4 novembre | 10h16
S. Mandessi-Bell : « Regarder les clubs pro les yeux dans les yeux»
Responsable de la formation et entraîneur des U17 nationaux du Montrouge FC, Samy Mandessi-Bell nous a accordé un entretien. L’occasion de revenir sur le succès du club du 92, sa méthode de travail, son parcours et ses ambitions. (Crédit Photo : Montrouge FC)
Actuellement deuxième de la poule A du championnat U17 national, derrière un PSG intouchable pour le moment, le club de Montrouge prouve une fois de plus qu’il faudra compter avec lui pour cette saison 2021-22. Ce qui n’est pas une nouveauté car pour rappel, lors de la dernière édition arrivée à son terme, l’équipe alors entraînée par Thomas Berlette avait réalisé l’exploit de se qualifier pour les Play-offs et mieux encore, de devenir le premier club amateur à atteindre les demi-finales du championnat, ne perdant que face au futur champion, le FC Nantes. Plus de deux ans et une épidémie après, il semblerait que peu de choses ont changé du côté du club des Hauts-de-Seine, qui jouit depuis des années d’une réputation de club formateur.
Mais cette réussite n’est en rien le fruit du hasard, mais bel et bien le résultat d’un travail effectué sur le long terme, à l’image de celui réalisé par Samy Mandessi-Bell, qui a rejoint le club en 2014 et qui en est depuis le mois d’avril dernier le responsable de la formation et entraîneur principal des U17 nationaux. Originaire du Cameroun, arrivé en France en 2001 à l’âge de 16 ans, ce bourreau de travail est l’un des hommes clés de la réussite du Montrouge FC. Entre deux des quatres séances hebdomadaires de son groupe, dont le travail sur la condition physique est l’un des points clés, cet homme qui de par son parcours et sa connaissance du football impose le respect, nous a parlé de ballon rond, de projets mais aussi de l’importance du côté social dans la vie de tous les jours d’un éducateur.
Samy Mandessi-Bell, comment jugez-vous le début de saison de votre équipe ?
Je trouve que c’est globalement plutôt bon, surtout au niveau des résultats, qui sont intéressants. On fait néanmoins deux nuls dans lesquels on a manqué un peu d’efficacité et de créativité. Mais ce qui reste un petit bémol pour moi, ne doit pas assombrir ce premier bilan qui reste très positif.
Vous avez commencé votre championnat par un revers face au PSG 5 buts à 0 et depuis vous n’avez plus connu la défaite, enchaînant six victoires et deux nuls. Pensez-vous que cette défaite initiale a été un acte fondateur de votre saison ?
Le score contre le PSG n’a généré aucun doute malgré son ampleur. On connaissait la supériorité de cette équipe, on était donc plus dans une préparation de la saison, tester un certain nombre de choses qui devraient être efficace sur toutes les autres équipes du championnat. On s’est préparé pour mettre un certain nombre de choses en place contre eux, ce qui a plutôt bien fonctionné en première mi-temps. En réalité, à la fin du match face à Paris, au-delà du score, je suis quand même ressorti avec un sentiment positif du fait de notre bonne première période. On a ensuite des outils d’analyses qui nous ont permis de mettre le doigt sur un certain nombre d’éléments qui nous manquaient face à eux, et qui ont un peu mieux fonctionné derrière. Même si pour être très objectif, on est encore très loin du niveau qu’on doit avoir et qu’on souhaite avoir.
Le Montrouge FC, actuel deuxième de la poule A du championnat, réalise une fois de plus un parcours exceptionnel chez les U17.
Quelles sont les ambitions de Montrouge cette saison ?
On a été habitué à jouer les premiers rôles ici à Montrouge, et cela se ressent même dans notre observation des joueurs et par définition dans notre recrutement, ou dans la préparation de nos équipes plus jeunes. Le but est de pouvoir rivaliser avec les clubs professionnels, d’ailleurs, aujourd’hui lorsque l’on joue et que l’on bat une équipe amateur, on a une sensation de normalité. Quand on prépare une saison, on le fait avec l’ambition et l’objectif de rivaliser avec les structures professionnelles de la poule et de mettre en place un projet de jeu qui nous permet de les regarder les yeux dans les yeux.
Malgré ce 5-0 encaissé, vous êtes la deuxième défense de la poule avec seulement 8 buts encaissés. Quelle est l’importance pour vous de cette solidité défensive ?
C’est assez bizarre et paradoxal, car personnellement je ne suis pas quelqu’un qu’on peut qualifier de défensif et qui aime ce style-là. En revanche, une chose est certaine, et on peut le constater quand on me parle après les matches, je n’aime pas prendre de buts. En fait, je n'aime pas que l’adversaire ait l’opportunité de se créer des situations ou du danger. Mais à côté de ça, j’ai une approche très offensive du jeu avec des latéraux très offensifs et des centraux qui ont la liberté d’attaquer.
Sur le but vainqueur contre le PFC, j’ai six joueurs de mon équipe dans la surface adverse, alors qu’on joue un club pro et que l’on pourrait se dire qu’il faut rester derrière, mais ma philosophie c’est que tant qu’on a la capacité de courir, on doit exercer ce jeu vers l’avant.
Samy Mandessi-Bell, coach des U17 Nationaux du Montrouge FC
Comment définiriez-vous votre style ?
On est une équipe dont le jeu est énormément basé sur l’intensité. J’aime bien voir mon équipe courir et être active, que ce soit pour attaquer bien entendu, mais aussi pour défendre. Je juge mon football comme étant assez offensif, dans le sens où je donne beaucoup de liberté à la majeure partie des joueurs sur le terrain, je n’en ai vraiment que deux qui ont un rôle de sécurité. En ce qui concerne les autres, s’ils ont les jambes et la condition physique, ils sont amenés à se projeter vers l’avant et à créer des situations pour l’équipe. On joue plutôt haut, par exemple, sur le but vainqueur contre le PFC en fin de rencontre à la 93eme (but du 2-1, NDLR), j’ai six joueurs de mon équipe dans la surface adverse, alors qu’on joue un club pro et que l’on pourrait se dire qu’il faut rester derrière, mais ma philosophie c’est que tant qu’on a la capacité de courir, on doit exercer ce jeu vers l’avant. J’accorde aussi également d’importance au pressing car cela nous permet dans l'absolu de concéder très peu d’occasions. Depuis le PSG, on a pris qu’un but dans le jeu, face à Tours lors de la dernière journée, c’est parlant.
Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?
J’ai grandi en Afrique, au Cameroun, je suis arrivé en France à l’âge de 16 ans. Je n’ai jamais été joueur, j’étais dans un internat en province et je ne connaissais rien de la pratique sportive associative. Tout a commencé pour moi au PFC où j’ai commencé là-bas mes formations d’éducateurs et découvert le monde associatif. J’ai eu la chance d’être au contact d’excellents éducateurs et entraîneurs, qui m’ont donné tout de suite un certain niveau d’exigence, et ce même pendant ma formation. Je suis arrivé la même année que Mathieu Lacan qui était alors sur les U15 et j’ai eu la chance de travailler deux saisons sur la catégorie avec Alexandre Monier notamment. J’ai ensuite rejoint l’AS Choisy-le-Roi ou j’ai eu pour la première fois la responsabilité d’une équipe, celle des U17 en R3, avant d’enchaîner deux saisons avec les U19, toujours en R3. Cette expérience m’a permis de prendre en charge les U13 régionaux de l’US Ivry et d’arriver à Montrouge en U17 pour m’occuper de l’équipe B, alors en D2. Au fur et à mesure, j’ai coaché les U14 élite puis les U19 R2. J’ai effectué beaucoup de tâches ici, responsable de la préformation, responsable de la performance (en charge de la prépa physique des seniors du club et des U17 Nationaux et par conséquent du recrutement de cette équipe). Depuis cette année, je suis le responsable de la formation du club, des U15 aux U18, tout en étant donc entraîneur principal des U17 Nationaux.
A long terme, je suis plus sur la démarche de rentrer d'où je viens, en Afrique et contribuer à la formation et au développement de jeunes joueurs là bas.
Samy Mandessi-Bell, originaire du Cameroun et actuel coach des U17 Nationaux du Montrouge FC
D'où vous vient cette envie de devenir éducateur ?
En réalité, j’ai toujours voulu faire ça, depuis très jeune. Mais malheureusement en Afrique, on n’a pas forcément les mêmes moyens et procédés de formation pour les entraîneurs. C’était assez obscur et ma famille était réticente à ce sujet, donc j’ai fait autre chose, un parcours scolaire assez classique : scolaire, terminale S, école supérieure … Mais le destin m’a rattrapé et c’est une heureuse coïncidence qui m’a mis en contact avec Alexandre Monier au Paris FC, et qui a tout lancé.
Comment imaginez-vous le futur ?
Je suis bien à Montrouge, on commence un nouveau projet sur la formation, j’aimerais faire monter les équipes de jeunes au plus haut niveau de compétition possible. Par exemple, aller chercher les U19 Nationaux (l’équipe évolue pour le moment dans le championnat de R2). A long terme, je suis plus sur la démarche de rentrer d'où je viens, en Afrique et contribuer à la formation et au développement de jeunes joueurs là bas. Je suis vraiment plus dans cette optique que dans celle d’intégrer une structure professionnelle ici en France.
Entraîner des seniors est une chose qui pourrait vous tenter ?
J’ai déjà encadré des seniors dans le cadre de la préparation physique ici à Montrouge et pourquoi pas le faire en tant qu’entraîneur principal, mais je pense que cela est intéressant qu’à partir d’un certain niveau uniquement. J’ai plus l’ambition d’aller chercher les U19 Nationaux avec mon club, c’est plus cela qui me titille et me motive que de me projeter vers les seniors.
Samy Mandessi-Bell, toujours au plus près de ses joueurs
Il y a également une part importante du social dans votre travail, pouvez-vous en parler ?
C’est important à tous les niveaux, même chez les pro d’ailleurs. Les joueurs ont besoin d’un accompagnement et d’un suivi, il y a des périodes qui sont moins faciles que d’autres, il y a aussi des problèmes extra-sportifs. On tombe parfois sur des jeunes qui ont des soucis de logement ou des difficultés à manger ou s’habiller, on doit donc forcément le prendre en compte. Le fait que je sois à plein temps depuis plusieurs années me permet de dégager du temps pour tous ses jeunes qui ont besoin qu’un peu plus que d’une séance terrain. C’est très enrichissant.
Je vous laisse le mot de la fin …
Je voudrais juste vous remercier pour ce que vous faites car c’est toujours intéressant de s’enrichir du parcours des autres coaches de la région. Continuez comme cela Actufoot.
Propos recueillis par Reynald Trunsard
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