à l'OGC Nice, Didier Digard est en train de démontrer sa capacité à entraîner en Ligue 1 même sans le DEPF, sésame indispensable pour être dans les clous aux yeux des instances. "Il a été joueur et capitaine du club, entraîneur au centre de formation, promu dans le staff des pros à deux reprises (avec Adrian Ursea puis Lucien Favre), en fait, il connait parfaitement l'OGC Nice et ses composantes. C'est un gros avantage", juge Vincent Madeleine. Il est apprécié par l'ensemble du club et ça aussi, c'est un point fort précieux dans son adaptation à son nouvel environnement. Et il a une extrême connaissance du jeu qui est pour moi la base."

Nicolas Dubois a conscience que Didier Digard "devra avoir des résultats sur la durée mais il a les compétences pour garder l'équipe et aller au BEPF assez rapidement. C'est ce qu'il souhaite dans un avenir proche", ajoute en connaissance de cause le formateur de la Ligue Méditerranée. Grégory Bernard est lui réaliste. "A l'époque du BEF, il était adjoint chez les jeunes. Vous imaginez l'ascension ! Dans la promo, on est contents pour Didier même si on sait qu'on atteindra jamais des niveaux comme ceux-là. Mais ce n'est pas pour autant qu'on va jalouser des mecs qui ont fait des carrières pros et qui réussissent."

La création d'un groupe Whatsapp où le sérieux et le moins sérieux alternent est la preuve de l'ambiance qui a régné et règne encore dans la promo 2020-2021 du BEF. "C'est la mode, on est quelqu'uns à toujours être actifs et il en fait partie. Didier répond toujours quand on le mentionne ou qu'on le félicite. C'est lui qui a eu la plus belle promotion et exposition donc c'est bien normal." Le Marseillais pur sang Grégory Bernard a d'ailleurs taquiné son pote avant le derby OM-Nice de dimanche. "J'attendais la signature de Moffi pour le chambrer sur ses propos, quand il a dit que c'est un joueur intelligent d'avoir choisi Nice plutôt que Marseille. J'étais prêt à dégainer ! (rires)." Au-delà de la performance de l'international nigérian qui sera scrutée de près au Vélodrome, celle de l'équipe de Didier Digard le sera tout autant dans un tel contexte. Fort de 10 points glanés sur 12 possibles, l'entraîneur des Aiglons a l'opportunité de frapper un immense coup chez le dauphin de Ligue 1 invaincu depuis le 22 octobre. Et de montrer que c'est lui, dont le banc de l'OGC Nice a besoin sur la durée.

Crédit photos : Ligue Méditerranée Football

Thomas Gucciardi

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