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Interviews

9 novembre | 17h00

Mickaël Madar : "On a voulu me nuire"

Dernier entraîneur à s'être assis sur le banc de l'AS Cannes lors d'un derby contre Grasse en DH, Mickaël Madar a accepté, pour Actufoot 06, de revenir sur cette saison 2015-2016 marquée par la non-accession finale des Dragons à cause d'une grossière erreur administrative. Trop grossière pour n'être qu'une erreur, selon lui... (Photo : DR).

NATIONAL 2 N2 A AS CANNES AS CANNES N2

L'issue sportive irrationnelle qu'il a vécue avec l'AS Cannes lors de sa seule et unique saison sur un banc d'entraîneur (2015-2016) l'a tellement écoeuré que Mickaël Madar assure ne plus être intéressé par les résultats et l'actualité d'un club dont il a aussi, durant deux ans (92-94), fièrement défendu les couleurs aux côtés des jeunes pépites qu'étaient Patrick Vieira ou Johan Micoud. A quelques jours du derby de N2 (samedi, 18h) entre Grasse et Cannes qui se retrouvent pour la première fois depuis sept ans en match officiel, l'ancien attaquant et coach des Dragons a tout de même accepté de revenir dans nos colonnes sur la fin de sa courte aventure cannoise. Elle reste un épisode profondément douloureux de sa vie.

Actufoot 06 vous a sollicité car samedi, l'AS Cannes et Grasse se retrouvent pour un choc au sommet de National 2. Vous êtes le dernier entraîneur à avoir affronté Grasse en match officiel. C'était en DH, en 2016 (1-1)...

Il restait peu de matches et on jouait le titre à ce moment-là, donc l'enjeu était important. J'ai le souvenir d'un derby avec de la tension mais agréable à disputer lorsque vous êtes joueur de football. Même si on avait concédé l'égalisation en fin de partie, ce n'était pas immérité que Grasse revienne. On n'avait pas dominé notre sujet du début à la fin, ce qui me fait dire que la logique au niveau du résultat avait été respectée.

Après le match nul à Grasse, votre équipe filait vers la montée en CFA2. Contre Ardziv, vous faites entrer un joueur habitué à évoluer en équipe réserve mais le hic, c'est qu'il est en réalité suspendu. Sept ans plus tard, quel est votre sentiment concernant cette grossière erreur administrative qui a ruiné plusieurs mois de travail ?

Ce n'est pas une erreur administrative. Je pense qu'on a voulu me nuire et nuire à l'AS Cannes. Cela devait déranger certaines personnes haut placées en interne que l'équipe accède au CFA2. Ce qui s'est passé ce jour-là (contre Ardziv), c'est invraisemblable. Il y a un joueur de l'équipe réserve qui s'entraîne avec moi, que je n'ai jamais convoqué auparavant et que j'appelle parce que j'ai des blessés. Tout le monde sait qu'il est suspendu, mais personne ne me le dit. Le joueur en question reçoit un mail de la Ligue lui disant bien qu'il est suspendu, les gens du club savent qu'il est suspendu et le lundi matin, on m'appelle en m'annonçant que j'ai perdu le match qu'on a gagné et auquel le joueur a participé quelques minutes. Là, je ne comprends pas. Le pire, c'est qu'au moment où la feuille de match est enregistrée, les suspensions sont signifiées sur la tablette.

Vous parlez de sabotage, je parle de crime organisé

Mickael Madar, sur l'histoire de "la tablette"

La thèse d'un auto-sabotage volontaire faisait déjà parler à l'époque...

Ce n'est pas possible autrement. Parmi toutes les personnes au courant, quelqu'un ne pouvait-il pas se réveiller ? Même l'entraîneur de l'équipe réserve savait que son joueur était suspendu. Vous parlez de sabotage, je parle de crime organisé car nous perdons le championnat à cause de ça. Je suis encore marqué parce que je pense que les gens et les supporters m'aimaient bien, qu'ils étaient contents que je dirige l'équipe et du travail réalisé avec le groupe. Tous les supporters étaient déçus lorsqu'on a perdu, à cause de cette histoire, le championnat que l'on avait dominé du début à la fin. Quand je fais entrer le joueur de la réserve, c'est parce qu'on mène 3-0 et que je veux lui faire plaisir. Regardez où on a terminé.

Cette expérience à l'AS Cannes reste la seule de votre carrière sur un banc d'entraîneur. Difficile de ne pas y voir un lien de cause à effet...

Je n'ai même pas eu envie de postuler pour aller voir ailleurs. Si j'ai arrêté d'entraîner, c'est parce que j'ai été dégoûté par cette histoire et certaines choses qu'on peut voir dans le foot amateur. Ce n'était pas un milieu innocent et honnête et il ne l'est toujours pas aujourd'hui.

On perçoit que cet épisode reste douloureux.

La façon dont on a perdu le championnat... il y a de quoi être dégoûté. Et puis, lorsqu'on m'annonce deux jours après le dernier match que je ne suis pas gardé au motif que les joueurs me trouvent trop professionnel, trop dur et trop exigeant avec eux... Il faut savoir que j'avais une boutique sur Juan-les-Pins où les cadres de l'équipe venaient très souvent et où nous discutions football à longueur de journées. Ce qu'on m'a fait comprendre pour justifier mon départ, c'est que ce sont ces gars-là, qui ont connu l'exigence à des niveaux supérieurs, qui m'ont justement reproché d'être trop exigeant. Je peux être très dur avec mes joueurs mais je sais aussi me comporter comme un frère, un ami et j'ai été très indulgent dans certaines situations. Encore aujourd'hui, je ne veux pas croire que c'est eux qui ont réussi à me faire partir en allant voir les personnes décisionnaires.

En réalité, c'était un coup monté en interne pour me faire partir. Dans un milieu amateur où j'ai donné de ma personne pendant une saison, j'ai trouvé ça dégueulasse. J'avais un boulot à côté, je fermais plus tôt mon magasin pour aller entraîner et je le faisais par plaisir alors que mes enfants m'attendaient à la maison. A Cannes, j'avais un groupe fantastique et à la fin, on vient me dire : "Tu as perdu le championnat parce que tu as fait jouer un gars suspendu et tu pars du club parce que t'es trop professionnel ?". Je suis dégoûté de la façon dont mon histoire avec l'AS Cannes s'est terminée. Il y avait des enjeux ailleurs et j'ai été un dégât collatéral.

C'est comme si vous reveniez vers une femme qui vous a trompé avec votre meilleur ami

On l'imagine mal, mais on vous le demande quand même : avez-vous conservé un lien affectif avec votre ancien club ?

Non et ça ne m'intéresse plus du tout. C'est comme si vous reveniez vers une femme qui vous a trompé avec votre meilleur ami. C'est impossible pour moi. J'ai vécu cette histoire comme une trahison. Le club me donnait 1000 euros par mois, des joueurs étaient bien mieux payés mais je m'en foutais. J'étais heureux qu'on me donne l'opportunité de revenir à Cannes entraîner mon club. Derrière, on aurait accédé à la division supérieure avec peut-être un peu plus d'argent pour recruter afin de bien figurer en CFA2. L'histoire n'aurait pas été belle ? Je ne peux pas digérer ce qu'on m'a fait et je ne l'ai toujours pas compris.

A défaut d'avoir continué à entraîner, avez-vous pu vous épanouir dans les médias à travers votre rôle de consultant ?

J'aime bien mon rôle de consultant mais ça n'a rien à voir avec le terrain. Tu parles de foot mais tu ne peux pas tout dire et vu que ne suis pas du genre à me taire... ce n'est pas toujours évident pour moi. Dans n'importe quel milieu, il faut arrondir les angles, faire de la langue de bois. Même dans la vie de tous les jours, tu dois faire attention à tout ce que tu dis ou écris sinon, on t'attaque et porte plainte contre toi. A l'antenne, tu évites de dire certaines choses et finalement, tu n'es jamais toi-même.


Propos recueillis par Thomas Gucciardi

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