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Interviews

14 avril | 17h00

Fedora Sence : "La France est en retard dans l’accompagnement hors terrain"

A la tête de Football Performance, Fedora Sence nous explique les tenants et les aboutissants de son métier, celui de Performance Manager. Avec une méthode d'accompagnement du joueur au quotidien selon quatre grands principes plébiscitée de la Bundesliga au National 2, en passant par la Premier League.

PREPA MENTALE

Fedora, pouvez-vous d'abord vous présenter aux lecteurs qui ne vous connaîtraient pas ?

Ce qu'il faut savoir c'est que je suis fille de footballeur professionnel. Mon père (Philippe Sence ndlr), ancien gardien passé par Bordeaux et Nîmes, entraîne aujourd'hui les gardiens de l'Arabie Saoudite dans le staff d'Hervé Renard. J'ai donc baigné dans le monde du football dès ma plus tendre enfance. Je suis quasiment née dans un stade de foot ! (rires) Cette passion a fusionné avec mon attrait pour l'humain et l'accompagnement pour donner naissance à ma société, Football Performance, en 2019.

Comment définiriez-vous votre concept ?

Cette société se définit selon 4 piliers. Les fondations de la maison comme je les appelle. Il y a la nutrition. Elle est spécifique au sport et au poste, on ne nourrit pas un footballeur comme un boxeur ou un gardien comme un défenseur. Puis l'hygiène de vie, sommeil, récupération, hydratation. Le troisième pilier est l'auto-discipline : s'évaluer après un match, savoir ce qui est bon pour soi. Et enfin la préparation mentale. J'ai développé ce quatrième point après les trois autres car je me suis rendue compte que cet aspect entrait forcément en compte dans la performance. On travaille notamment sur la concentration, les objectifs, la gestion du stress.

Comment l'avez-vous fait connaître ?

J'avais beaucoup de footballeurs dans mon réseau. J'ai été en section sportive hand dans un lycée du Havre, quand mon père entraînait au HAC. On était mélangés avec les autres sportifs du lycée, dont des footballeurs. C'est à partir de là que j'ai commencé à étoffer mon carnet d'adresse. Mon tout premier client était Riffi Mandanda, qui est un ami, pour un accompagnement essentiellement basé sur du coaching bien-être et de la nutrition. Parmi mes clients, il y avait également Jérôme Roussillon, latéral de Wolfsburg, que je connais depuis 12 ans. Entre 2018 et aujourd'hui, j'ai accompagné près d'une cinquantaine de joueurs, du National 2 à la Premier League.

Avez-vous observé certaines mauvaises habitudes prises par des joueurs ?

Bien sûr. Et pas seulement en N2, il y a aussi des joueurs évoluant en Ligue 1 qui ont pris de mauvaises habitudes alimentaires. Il reste beaucoup de travail à faire à tous les niveaux. La France est en retard dans l'accompagnement hors-terrain. En Angleterre, en Allemagne, même en Belgique, je vois comment ça se passe. L'hygiène de vie est au cœur des joueurs est au cœur des préoccupations des clubs. En France, on commence à s'en soucier mais il y a du retard.

Comment se matérialise cette approche à l'étranger ?

On va avoir recours à des nutritionnistes, faire de la prépa mentale, organiser des séances de yoga par exemple. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'un joueur de football ne passe pas sa vie au club. Là où j'interviens le plus souvent, c'est au domicile des joueurs. Je me rapproche notamment des femmes de joueurs, car elles ont un rôle central au quotidien, dans leur hygiène de vie, leur alimentation... Il m'arrive de parler beaucoup plus avec les femmes des joueurs qu'avec les joueurs eux-mêmes par moment !

Un joueur peut être bon pendant deux ou trois ans, mais s'il ne se préoccupe pas de l'aspect hors-terrain, ses performances sur le terrain finiront par diminuer.

Peut-on faire une carrière au haut-niveau sans se préoccuper de ces choses-là ?

Un joueur peut être bon pendant deux ou trois ans, mais s'il ne se préoccupe pas de l'aspect hors-terrain, ses performances sur le terrain finiront par diminuer. Pour trouver la régularité, il faut un équilibre. Prenez Thierry (N'Joh Eboa, joueur de Louhans-Cuiseaux ndlr). A 28 ans, il est en pleine possession de ses moyens. Il n'y a pas de secret, il se comporte en professionnel. On ne peut pas faire du travail physique et laisser de côté le reste. Si tu manges mal, si tu t'hydrates mal, si tu ne travailles pas sur ton mental, ça ne fonctionnera pas. Pour faire ce que fait un joueur comme Cristiano Ronaldo à 37 ans, il faut bien prendre conscience que tout est lié.

Vous avez également collaboré avec une équipe, celle de Louhans Cuiseaux en N2 C. Parlez-nous un peu de cette expérience.

Je travaille depuis 3 ans avec Thierry N'Joh Eboa, latéral du club, que j'ai connu lorsqu'il évoluait à Sedan alors que je m'occupais également de son ami Joris Correa, aujourd'hui à Grenoble. Il m'a présenté le projet de Louhans, un club ambitieux qui veux mettre toutes les chances de son côté dans cette grosse bagarre qu'est le National 2. Après avoir rencontré le président et le staff, on a entamé une collaboration basée sur le conseil personnalisé, l'accompagnement des joueurs hors-terrain.

Quelles différences avez-vous observé dans la mise en place de votre méthode entre le N2 et le très haut niveau français ou étranger ?

Je suis habitué à travailler avec des professionnels. Le recours à un Performance Manager est finalement très rare dans le monde semi-pro. Il y a la question du budget qui peut se poser pour certains, d'autres ne connaissent tout simplement pas ce métier. Puis tout dépend du projet du club. En N2, il y a différents profils. Vous avez de jeunes joueurs qui visent le top niveau. Beaucoup sortent de centres de formation donc il y a déjà une base dans la nutrition et la préparation mentale. Il y en a d'autres qui ne l'ont pas, et quand il n'y a pas d'approche dédiée au sein du club, c'est un peu au bon vouloir de chacun. Alors qu'en N2, on joue tous les week-end, on s'entraîne tous les jours, les joueurs vivent du football. Donc finalement, il n'y a pas de grande différence avec un club pro. Si un club veut rendre vers le professionnalisme, il doit se comporter comme tel. C'est donc tout à son honneur de vouloir apporter une valeur ajoutée sur le côté nutrition, hygiène de vie, accompagnement hors terrain. Mais c'est un vrai défi sans moyen ou structure.

Propos recueillis par Simon Marachian

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