Il n'est pas compliqué de savoir quand on a affaire à un talentueux, un joueur qui "pue le football", qui sort un spectateur de sa torpeur par un geste de classe. Des signes ne trompent pas. Le premier sort de la bouche des éducateurs.

Premiers ballons avec Houssem Aouar

Quartier du Tonkin, Villeurbanne. C’est ici que le jeune Naïm Dhib use ses premiers crampons. Un club populaire, familial, loin des strasses et paillettes, qui a su créer un environnement propice à l'éclosion de l’actuel milieu de terrain de l’AS Saint-Priest. Car le petit Naïm est doué balle au pied, comme son père, excellent footeux dit-on. Il s'entend à merveille avec un joueur du même âge au toucher de balle tout aussi soyeux. Un certain Houssem Aouar.

Dès leurs premiers plateaux, on sent que les deux potes ne pratiquent pas le même sport que les autres. Fabrice Bernard, leur entraîneur des U9 aux U12, que Dhib cite toujours en référence, raconte : "Sur l’aspect cognitif, dans la perception des éléments et de l’environnement c’était assez incroyable… Houssem et lui avaient tout le temps un temps d’avance parce qu’ils avaient des facultés cognitives au-dessus de la moyenne ! Pour vous donner un exemple : à 10 ans, Naïm savait déjà faire une passe à un coéquipier dans le dos de la défense. Il était le seul à savoir faire ça. Il avait cette intelligence-là et c’était vraiment inné. Je ne lui ai rien appris de ce côté". Un talent brut, similaire à celui de l’international français (1 sélection) qui a dû emprunter une autre voie pour vivre de sa passion. La faute notamment à un léger déficit d'ordre physique selon son ancien éducateur : "Naïm avait été sollicité par l’OL. Il avait passé toutes les détections en même temps qu’Houssem mais avait été refusé à la dernière, il lui manquait surtout de la densité athlétique."

A la relance à l'ASSP

Les chemins des deux esthètes se séparent, direction les intérieurs feutrés et les installations dernier cri de Tola Vologe pour Aouar. Dhib rejoint l'autre grand club formateur du département : l'AS Saint-Priest. Ce qui aurait pu s'apparenter à un coup dur - l'échec à l'entrée de l'une des tous meilleurs pépinières de talents au monde - il choisit d'en faire une source de motivation supplémentaire. C'est aussi ça Naïm Dhib : un jeune joueur attachant, à l'image de son entourage, mais aussi un compétiteur né. "Il a toujours détesté la défaite, je l’ai souvent vu pleurer avec Houssem après un match perdu", se remémore Fabrice Bernard avant d’ajouter : "Il a toujours eu ce côté leadership. C’est un taiseux, mais il a toujours montré l’exemple sur le terrain. C’était un super gamin."

Des U13 aux U18 san-priots, entre 2010 et 2016, Naïm Dhib grandit sur et en dehors du terrain. Le "super gamin" du Tonkin est devenu un joueur confirmé à 11. Son arrivée précoce chez les U17 Nationaux est une première étape. "Il jouait déjà avec moi en U17 Nat alors qu'il était U16, se souvient Samir Ghenmazi, en place sur cette catégorie à l'époque : "Sa grande force, c'est sa capacité à donner de la verticalité au jeu grâce à sa clairvoyance et ses qualités techniques. Il était même capable de jouer défenseur central à cette époque !" Une polyvalence et un sens du jeu qui ne laissent pas indifférents les clubs voisins, à commencer par Lyon - La Duchère, autre grand club formateur de la Métropole de Lyon. Naïm Dhib souhaite franchir un palier. L'équipe-fanion du club du 9ème arrondissement vient d'être promue en National. Le joueur dit bingo.

Rendez-vous manqué avec le National à La Duchère

Après les U19, la découverte du monde séniors se fait d'abord du côté de la réserve. Alors en R1, l'équipe entraînée par Ludovic Assemoassa joue la montée en N3. Dhib change la donne. "Naïm est un joueur et un garçon que j’aime beaucoup !" nous confie d'emblée Assemoassa. "Il a été un des principaux acteurs de notre montée en N3. Au-delà de ses qualités techniques et de son volume de jeu ce qui m’a le plus marqué chez lui est sa volonté de ne rien lâcher et de tout donner pour le collectif". Mais alors que la route vers le National semblait toute tracée, le néo-international U20 tunisien ne fera que quelques rares apparitions dans le groupe de Karim Mokeddem (4) pour une titularisation le 9 novembre 2018 face à Dunkerque, où il est remplacé à la mi-temps. L'aventure duchéroise laissera un goût amer au joueur, qui ne sera pas parvenu à franchir l'étape du troisième échelon national. Pas grave, il décide de reculer pour mieux sauter dans un club de N2. Un club qu'il connaît bien : l'AS Saint-Priest.

"Un joueur qui peut largement jouer au-dessus"

Sous les ordres de l'ancien international ivoirien Lionel Bah, Dhib trouve un technicien qui parle le même football et croît en lui. "Naïm est un joueur à qui on n’a pas donné sa chance à La Duchère. Il a fait des groupes en N1 mais évoluait plus souvent avec la N3. Il est arrivé sur la pointe des pieds mais aujourd’hui c’est le leader de mon équipe. Il a réussi à élever son niveau pour le National 2" se réjouit le coach, qui voit en lui un cadre malgré deux saisons tronquées par le Covid. Le capitanat devient une évidence : "Je lui ai confié le brassard car c’est un titulaire indiscutable qui est respecté et écouté dans le vestiaire. Il sortait d’une bonne moitié de saison 2020-2021 et j’avais aussi envie de lui donner des responsabilités pour qu’il s’affirme un peu plus."

Lionel Bah a un plan pour son leader technique, et celui-ci se déroule sans accroc : "Le capitanat l’a fait grandir cette année. Il sent qu’il est important dans le groupe, il a compris qu’il devait prendre plus la parole et je trouve qu’il assume assez bien son rôle. Malgré les résultats décevants, il réalise une très bonne saison." A la lutte pour le maintien avec les Sangs & Or, récemment revigorés par une victoire sur la pelouse de son ancien club, Lyon - La Duchère, où il a marqué son 3ème but cette saison, Naïm Dhib caracole en tête du classement des étoiles Actufoot, récompense distinguant le meilleur joueur selon le coach de l'équipe adverse. La saison de la confirmation avant de retenter l'expérience plus haut ? "Il y a encore des domaines dans lesquels il doit progresser, il travaille dessus mais je pense que c’est un joueur qui peut largement jouer au-dessus" résume Lionel Bah.