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14 mars | 18h55

Bryan Alcéus : « Le match contre l’Argentine de Messi a relancé ma carrière »

Formé chez les Girondins de Bordeaux, Bryan Alcéus n’a pas réussi à éclore dans les championnats français. Pire encore, il était tout proche d’arrêter le football au sortir du centre de formation. Mais grâce à ses performances avec la sélection haïtienne, il a su rebondir. Cet hiver, il a rejoint le club de Zira FK (D1) en Azerbaïdjan.(@:AFP).

EXPAT

Quel est le niveau du championnat azéri par rapport à ce que tu as connu en France (N2, N1 et L2) ?

J’ai été agréablement surpris. Ici, il y a beaucoup moins de duels qu’en Ligue 2 par exemple, et c’est essentiellement basé sur la technique, le jeu de passe, la possession… Moi je suis un joueur qui est plus « physique » que « technique » on va dire. J’aime bien aller au contact pour me sentir bien dans les matches, mais en Azerbaïdjan, on évite les duels, donc c’est complètement différent de mon football.

On imagine que les consignes de ton coach vont dans ce sens aussi, et qu'il vous demande de prendre des risques ...

Exactement. On dégage très peu le ballon, et on essaie toujours de sortir balle au pied. Notre jeu est vraiment basé sur la possession. Comme je touche beaucoup plus de ballons ici, que dans n’importe quel club par lesquels je suis passé avant, mon jeu à changé. Je me suis muté en un genre de libéro qui descend entre les défenseurs centraux quand l’équipe a le ballon.

Comment s’est passée ton adaptation à la ville de Bakou ?

C’est une très belle ville. Ils qualifient Bakou de « nouveau Dubaï ». Tout est quasiment neuf et on s’y sent bien. Il y a beaucoup de restaurants qui proposent de la nourriture de cultures différentes. C’est très cosmopolite et j’aime ça.

Nous savons que l’Azerbaïdjan investit beaucoup dans le football ces dernières années, comment sont les infrastructures ?

Les installations sont top. Mais c'est complètement différent de la France et de l’Europe. C'est une autre façon de travailler. On n’a pas de centre d’entraînement propre à notre club, mais un camp de base dans un hôtel réservé à l’équipe. Les chambres font office de vestiaires. On a les kinés, la salle de sport, et le restaurant à disposition. Et pour ce qui est du terrain, un bus vient nous récupérer et on s’entraîne dans un centre où quasiment toutes les équipes d’Azerbaïdjan s’entraînent, sauf les deux gros, Qarabag et Neftchi, qui ont leurs propres terrains d’entraînement. Mais sinon, les installations sont vraiment de qualité. C'est beaucoup mieux organisé que la Roumanie par exemple.

As-tu hésité avant de rejoindre le club de Zira ?

Oui. Sans te mentir, ce n’était pas un transfert vraiment prévu. J’ai quitté la Roumanie de manière chaotique, et ce club en Azerbaïdjan était le meilleur projet qui s’offrait à moi.

Tu sors pourtant de deux belles saisons en Roumanie, où pour la première fois de ta carrière, tu joues régulièrement. Que s’est-il passé pour que tu en arrives à quitter le club du Gaz Metan ?

Mon passage en Roumanie est spécial. Tout d’abord, quand je signe là-bas, ça ne se passait pas très bien en France. J’étais sans club et je devais retourner en National pour continuer à jouer. C'est pourquoi j’ai voulu tenter l’aventure à l’étranger, car de toute façon, je n’avais pas vraiment réussi dans les championnats français. Je rejoins donc la Roumanie. C’était très difficile au début, mais avec le temps, je m’éclatais vraiment sur les terrains. Mais il y avait toujours des problèmes extra-sportifs. Étant donné que c’était la première fois que j’enchaînais les matches, cela m’a permis de faire abstraction de tous les à-côtés.

Si on gagnait, on n'était pas payé, et si on perdait pareil…

Quels étaient ces problèmes ?

Déjà, quand je suis arrivé, je ne connaissais pas vraiment le club. Je suis venu un peu à l’aveuglette. Le Gaz Metan n’avait pas de page Instagram. Il avait juste un compte Facebook, mais je n’y comprenais rien à la langue. La ville de Mediaș où évolue l’équipe… C’est vraiment un village. Mais surtout, le plus gros des soucis, c’est qu’on a eu des gros problèmes de paiement. Les six premiers mois, tout allait bien, mais à partir de janvier, c’était devenu trop compliqué. Il y avait toujours de la tension. Si on gagnait, on n'était pas payé, et si on perdait pareil… On parle de 5-6 mois de salaire donc ce n’était pas facile à vivre. Ça concernait tout le monde. Personnellement, je rentrais à la maison, et je me disais : “Pourquoi je fais ça ? Il faut que je parte.” Mais c’étaient les premières années de ma carrière où je jouais au foot, donc je faisais abstraction de tout ça.

Quel a été le déclic selon toi là-bas pour que tu restes concentré sur le foot ?

Je me suis dit “t’es en Roumanie, personne ne te connaît, il n’y a aucune attente sur toi, donc fais ce que tu sais faire”. Je ne me suis pas dégonflé et par le travail, j’ai pu prendre le dessus sur tous les problèmes.

​​Par le passé, tu déclarais déjà avoir reçu des offres des pays de l’Est, mais que pour toi, « ce n'était pas le vrai football ». Ton expérience confirme t-elle aujourd’hui tes propos ?

Footballistiquement parlant, j’ai kiffé. J’ai joué dans des stades de malade à Bucarest où j’ai vraiment halluciné. Le National Arena par exemple, qui a été utilisé pour l’Euro 2020. Je n’avais jamais vu ça dans les clubs où j’ai évolué en France et c’est normal, ce n’est pas en N2, N1 ou L2 que l’on peut voir des enceintes comme celles-là. J’ai vu la ferveur des Roumains pour le foot et ça m’a fait quelque chose. Mais c'est vrai que quand on est jeune, on ne rêve pas forcément de jouer en Roumanie ou en Azerbaïdjan. À l’époque, je venais tout juste de signer au Paris FC et je pensais encore à faire mes preuves en France. Étant natif de Colombes, je voulais jouer devant ma famille et mes proches, et c’est pour ça d’ailleurs que j’ai rejoint le PFC.

C’est d’ailleurs la Gold Cup qui t’a permis de signer au Paris FC. Quel est ton meilleur souvenir de l’épopée de 2019 ?

Mon plus grand souvenir, ça reste la demi-finale contre le Mexique et le stade plein. Mais j’ai tellement de bons souvenirs que je ne peux en garder qu’un seul. Du début jusqu’à la fin, c’était une aventure incroyable.

Sur le moment, te disais-tu que c’était l’aventure d’une vie, et que ça n’arriverait peut-être pas deux fois ?

Au tout début, je n’étais pas dans cette optique-là. Sur le papier, on n’avait pas l’équipe taillée pour aller aussi loin. Moi je jouais en CFA 2 à Chartes en tant que milieu gauche, donc aucun rapport avec mon poste de milieu défensif, et mon collègue à côté de moi jouais dans le championnat haïtien. Dès qu’on se confrontait au Costa Rica, au Mexique, au Canada, on n'était jamais favori. Sur le moment, on ne se dit pas qu’on va écrire l’histoire. Mais lors de notre premier de la compétition, on perdait 1-0 contre les Bermudes et on a su renverser la situation. Là, on s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire. On avait des leaders d’équipe comme Johny Placide, Duckens Nazon, mais aussi le coach Marc Collat qui nous suivait depuis un moment déjà. Le groupe était top.

Il y a une autre rencontre qui a certainement marqué ta carrière, c’est le match amical contre l’Argentine de Messi à La Bombonera ...

C’est le match qui a relancé ma carrière ! Pour la petite anecdote, je n’étais plus en sélection quand on apprend qu’Haïti va affronter l’Argentine. J’étais en CFA à la base, et je m’étais blessé. J’avais eu quelques soucis avec mon coach de l’époque en plus donc j’avais vraiment mis le foot de côté. J’évoluais donc en régional je crois, en 7e division, mais je ne me présentais même plus aux matches. Et là, le sélectionneur m’appelle et il me dit qu’il veut faire une nouvelle équipe et qu’il compte sur moi. Il voulait prendre des nouvelles et en savoir un peu plus sur ma situation. Visiblement, il ne s’était pas trop renseigné et je lui ai dit que je jouais tous les week-ends et que j’étais prêt (rires). “À ce moment-là, le foot ce n’était plus du tout sérieux pour moi. Puis quelques semaines après, j’ai affronté Messi.” C’était fou. J’ai rendu une bonne copie qui m’a permis de signer ensuite de rebondir en National.

C’est le match de ta carrière finalement.

Complètement, c’est exactement ça.

Pourtant, tu es issu du centre de formation des Girondins de Bordeaux et ta carrière aurait pu être différente. Qu’est-ce qu’il t'a manqué pour réussir en France ?

Au début, tout se passait très bien. Mais quand je suis arrivé en CFA, ça s’est compliqué. Il y avait beaucoup de joueurs dans l’effectif pro des Girondins et il y en avait beaucoup qui redescendaient avec la réserve, comme Cédric Yambéré ou Grégory Sertic qui revenait de blessure. Il n’y avait pas de place pour tout le monde. Têtu comme j’étais, je n’acceptais pas de descendre en U19 pour laisser ma place en CFA. Je n’étais pas content de ma situation et je broyais du noir... Une seule fois, j'ai eu l'opportunité de jouer avec les pros et de faire quelques matches amicaux. Mais j’ai eu le malheur de me blesser, et après pour revenir, c’était compliqué. Je n’étais pas très sérieux non plus au niveau de la récupération et des soins. Donc une béquille qui devait durer trois semaines a durée trois mois…

Malgré tout, gardes-tu des bons souvenirs de ton passage chez les Girondins ?

Ah oui. On peut dire que j’ai grandi là-bas. J’ai encore de très bons amis depuis mon passage à Bordeaux. J’étais très proche de Steve Shamal qui est aujourd’hui en Ligue 2 (SM Caen). On était tout le temps ensemble, on se tirait la bourre à l’époque (rires). Après Bordeaux, j’ai arrêté le foot pendant près d’un an donc c‘était compliqué pour moi. Mais je n’oublierai jamais les Girondins.

Quels sont tes objectifs pour la suite de ta carrière ?

Pour le moment, j’essaie de bien enchaîner les matches avec Zira. Physiquement, je n’étais pas du tout au point à mon arrivée. Ma charge de travail et mon temps de jeu sont bien calculés par le staff. Mon objectif premier est de retrouver ma forme et prendre du plaisir à rejouer au football. J’aimerais bien marquer un but aussi dans ma carrière car je n'en ai pas encore marqué (rires). À titre collectif, l’objectif du club est de finir dans les trois premiers pour jouer l’Europe. Si on peut être plus haut, on ne va pas se gêner !



Propos recueillis par Ahmet Rayman

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